1878 : Étude sur la voie romaine de l’Oisans (IV)

1878 : ÉTUDE SUR LA VOIE ROMAINE DE L’OISANS (Partie IV)
Remerciement à M. Alain Pellorce qui nous a confié ce document.

Quatrième partie du document découvert dans une maison de Clavans.
Quelques informations et affirmations sur les origines des noms de la combe Malaval, Pontsegur l’Origine du Dauphin.
Également des explications sur le passage ou non de la voie par le village de Mizoën et l’origine de ce nom, ce qui apporte un éclaircissement sur le motif du blason de ce joli village.

Du reste, ces hauts vallons, d’où toute végétation artificielle est aujourd’hui absente, ont été autrefois en partie cultivés sur les Férets et ailleurs, ainsi que le dénotent certaines délimitations de parcelles encore reconnaissables. Des bois s’élevaient près du lac de Rif Tort, où des fondrières du sol ont mis à découvert des troncs enfouis. Le déboisement changea en un désert ces riants vallons où une population pouvait vivre, et qu’animait la Voie. (Prairies appartenant à Mizoën.)
Lorsqu’elle avait dépassé les sources du Clot, la voie s’inclinait sur les collines qui dominent ce village et celui de Pariset; bientôt elle atteignait les coteaux des Aymes qu’elle traversait, et descendait à Mizoën.
La première partie de ce trajet présente une lacune considérable sur le parcours de la voie. Une colline assez vaste qu’elle traversait et qui était formée de terre végétale et de bois, minée par les eaux après le déboisement, s’est éboulée de fond en comble. A sa place de grands escarpements de roches nues et déchirées, sans aucune trace de végétation, offre un tableau de dévastation au milieu duquel toute recherche de Voie serait superflue.
L’existence de bois assez considérables sur ces roches si arides attestée par la tradition du pays, l’est encore par la dénomination particulière donnée au mas de terres voisin. A cette époque, plusieurs scieries avaient été construites près de là. Ces usines ont cessé d’exister avec les taillis qui les alimentaient ; mais leur souvenir est resté au mas lui même, désigné dans la commune par les mots (AU DESSUS DES SCIES) la rareté des bois sur les montagnes de Mizoën, rendrait aujourd’hui une scierie tout-à-fait inutile.
La Voie se retrouve, en partie taillée sur le roc, et dans un sentier qui fait communiquer entre eux et avec Mizoën, les villages voisins.
Ce sentier aboutit au chemin, qui, des Aymes, la conduisait à Mizoën.
Après des preuves aussi manifestes du trajet de la Voie romaine sur les hauteurs, depuis le Lautaret jusqu’à Mizoen, il semblerait oiseux d’examiner si cette Voie n’a point suivi le cours de la Romanche, par la Combe de Malaval, comme la petite route de Briançon l’a suivi plus tard.
Il est avéré que les Romains aussi prudents que hardis, cherchaient avant tout leur sécurité pour leurs voies en pays de montagne. Ils fuyaient les vallées, à cause des eaux, à plus forte raison, lorsqu’à cet inconvénient se joignaient comme pour Malaval, les terreurs d’une solitude profonde peuplée de bêtes féroces. Celle-ci leur était connue, et l’avaient appelée mauvaise MALA VALLIS. Une telle qualification indique assez l’éloignement qu’elle leur inspirait.
Plus tard, lorsque l’inondation sarrasine eut couvert nos provinces, un flot de cette marée barbare reflua jusque sur les hautes vallées de l’Oisans. Si comme la tradition le rapporte, ces étrangers obligés de fuir et se cherchant pour vivre des retraites profondes, ont pénétré violemment dans Malaval, et si, le fer et le feu à la main, ils ont pu s’y établir ce n’est qu’à une date postérieure et lorsqu’ils se sont implantés dans le pays, que cette vallée est devenue accessible pour d’autres. Une communication a pu se faire alors par là entre les localités voisines, mais quant à un chemin public le long des gorges de Malaval, il n’en est fait mention dans aucun document, avant l’époque des Dauphins, et c’est à ces princes qu’il doit son origine. Mais la nature sauvage de Malaval, l’effroi mal dissipé de son nom, l’absence de toute habitation où le voyageur put se réfugier, n’avaient rien de rassurant pour un chemin public. Il fallut y pourvoir.
