Au revoir Paula

PAULA THORELLE NOUS A QUITTÉS

Paula était une amie. Elle était toujours gaie, toujours optimiste, toujours pleine d’entrain et toujours souriante. 
Membre de l’association Freneytique, sa bonne humeur et son esprit fin nous ont accompagnés de très longues années. Je garde un souvenir impérissable de cette figure locale, connue et appréciée. 
Quand je la saluais, je l’appelais « Mme Paula de La Balme », mêlant son prénom au nom du hameau où elle vivait, en précisant que la noblesse Aurienchonne  était parmi nous. Cela la faisait rire et bien souvent elle rajoutait un bon mot à ma boutade, car elle aimait à dire les Auriens plutôt que les Aurienchons… 
Elle aimait la nature, les plantes et la liberté.
Paula je t’offre ce bouquet de Soldanelle, fleurs que tu aimais tant.

À bientôt Paula !

© Cathy RIBOT

Voici l’histoire de sa vie écrite par elle même.

DE L’OMBRE À LA LUMIÈRE 
Par Paula Thorelle

De la naissance à 20 ans

Je suis née au moment de la guerre, le 5 août, un jour d’orage chez ma maman et mon papa à Bourg-la-Reine, en région parisienne. Ma vie a été à l’image de ce jour. Enfance sans histoire avec deux autres sœurs, 33 mois entre moi et Françoise ma dernière sœur. Mes parents avaient un commerce d’alimentation dans l’avenue du Général Leclerc et nous voyions pas mal de monde. Notre bonne Marie, charmante vieille fille, s’occupait de nous avec sérieux. Mon père, Jean, faisait de la résistance ; homme charmant et bon, patient et très gentil avec ma mère, Andrée, qui elle était une femme énergique et autoritaire, femme de tête. Lorsque j’eus 6 ans, à la sortie d’une réunion de résistants avec son camarade Roger, lors d’une patrouille allemande, il se fit prendre en allant essayer de le sauver. Il mourut à la prison de Fresnes en creusant sa tombe. Ce fut un drame terrible pour nous toutes. Je me revois à la fenêtre de l’appartement situé au-dessus du magasin, lors de la libération. C’était l’explosion de joie, chez nous la tristesse. Puis nous allions en vacances dans l’Yonne chez mes grands-parents. Mon grand-père aimait la nature, cultivait son jardin et nous allions faire de grandes balades à vélo jusqu’à l’Yonne, la rivière, et nous nous baignions.

À l’automne, nous allions manger les raisins laissés dans les vignes après les vendanges. C’était le pur bonheur. Ma grand-mère était fragile. Lorsque j’eus 15 ans, l’année du brevet, je fis une primo-infection et je me souviens de mon séjour chez mes grands-parents pendant six semaines. Je couchais dans une chambre glacée au fond de la maison. J’obtins mon brevet, car j’étais studieuse. Puis je fis des études de vendeuse étalagiste pour lesquelles j’avais peu d’intérêt. À 17 ans, ma mère perdit sa vendeuse qui la volait et je pris sa place, ne sachant pas trop quoi faire. Je me souviens porter des pots de lait de 20 litres remplis jusqu’à la hauteur du récipient, car à cette époque, on servait le lait avec des mesures : 1, 2 litres ou plus. C’était différent d’aujourd’hui. Vers 18 ans, je me mis à ne plus manger : anorexie, ce qui arrive aux jeunes filles qui refusent la vie. Elle était sans intérêt pour moi. Je restais à la maison et pris des médicaments que je jetais un jour, car toute substance étrangère dans mon corps m’est insupportable. Et je repris vie, car à 20 ans…

DE 20 à 40 ans : l’Ombre

Ce fut une période très agitée. Je découvris le club Méditerranée et le ski à Zinal en Suisse Je tombais amoureuse d’un Pierre, le double de mon âge. Il travaillait en Afrique. Je le revis une fois, mais ma mère mit le holà. L’année d’après, ce fut Thônes en haute Savoie. Ma mère nous envoya, mes deux sœurs et moi, dans ce petit village de montagne pour des vacances. Là, je m’éclatais. Nous avons rencontré des garçons très sympathiques et les rochers du coin recevaient notre visite pour des rappels, de l’escalade.

J’eus le coup de foudre pour la montagne. Tant et si bien que je me retrouvais l’hiver d’après à Thônes pour du ski à la Clusaz, station proche. Et là, je me cassais la jambe. Tout a changé. L’été suivant, je fis un stage de montagne au CIHM à St Christophe en Oisans. Là malgré quelques séquelles de ma jambe, je m’éclatais à grimper les sommets de l’Oisans. Ma mère a vendu la crèmerie et j’ai étudié le secrétariat et la chambre de commerce britannique, sans grande passion. Au début, je fis plusieurs places tant j’étais inexpérimentée et enfin le secrétariat international de la Laine à Paris, à Neuilly, m’embaucha.

Les week-ends, je sortais avec la bande de garçons rencontrée à St Christophe et nous allions grimper à Fontainebleau, à Cormot dans le Dijonnais, à Freyr en Belgique. Ce fut une période bénie. Mes sœurs se mariaient et malgré quelques flirts, j’étais seule. Nous avions vécu sans entourage masculin. Les sorties avec les copains me faisaient découvrir un autre monde. Ils sortaient tous de grandes écoles et étaient beaucoup « dans leur tête ». J’ai remarqué que les intellectuels aiment l’escalade et la montagne, car elle les met en contact avec leur corps. Je rencontrai Pierre, féru de montagne, dans ces sorties.

