1913, les origines du parc des Écrins

Le Lauvitel, vers 1930, Prise de vue GEP.

1913 LES ORIGINES DU PARC DES ÉCRINS
UN PROJET DE PARC NATIONAL DANS LES MONTAGNES DE L’OISANS

Journal le Petit Parisien le 17-03-1913
Grenoble, 16 mars.

M. Mathey, conservateur des eaux et forêts à Grenoble, vient d’avoir une heureuse initiative. Il s’agit de la création, dans les montagnes de l’Oisans, d’un parc national, qui mettrait à l’abri de la destruction les plus beaux spécimens de la flore et de la faune alpestres.

Il y a des précédents à cette tentative. Les peintres de Barbizon n’ont-ils pas obtenu, jadis, la concession d’une partie de la forêt de Fontainebleau pour la transformer en parc plus tard, dans le massif de la Grande-Chartreuse, un vaste espace ne fut-il pas réservé à des plantations d’arbres ? Avec le temps, ces tentatives ont été abandonnées et plus rien n’en subsiste.
Par contre, ces parcs spéciaux existent à l’étranger. Aux États-Unis, le parc de Yellowstone mesure 800 000 hectares. Ceux de Suède, d’Australie, d’Angleterre sont également très vastes. La Suisse en compte plusieurs, couvrant ensemble 171 000 hectares, où s’abritent six mille chamois et sept cents chevreuils.

L’emplacement proposé pour la création du nouveau parc est un coin de la région de l’Oisans, situé entre la Bérarde et Saint-Christophe. Cette dernière commune, qui comporte un territoire de 20 000 hectares, ne compte que fort peu d’habitants. La population n’aura donc pas à subir de préjudice.
Cette région avec ses cimes majestueuses, ses vallées profondes, ses torrents impétueux, ses glaciers mouvants, était tout indiquée pour un parc national, d’autant plus qu’il sera possible dans l’avenir d’englober l’autre versant, la Vallouise, et de constituer ainsi, un parc de 40 000 hectares.
Cette création permettra, en outre, de reboiser toute la région de Saint-Christophe et de parer au danger permanent qui menace toute la plaine du Bourg-d’Oisans, sur laquelle le Vénéon évacue, chaque année, mètres cubes de rochers et de graviers.

M. Mathey a obtenu, pour la création de ce parc, de la commune de Saint-Christophe-en-Oisans, la promesse de vente à l’État, d’hectares et une location de 8 700 hectares

Citons, à ce sujet, un détail touchant : lorsque, à la mairie de Saint-Christophe, fut signée la promesse de vente, le maire, un vieux brave homme, s’avança vers le conservateur des eaux et forets :
– Les Lorrains d’Arracourt, s’écria-t-il, ont fait leur devoir en répondant à un ordre de mobilisation. À nous, habitants de Saint-Christophe et de la Bérarde, de faire aussi notre devoir envers la France.

Le vieux magistrat municipal laissait entendre que ses administrés, eux aussi, faisaient un sacrifice en vendant le terrain communal à l’État. Et c’est exact, car il existe, en ces parages, d’énormes chutes d’eau, que les accapareurs de houille blanche — industriels avisés, mais peu soucieux du pittoresque —, convoitent depuis longtemps.
Le projet du parc national a fait un premier pas. Il reste à souhaiter qu’il devienne, avant peu, une réalité.

 

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