Déjà une pensée généreuse avait créé à LAUTARET, un hospice destiné à recevoir et à secourir les passants, dans ces difficiles parages. Cet hospice était succursale du monastère hospitalier que les seigneurs croisés du pays avaient fondé au Monestier de Briançon, à leur retour de Terre Sainte, à la suite d’un vœu et dans le but de favoriser les pèlerinages vers Rome et Jérusalem. Les Dauphins, sous la dépendance de qui était tombé l’hospice du Lautaret étendirent les services en lui adjoignant deux hospices, l’un à la Madeleine, au-delà du Lautaret, l’autre à Loche, dans la Combe de Malaval. On raconte que venant quelquefois chasser dans ces montagnes, ils avaient établi un rendez-vous de chasse où a été bâti depuis le village des Dauphins. C’est dans ces sortes d’excursions qu’ils auraient par eux même l’urgence de ces deux fondations hospitalières. La direction en fut confiée aux religieux du Lautaret, et les soutinrent de leurs bienfaits.
Constitués comme établissement d’utilité publique, ces 3 hospices ont continué jusqu’à nos jours leur mission charitable. Celui de Loche dut renoncer à la sienne il y 35 ans; lorsque le chemin qu’il desservait sur la rive gauche de la Romanche en qui était connu sous le nom de petite route de Briançon fut délaissé pour la route actuelle. (livre écrit en 1878)
Le nom de petite route de Briançon est venu à ce chemin de ce que, par opposition à la grande route de Grenoble à Briançon passant par Gap celui-là était plus étroit, 2 à 3 mètres pour les bêtes de somme et les piétons. C’est uniquement de ce chemin qu’on aperçoit aujourd’hui la trace dans Malaval, sur la rive gauche de la Romanche. L’historique précédent démontre que le chemin dont elle est le reste, n’a jamais eu aucun rapport avec la Voie romaine.
En descendant des hauteurs de RIF TORT, la Voie antique arrivait à Mizoën, comme à une halte qui se trouvait sur son passage. C’était la 1ère localité un peu importante où l’on pût se reposer.
L’agrément du site, la productivité du sol et des commodités particulières pour le campement des légions, avaient désigné ce lieu au choix des conquérants pour l’établissement d’une station. Les distances elles mêmes répondaient à ce choix, l’intervalle à franchir entre Mizoën et la station de DUROTINCUM était à peu près le même que celui de cette dernière à STABATIO. La station y fut en conséquence établie, sous le nom de MELLOSEDUM. Ce nom, que les romains ne firent que traduire dans leur langue, était identique avec sa dénomination primitive, dont une production de son terroir était l’expression. De tout temps, l’abeille avait recherché les expositions heureuses des coteaux de Mizoën et les fleurs de ses montagnes, et elle y faisait couler un miel succulent qui, par sa qualité et par sa quantité, avait valu au pays une réputation méritée et soutenue jusqu’à nos jours. De là, le nom significatif latin MELLOSEDUM (lieu où réside le miel) qui lui fut donné, et duquel découle, comme de son étymologie propre, le nom actuel de MIZOËN, avec une désinence sarrasine peut-être.
Ceux qui avaient cru au passage de la Voie romaine par Malaval, ne pouvant admettre que la station de MELLOSEDUM eut été MIZOEN, dont la position leur paraissait trop en dehors de la voie, reportaient cette station au Mont-de-Lans, près duquel s’observent des vestiges certains de cette voie. Ces deux erreurs, nées l’une de l’autre, devant l’exposé des faits qui précèdent, indiquant, d’un côté, le véritable parcours de la Voie jusqu’à Mizoën, de l’autre, l’origine et les phases de la petite route de Briançon et son existence tout à fait postérieure à celle de la Voie antique. Le géographe d’Anville, explorant cette voie il y a plus d’un siècle, alors que les traces en étaient bien plus apparentes que Mizoën avait été effectivement le siège de la station de MELLOSEDUM.
