1921, Ouverture de la route de la Bérarde

Église de Saint-Christophe en Oisans en 1921.

1921, OUVERTURE DE LA ROUTE DE LA BÉRARDE
Histoire de la construction d’une route touristique en Oisans.


Par la Revue du Touring-club de France.

La dernière section du chemin de la vallée du Vénéon vient d’être ouverte à la circulation, l’œuvre conçue par le T. C. F. est enfin accomplie, et l’automobile peut conduire les fervents de l’ « Alpe » jusqu’au célèbre hameau de la Bérarde, centre de toutes les excursions dans le massif des Écrins-Pelvoux, alors que jusqu’ici les touristes quittant les voitures à Saint-Christophe-en-Oisans devaient parcourir à pied ou à mulet les douze derniers kilomètres par un mauvais et étroit sentier, grimpant parfois- à 25 et même 30 %.
La réalisation de cette œuvre si importante pour le tourisme se heurtait surtout à la question financière. Le problème tech- 
nique était relativement facile, et bien que le projet comporte des travaux importants de terrassement et de soutènement ordinaires en montagne, il ne nécessitait, à l’exception d’un court tunnel et de quelques petits ponts, aucun ouvrage d’art d’exécution délicate. Le difficile était de réunir les 306 000 francs jugés nécessaires avant-guerre pour l’exécution du chemin.
C’est là que l’action du T. C. F. fut particulièrement féconde. Dès 1909, notre président signalait à M. le président du Conseil général de l’Isère le grand intérêt que présentait, pour le développement du tourisme, la construction d’une route carrossable de Saint-Christophe à la Bérarde.
L’idée prenait aussitôt corps, et à la suite du généreux exemple du T. C. F. qui donnait de suite 4000 francs pour les études et promettait en outre une subvention ferme de 60000 francs pour les travaux, de nombreuses et importantes souscriptions étaient recueillies. La ville de Grenoble s’inscrivait pour 10000 francs, le P.-L.-M. pour la même somme, les touristes du Dauphiné donnaient 4000 francs, la commune de Bourg-d’Oisans 5000.
Le montant total de ces souscriptions généreuses atteignait la somme imposante de 94500 francs, et permettait de passer à la réalisation du projet. Aussi, le Conseil municipal de Saint-Christophe demanda-t-il, en 1910, la construction du chemin, en offrant 8000 francs de subvention. Le Conseil général décidait aussitôt d’inscrire les travaux au programme en demandant pour eux les subventions de l’État et en prenant à sa charge le surplus ; l’État, en dehors de son concours normal, promettait une subvention extraordinaire de 30000 francs.
Le projet s’exécute alors par section ; en 1913, on peut ouvrir à la circulation le premier lot de Saint-Christophe à Champhorent, et commencer l’exécution du tronçon de Champhorent aux Étages. La guerre vient interrompre les travaux qui ne sont repris qu’en 1920, après une révision des prix, entraînant une forte augmentation de dépenses, dont la charge nouvelle est supportée uniquement par l’État et le département. Le 16 novembre 1920, la route arrive aux Étages, et fin juillet 1921, la première automobile peut atteindre la Bérarde.
La dépense totale de construction du chemin s’est élevée à 528061 francs, répartis comme suit entre les divers participants : 
Commune de Saint-Christophe, 9349 fr. 
Souscriptions 94500 – 
Subventions de l’État 186769 — 
Part du département de l’Isère, 237443 —
Quelque importante que soit cette dépense, c’est de l’argent bien placé, puisque l’une des plus belles parties de nos superbes Alpes françaises est maintenant accessible à tous.
Sur tout le trajet du Bourg-d’Oisans à la Bérarde, le paysage est vraiment unique par sa beauté particulière. La route s’élève d’abord rapidement, au milieu d’impressionnants éboulis, jusqu’au Plan-du-Lac, puis continue son ascension sur Saint-Christophe au milieu d’éperons rocheux surplombant le Vénéon de 200 mètres et en franchissant le pittoresque ruisseau du Diable. Après les prairies de Saint-Christophe, elle s’installe dans les clapiers jusqu’à Pré-Clot, puis à flanc de rocher jusqu’à Champhorent. Au-delà de ce hameau le chemin se trace à 300 mètres au-dessus du Vénéon dans des rochers escarpés et à pic, dont le passage a nécessité un court tunnel ; il se poursuit en traversant diverses courbes au milieu des clapiers, franchit les ruisseaux d’Embas et du Damon, passe aux Étages pour arriver à la Bérarde immédiatement après le pont sur le ruisseau des Étançons. Sur tout le parcours, l’on jouit de vues superbes sur la vallée du Vénéon, sur les hautes cimes qui l’enserrent, sur des vallées secondaires, sur les cascades de la rive gauche, sur les glaciers. À la Bérarde, pour ceux qui redoutent les grandes ascensions, la montée relativement facile de la Tête de la Maye permet de jouir d’un des plus beaux panoramas de hautes cimes.
La route de la Bérarde ne peut donc manquer d’avoir le plus grand succès, récompense suffisante de tous ceux qui ont généreusement aidé à sa réalisation. En invitant tous nos camarades à la parcourir, nous leur rappellerons la prudence indispensable sur toute route de montagne et qui s’y impose particulièrement à raison de son profil accidenté, de son peu de largeur et de l’absence de banquettes de sûreté.
Certains virages un peu courts ont déjà été améliorés dans la mesure du possible en amont du Bourg-d’Arud et avant Saint-Christophe, et l’on envisage la création dès l’année prochaine d’un certain nombre de garages pour le croisement des véhicules.
En attendant, la circulation y est réglementée en ce sens que la montée doit avoir lieu le matin et la descente l’après-midi.
Des mesures spéciales de surveillance ont été prises pour rassurer l’observation de cette double prescription.

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