1878 : Étude sur la voie romaine de l’Oisans (VI)

1878 : ÉTUDE SUR LA VOIE ROMAINE DE L’OISANS (Partie VI)
Remerciement à M. Alain Pellorce qui nous a confié ce document.

Sixième partie du document découvert dans une maison de Clavans

Où il est question des origines du nom des Châtains d’Auris, de l’Armentier et de La Garde  sa fonction stratégique sur la vallée .

Nous avons laissé la Voie Romaine aux Chatains d ‘Auris, où elle n’était pas arrivée sans peine, après avoir franchi la Romanche. Le nom pluriel de cette localité où la grande voie voyait une annexe se détacher d’elle fait présumer qu’il a comme celui du Chatelard une étymologie romaine.
Elle est située au pied des collines d’Auris, sur un agréable et fertile plateau, au-dessus du cours de la Romanche et en face du Chatelard. Sa situation était des plus favorables pour établir là un CASTELLUM, ou poste militaire permanent, chargé, de concert avec le poste d’observation du Chatelard, de la protection de la Voie, de la garde des deux rives de la Romanche et de l’occupation du pays. La voie annexe qui quittait en cet endroit la voie principale, réclamait aussi protection et sécurité pour elle, et à cet effet, un second CASTELLUM dut s’élever près de là sur son point de départ. De même qu’aujourd’hui les Chatains forment deux villages rapprochés, le grand et le petit châtain, de même à l’époque romaine, il dut y avoir sur chacun des deux points qu’ils occupent actuellement un CASTELLUM spécial pour chacune des deux voies ; le premier le plus important sur la Voie principale ; le second sur la Voie annexe; et du nom pluriel CASTELLA qui les réunit serait dérivé celui des Châtains par lequel sont désignés les deux villages qui les ont remplacés, en absorbant les constructions romaines dans leur extension.
Après avoir, par une bifurcation au Petit-Chatain, fourni la Voie annexe, dont la destination sera indiquée plus loin, l’ancienne voie se développait en circuits sur l’amphithéâtre de collines qui forme le territoire d’Auris, s’élevait par degrés jusqu’au village des SERTS, et marchait ensuite presque horizontalement jusqu’à l’angle de la montagne qui domine la vallée. Là, elle contournait la roche, et s’avançant sur les collines de l’Armentier, elle traversait, ainsi que leurs villages, du midi au nord, venait un peu plus loin, au-dessus de la ville, passer le torrent de Sarène et arrivait à la Garde.
D’assez nombreuses traces constatent ce passage de la Voie, des Chatains à la Garde, entre autre en deçà et au-delà des Serts, où le senti restant conserve çà et là presque la largeur de la voie ; ce sentier vient traverser la roche de L’Armentier, non sans quelque danger, mais en se rapprochant du village, il s’élargit et se continue avec le chemin communal jusqu’à la Garde. Le passage de la Voie sur le torrent de Sarène est encore marqué par quelques restes de murs, que l’on voit à 100 mètres au dessus du pont actuel.
Sur la roche de l’Armentier, tel a été le bouleversement survenu plus tard par la désagrégation des schistes calcaires dont cette roche se compose, qu’il semble impossible aujourd’hui que la Voie ait jamais pu passer par là. Et pourtant son existence, attestée par la tradition, a été aussi certaine ici qu’ailleurs, et un sentier qui lui a survécu jusqu’à ce jour, pour les communes voisines, en a conservé fidèlement la trace. La désorganisation de cette roche est un fait constant, qui se continue. Il paraît que c’est au déboisement qu’il faut en demander compte. D’après une vieille tradition, toute cette partie de la montagne était autrefois couvert de terres et de broussailles ; ces bois étant venus à manquer, le terrain a cédé peu à peu sous l’érosion des eaux et sous celles de la Romanche dont les affouillements corrodés sa base. L’impossibilité apparente du passage de la Voie à travers la roche de l’Armentier, avait fait supposer que cette voie au lieu de se diriger de ce côté, montait des Châtains à Brandes, pour de là redescendre à Huez et à la Garde il n’y a eu à cet égard qu’une confusion de leur part entre la Voie principale et la voie annexe, laquelle des Châtains montait effectivement à Brandes. Mais la voie principale n’avait pas besoin de faire ce grand détour, et sa marche directe vers l’ouest et la Garde, en quittant Auris, était par le versant de l’Armentier. Le nom seul de ce village, dérivé du mot latin ARMENTUM (troupeau de gros bétail) prouve d’ailleurs le rapport qui a existé autrefois entre la Voie et les pâturages de ses collines qu’elle traversait.
Selon la tradition, le village de la Garde, est aussi ancien que le pays lui-même, et figurait avant les romains parmi les bourgades de la peuplade ucénienne. Situé presque à son centre, dans un bassin abrité, agréable et fertile, ce lieu attira bientôt à lui une population qui fit valoir ces dons naturels. Outre les produits du sol, des mines riches dans les roches environnantes comme dans les sous-jacentes, apportaient à sa population des avantages et des ressources qui faisaient de cette bourgade un point privilégié de la contrée.
Ces éléments de prospérité fixèrent l’attention des Romains, devenus les maîtres et ils songèrent à les mettre à profit. L’intérêt stratégique le premier de tous pour eux, exigeait d’abord qu’ils eussent une telle position sous la main ; ils dirigèrent en conséquence par là leurs communications de Turin à Vienne. Tout appelait aussi dans ce lieu l’établissement d’une station : les convenances de lieu, de productivité, de climat, les distances et les intérêts qu’excitait la présence de mines nombreuses dans le voisinage.
En comparant la distance avec celles des stations précédentes, on pouvait juger que l’étape militaire de ce lieu à MELLOSEDUM était environ de 15 km comme de MELLOSEDUM à DUROTINCUM. La station y fut conséquemment fixée et nommée CASTORISSIUM.
Afin de tirer de la position et subséquemment des mines à exploiter sur les montagnes voisines, tout le parti désirable pour la conquête, ils dotèrent la localité d’établissements publics qui avaient la Voie, la station et les exploitations pour objet. Le principal de ces établissements consista en une citadelle ou forteresse élevée sur un plateau voisin qui dominait la station, la vallée et le pays d’alentour. Dans cette forteresse séjournait une force militaire assez importante pour suffire aux divers services indiqués et à l’occupation du pays. Deux tours furent en même temps construites sur le trajet de la voie et de chaque côté du torrent de Sarène, sur les rives duquel la station était située.
Ces établissements gardiens de la conquête sont attestés par des ruines et par d’autres vestiges non moins certains. Le premier et le plus grand de tous a disparu en entier du sol sur lequel il s’élevait, mais à sa place, qui est aujourd’hui un terrain cultivé, on a trouvé enfouis des restes de constructions, des débris ouvrés en fer ou en cuivre, des médailles à l’effigie des empereurs romains etc. L’emplacement qu’il occupait forme un mas particulier connu aujourd’hui dans la commune sous le nom de les Châteaux. Ce nom, qui rappelle le moyen âge, lui a été laissé par la transformation que les Dauphins, imitateurs des romains dans la possession et l’administration de la contrée et dans l’exploitation des mines, firent subir à l’ancien établissement romain pour leur avantage ils le relevèrent de ses ruines, le modifièrent selon le caractère de leur époque et le disposèrent d’après leurs convenances ; mais la création première de l’établissement était l’œuvre des Romains.

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