L’opinion de d’Anville est du plus grand poids dans cette question, elle est conforme à la vérité des faits, et nul doute un peu fondé ne peut s ‘élever contre elle.
L’établissement d’une station romaine à Mizoën avait donné à cette localité une importance qui s’est maintenue pendant les premiers siècles de notre ère. A raison de cette importance, Mizoën fut la première de toutes les agglomérations alors existantes dans cette partie de la vallée de la Romanche, à recevoir les enseignements du christianisme. On montrait encore, il y a 20 ans, près de Mizoën, une vieille ruine qui passait pour être celle de la première église construite dans cette moitié de l’Oisans.
Cette importance suivit les péripéties de la Voie, et diminua lorsque celle-ci se fut éteinte sur les hauteurs de Rif-Tort.
Au sortir de Mizoën, la voie antique, obligée de se dévier devant les gorges du FURENT (N.D.T. quelles sont ces gorges ?), allait, le long de ces gorges, contourner le mamelon au haut duquel s’élève aujourd’hui le clocher de la paroisse; puis revenant à l’Est, elle descendait en circulant sur les flancs des coteaux, jusqu’au côté EST d’un rocher qui surplombe la Romanche, presque en face de la galerie actuelle du Chambon. Là, rétrécie entre des rochers, dont une partie a été enlevée par la mine en 1809, lors de la construction de la route actuelle de Briançon, la Romanche permettait un pont, au dessus de l’étroit défilé où elle se précipite. Jeté d’assez haut sur un gouffre dans une gorge sauvage, ce pont dut avoir toutes les conditions de sécurité.
C’était un pont sûr, PONS SECURUS. De là est venu, par corruption à toute la gorge le nom de PONTSEGUR, qu’elle a toujours porté, et qu’un petit pont sur la Romanche, pour Mizoën, etc. , datant de 1810, a retenu pour lui.
Le torrent franchi la Voie gravissait la colline en face, dont la pente, bien plus douce alors qu’elle ne l’est aujourd’hui , est devenue plus déclive par l’enlèvement des terres de sa base, nécessaire à l’ élargissement de la route qui passe à ses pieds. Elle continuait à monter en se tordant entre les rochers, jusqu’au bas de l’éminence appelée Calvaire du Mont-de-Lans. A ce point elle prenait, sous cette éminence, sa direction vers l’Ouest; venait traverser les terres du Mont-de-Lans, le ruisseau de l’Alpe, et suivant les inégalités du terrain rocailleux au-dessus de BONS elle arrivait, après une courte descente à la Porte Romaine .
Dans ce trajet, ses traces sont encore, sur plusieurs points, manifestes. On les retrouve, dans le sentier qui de Mizoën suit la gorge du Furent et tourne sur les terres; et dans certains restes, le long du chemin de Mizoên suivi jusqu’ici. Elles se montrent de l’autre côté de la Romanche sur la colline, entre les rochers où elle monte et dont plusieurs ont été taillés pour la laisser passer sous l’éminence du Calvaire, et dans les sentiers qui, en deçà du ruisseau de l’Alpe traversent les terres du Mont-de-Lans et au delà marchent vers la Porte Romaine. En parcourant ces derniers, on remarque ça et là sur 200 mètres de longueur, des ornières imprimées sur le roc, tantôt doubles et parallèles, tantôt simples, selon que la Voie était en tout ou en partie appuyée sur lui.
C’est dans la traversée des terres du Mont-de-Lans et près du sentier, du côté Calvaire, que fut mise à découvert une sépulture antique en 1860.
Cette sépulture contenait des bracelets, etc., semblables à ceux qui ont été cités pour les autres. Posée sur le bord de la Voie, elle était là comme un des signes funèbres que l’on a vus précédemment jalonner son passage.

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