Allix contre les historiens d’occasion

Besse, photo Raoul Blanchard, Archives Musée Dauphinois.

ANDRÉ ALLIX CONTRE LES HISTORIENS D’OCCASION

Source Gallica : Bulletin de l’Académie delphinale
Date d’édition :  1925

Sur le même sujet : La foret des brigands de Besse en Oisans

Séance du 11 décembre 1925
(Présidence de M. P. Saint Olive, président)

M. André Allix donne lecture de son étude intitulée : « À propos de la Forêt de Besse ». On admettait depuis plusieurs années l’existence, jusqu’aux temps modernes, d’une ancienne forêt à Besse-en-Oisans. Cette forêt aurait été brûlée volontairement, par les habitants, au milieu du XVIe siècle, c’est-à-dire à une époque très rapprochée de nous, pour anéantir « des brigands » qui s’y étaient réfugiés. Besse n’aurait pris son nom actuel et les terres n’y auraient été réparties qu’à cette date.
M. Allix démontre avec pièces à l’appui que tous ces faits sont inexacts. Besse porte son nom depuis le XIe siècle au moins et n’en a jamais changé depuis. Les terres ont été réparties avant le XIIIe siècle, et, au temps où Saint-Louis régnait en France, les paysans de Besse, ancêtres de ceux d’aujourd’hui, cultivaient déjà paisiblement leurs champs. Depuis cette époque, il n’y a jamais eu de brigands et la police était bien faite, comme dans tout le Dauphiné, par des fonctionnaires delphinaux dont nous avons conservé les rapports et les comptes. Pour croire aux brigands de la forêt et aux transformations profondes qui auraient suivi leur destruction, à une époque si proche de nous, il faut ignorer tout de l’histoire de Besse au moyen âge, qui heureusement est aujourd’hui bien connue. En ce qui concerne, en particulier, la prétendue forêt, M. Allix montre que, trois siècles avant sa prétendue destruction, Besse se plaignait déjà d’être sans bois, et de n’avoir à brûler que de la bouse de vache. Il est vrai qu’on a paru invoquer des documents, qui se trouveraient aux archives de la mairie de Besse. Mais ce qui a été publié de ces prétendus documents est d’une si grande invraisemblance historique, pour ne pas dire plus, qu’on en conçoit des doutes ; le conférencier cite des exemples et rend compte de sa visite aux archives de Besse. Ces archives sont restées intactes depuis 1843, date de leur inventaire, rien n’y manque et l’on ne peut supposer que les documents en cause en aient été sous traits. Or, elles ne contiennent nullement les « trois par chemins » invoqués à propos de la forêt. Elles contiennent, il est vrai, trois parchemins, dont deux splendides, mais ils n’ont que les rapports les plus vagues avec ce qu’on en a tiré. Ils ne soufflent mot, ni de la forêt, ni des brigands, ni de l’incendie, ni, bien entendu, du partage des terres. L’un de 1373, a trait au procès de Besse contre Mizoën à propos des alpages de Riftord sur le plateau de Paris, où dès cette date il n’y a pas un bois ; un autre, de 1412, règle une contestation à propos des limites entre Besse et Clavans, et signale entre ces deux communes des petits bois ou vernes qui existent encore aujourd’hui ; le troisième a trait à un minuscule procès de 1491 à propos du four banal.

M. Allix conclut en supposant que ces parchemins ont été lus de travers, rattachés tant bien que mal à une légende locale qui d’ailleurs se retrouve partout, et interprétés avec une fantaisie délirante, par des historiens d’occasion, peu familiarisés avec l’écriture gothique et le latin des manuscrits du moyen âge.

M. Saint Olive, président, remercie vivement, M. Allix de la contribution importante qu’il a apportée à la question controversée de la haute forêt alpine. Une courte discussion, à laquelle prennent part quelques personnalités présentes, établit de façon absolue le bien-fondé des conclusions de M. Allix, dont le travail doit être tenu pour définitif, en ce qui concerne la forêt de Besse au moyen âge.

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