1843 Les pierres volantes de Livet… un nouveau document

Carte postale de la route de livet par Eugène CHARPENAY, fin XIXe.

1843 LES PIERRES VOLANTES DE LIVET, UN NOUVEAU DOCUMENT DÉCOUVERT

Premier article publié sur cette étonnante histoire à découvrir à cette adresse : Les pierres volantes de Livet.

Voici la retranscription d’un document transmis par M. Paul Billon-Grand.

Publié dans le Bulletin de l’Académie Delphinale (disponible sur Gallica) selon le compte rendu de séance du 30 mai 1936. Il est le résultat d’une analyse rédigée d’après un rapport établi par le Dr Léonce Bonnardon*, lui-même protagoniste et témoin de l’histoire.
Les allocutions de séance impliquent généralement une réponse d’un autre académicien, celle de Bonnardon restera sans suite.
Il serait très intéressant de lire le rapport complet rédigé par Léonce Bonnardon en 1843, afin de pouvoir apprécier à leur juste valeur les 47 constatations qu’il renferme.
Pour ma part, et bien que cette intervention apporte beaucoup plus d’éléments que l’article de presse que j’avais consulté et qui avait motivé mon analyse plutôt à charge des évènements et de la description qui en avait été faite, je reste persuadé que l’explication la plus simple est aussi la plus plausible. Que la notoriété des personnes citées n’exonère pas la mystification. Les sœurs Fox, instigatrices du mouvement du spiritualisme au XIXe siècle, ont bien mystifié toute une époque avec un simple craquement d’orteil.
À vous de vous faire une idée avec ces nouveaux éléments.
Si je parviens à trouver le rapport aux Archives Départementales de l’Isère, j’en ferais la transcription complète et la partagerais sous la forme d’articles.

D’un phénomène ou prétendu tel survenu en 1842 par Michéa-Bonnardon
Séance du 30 mai 1936
– Messieurs, votre extrême indulgence a permis que je sois élu membre associé de votre respectable Compagnie. Je vous en remercie, plein de confusion pour un si grand honneur. Permettez-moi aujourd’hui de vous témoigner ma reconnaissance en vous apportant ma modeste pierre au chantier de vos travaux.
Je voudrais justement vous entretenir quelques instants de pierres qui se soulevaient au passage de deux petites filles dans la vallée de la Romanche, il y a prés de cent ans.
Le courrier de l’Isère, dans son numéro du mardi 3 janvier 1843, insérait sous la rubrique « Nouvelle Locales » le fait divers suivant : Les pierres volantes de Livet.