Nous nous plaisions bien. Une histoire avec son frère nous emmène vers une relation tendue et sans communication. Catherine nait le 30 avril. Adorable petite fille enjouée et dégourdie. Je suis aussi démunie côté enfant que côté mari. J’ai l’impression de rencontrer des êtres étranges. Mon enfance ne m’avait pas préparée à ces rencontres humaines. Cahin-caha, je fais face à mes tâches, et de mère et d’épouse. François naît en 1972, je me sens plus aguerrie côté maternelle. C’est un gros garçon fragile et très beau. Je poursuis ma vie conjugale. Nous sortons beaucoup à Fontainebleau, à Auris dans notre nouvelle résidence d’été que nous avons achetée l’année précédente. Ce fut le coup de foudre. J’aimais tellement l’Oisans que je décidais Pierre à nous installer là. Je voulais un petit chalet dans un grand pré et ce fut une grande maison délabrée dans une ruelle d’un vieux village : Auris. Et le miracle eut lieu. Cette maison inhabitée depuis des années revivait. Nous y recevions des amis l’été et c’était pour moi le havre de grâce. Au virage 16 de la route de l’Alpe d’Huez, j’avais l’impression d’enlever un manteau. à chaque vacance. En 1975 naquit un petit Christophe, gracieux et joli comme un cœur. Six semaines après sa naissance, il eut des convulsions qui le conduisirent à l’hôpital. Le diagnostic : empoisonnement par une pommade au plomb recommandée par un naturopathe. Il mourut de saturnisme ( maladie due au plomb ) le 2 octobre. Il y eut un procès, car je fus accusée d’homicide involontaire. Pierre s’occupa du procès, je n’en eus pas le courage. Nous avons touché une somme d’argent que nous avons donnée à des amis qui avaient un enfant mongolien. La vie continuait. Une bonne santé morale et physique m’animait et je m’en sortis avec honneur.

De 40 à 60 ans.

Claire, mon quatrième enfant, naît dans la joie la plus totale. Ses premières balades à Auris nous emmenait au col de Cluy, à la Clapière à partir du Puy, car la maison d’Auris s’améliorait et j’aimais m’y retrouver. Elle comptait beaucoup pour moi, les randonnées occupaient mon temps avec les enfants. Je m’y sentais chez moi, les amis venaient toujours et je me consolais de mon couple désuni avec ces beaux paysages si chers à mon cœur. Puis, un mois de septembre, nous avons projeté, Catherine, des amies de Claire, François, mon neveu Vincent, d’organiser un voyage en roulotte en Normandie.
À deux roulottes, nous avons découvert les bocages normands. Le deuxième jour, un peu de brouillard, Claire dans les bras, — le temps semblait s’être arrêté —, on a crié « François est tombé ».
Mon sang n’a fait qu’un tour quand je l’ai vu, il se débattait entre la vie et la mort. Deux heures après, il mourrait à l’hopital. Je me suis agenouillée devant sa dépouille mortelle. Claire me disait : « maman mes deux frères sont morts. » Le voyage de retour fut terrible. Là, je décidais de divorcer, car les relations avec Pierre étaient mauvaises. Aucune communication…

J’avais l’intention de faire un gîte de cette maison d’Auris. Je la transformais complètement. Mes connaissances en gestion étant inexistantes, je dus, la mort dans l’âme, déposer le bilan et la laisser à la banque. Je quittais l’Aurienchon pour le Midi. Une amie m’offrit une caravane et j’y vécue cinq ans. Je développais la connaissance des huiles essentielles, et je mis sur pied ma première publicité. Je nageais dans les bonnes odeurs et l’apprentissage des propriétés des huiles. Lorsque j’avais le cafard, je me plongeais dans mes chères études et j’oubliais tous mes soucis. L’appel de la montagne fut si fort que je retrouvais Auris avec une joie sans mélange. Je louais une maison à la Balme, petit hameau de 30 habitants avec une dizaine d’enfants. Puis les propriétaires ont voulu la reprendre pour leur fils. Je n’avais plus rien…

La Lumière

Il me fallait trouver une maison. Je voulais rester à la Balme. Une petite maison se libéra. Comment l’acheter, je n’avais pas un sou. Un jour en descendant l’escalier, une idée lumineuse se profila dans mon cerveau. Pourquoi ne pas faire une souscription comme pour les livres. Nous échangions argent contre un séjour dans la chambre du premier étage, transformée en chambre d’hôtes. Mes filles m’aidèrent à rédiger le texte, et je l’envoyais à toutes mes connaissances. Les 2/3 de la vente furent obtenus. Un vrai miracle. La lumière enfin ! En deux mois tout fut réglé. Mes filles se sont organisées pour transformer cette maison en très bon état avec quelques travaux à faire. Autour de moi, de nombreuses aides pour le déménagement, les travaux : un vrai conte de fées. À ce jour, je jouis d’une maison agréable, je reçois des gens charmants et je continue à travailler sur mes huiles essentielles, mes modelages avec ces mêmes huiles, tranquille, à la Balme, entourée de mes amis. La morale de cette histoire : toujours voir la lumière au milieu de l’ombre. Il y a toujours une main tendue pour vous aider, le tout est de la prendre. Ne jamais désespérer, faire confiance à notre force de vie, et comprendre pourquoi il nous arrive cet évènement. Faire le nécessaire pour s’améliorer, corriger nos défauts. J’ai eu énormément d’aides, de la part de mes filles, de mes amis.

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