– Michéa Bonnardon poursuit :
Quels étaient ce médecin de Vizille et son fils, médecin également, que le Courrier de l’Isère cite avec autant de discrétion ?
Le hasard m’a fait découvrir un document qui éclaire, complète et précise l’article du Courrier de l’Isère.
Il s’agit d’un brouillon de rapport établi par mon grand-père Léonce Bonnardon, de Vizille, sur de nombreux phénomènes survenus à l’approche de deux filles âgées de 14 ans : Marguerite Pinel et Marie Genevois, des Clavaux, hameau de Livet.
Des pierres de nature, et forme et de grosseurs différentes se soulevaient sur leur passage en décrivant une courbe ; les plus petites étaient de la grosseur d’une noix, les plus grosses d’environ 6 à 8 centimètres carrés. Elles retombaient sur le sol en touchant quelquefois soit l’une des filles, soit l’une des personnes les accompagnant.
Les phénomènes se manifestaient à toutes heures du jour ou de la nuit dans des lieux différents et en présence de nombreux témoins, parmi lesquels : MM. Bonnard, avocats général ; Gibouy, directeur du tissage de soie de Vizille ; Belion, curé de séchilienne ; Dumas directeur de la Fonderie de Rioupéroux ; Paturel, juge de paix ; Viallet, huissier ; Cohende, percepteur de Vizille ; Eugènne Bonnardon, médecin à Vizille ; Jaques Bonnardon, mon aïeul maternel ; Léonce Bonnardon, mon grand-père, fils du précédent.
Des pierres se soulevaient aussi bien quand les deux fillettes se trouvaient à l’intérieur que lorsqu’elles se promenaient au grand air.
Le rapport relate 47 constatations, dont 25 à l’extérieur et 22 à l’intérieur, pour une durée de 67 jours du 17 décembre 1842 au 21 février 1843.
Il serait trop long de les indiquer toutes.
Voici quatre des plus remarquables:
Le lundi 19 décembre 1842, M Dumas, directeur de la fonderie de Rioupéroux, ayant envoyé chercher les deux filles, il les suivit et bientôt s’assura par lui-même que des pierres étaient soulevées de terre et attirées sur les jeunes filles et sur lui en décrivant toujours une ligne courbe. Il reconnut, ainsi que les autres personnes qui avaient reçu des pierres, qu’elles ne faisaient point ou presque point de mal. La femme, la belle-mère et la domestique de M. Dumas virent très bien le phénomène et reçurent même des pierres.
Le 22 décembre 1842, M. Jacques Bonnardon fut curieux de faire une épreuve vers 6 heures du soir. Mme Caire, hôtelière à Rioupéroux, se trouvaient aux Clavaux ; elle proposa à mon aïeul de l’accompagner avec les deux filles. Tous quatre se donnèrent le bras. Mme Caire à gauche, les deux filles au milieu, M. Bonnardon à droite, le domestique de ce dernier donna le bras à Mme Caire. À peine les promeneurs eurent-ils fait 25 ou 30 pas qu’ils entendirent tomber des pierres. Mme Caire dit alors à M. Bonnnardon : « Eh bien, cette fois, les entendez-vous et doutez-vous encore ? – Oui, je les entends, répondit M. Bonnardon, mais cela ne suffit pas, il me faut du plus positif. » Au même instant, M. Bonnardon aperçut une pierre venir à lui et il la reçut à la joue droite. Il s’assura qu’il n’y avait personne de ce côté et fut convaincu.
Le jeudi 12 janvier 1843, à 5 heures du soir, Marie Genevois revenant de Livet rencontra Marguerite Pinel et toutes deux entrèrent chez Pinel ; au même moment, la porte refermée, une pierre est tombée dans la chambre. Antoine Michel a vu la pierre encore au-dessus des petites et venant de derrière elles où il n’y avaient personne. Quelques secondes après, une pierre est tombée sur la tête de Marie, puis sur la main de la mère Pinel, ensuite à terre. Cette pierre a été vue par Jean Michel qui était aussi dans la maison.
Le même jour, à 10 heures du soir, à Rioupéroux, au moment où les petites entraient dans la chambre du premier étage, pour se coucher, une pierre assez forte et mouillée tomba fortement sur le plancher en présence de la domestique de M. Dumas. Toutes les personnes étant dans la maison ont entendu la pierre.
Le mercredi 18 janvier 1843, à 6 heures et demie du matin, Marie et Marguerite Pinel étaient couchées au pied du lit des époux Pinel ; Marie reçut trois pierres sur la tête ; tous les entendirent frapper Marie. La mère Pinel en vit même une comme une ombre au moment où elle tombait sur Marie ; mais ces pierres ne furent pas trouvées. Le même jour, à midi, chez Pinel, en présence des deux jeunes filles et de leur mère, une pierre mouillée est tombée près du poêle. Marie Genevois a vu distinctement cette pierre en l’air et venir du côté où il n’y avait personne.
En l’absence de conclusions, toutes les suppositions sont permises.
Cependant on doit remarquer que le rapport cite le témoignage de plus de 80 témoins, tous affirmatifs ; la qualité d’entre eux laisse bien peu de place à la supercherie.
Pour les manifestations qui se sont déroulées en hiver sur le flanc des montagnes qui enserrent la vallée, on peut admettre que vers le milieu du jour, les pierres se détachaient sous l’action du dégel et venaient tomber près des promeneurs. Mais cette explication n’est pas soutenable pour les pierres qui se soulevaient dans les rues des villages ou dans une propriété privée.
On doit écarter pour de nombreux cas le geste de mauvais plaisant lançant des pierres en cachette. Les témoins étaient trop nombreux et la surveillance trop active.
Que penser des pierres soulevées dans l’intérieur à toute heure du jour ?
Nos ancêtres se sont-ils trouvés en présence d’un véritable phénomène de lévitation ou de magnétisme animal ? Ont-ils été suggestionnés en masse ou trompés par la malice de deux petites paysannes ?
Nous n’avons plus le moyen de réunir les éléments permettant un examen rigoureux d’autant moins que j’ignore si le rapport a été mis au net et transmis pour étude.
Le champ reste libre aux chercheurs.

*Bonnardon, illustre famille de médecin vizillois. Un livre publié par l’association « Les Amis du pays Vizillois » est dédié aux mémoires de Basile Bonnardon 1786-1863.

Si vous avez trouvé une faute d’orthographe, une erreur ou si vous souhaitez ajouter une précision,
veuillez nous en informer en sélectionnant le texte en question et en appuyant sur les touches [Ctrl] + [Entrée] .

Print Friendly, PDF & Email
Ce contenu a été publié dans ARCHIVES, CHRONIQUE, TÉMOIGNAGE, TEXTE, VILLAGE. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.