Aux conquérants de l’inutile de l’Oisans

Capitaine Adrien Durand, officier de l’armée royale et polytechnicien et alpiniste…

AUX CONQUÉRANTS DE L’INUTILE DE L’OISANS
Un peu d’histoire Alpine

Source : Gallica
Revue :  L’Ami de la nature : revue du tourisme populaire
Auteur  :  Fédération sportive et gymnique du travail (France)
Date d’édition :  Novembre 1956

UN PEU D’HISTOIRE ALPINE

Par Lucien PERRAMON, Moniteur-chef du Centre UNCM du Bez

Comme pour le Mont-Blanc, l’honneur d’avoir officiellement inauguré l’exploration alpine de l’Oisans revient à un savant.

C’est en effet par le capitaine Durand*, du corps des ingénieurs-géographes, chargé de « trianguler » la région Sud-Est de la France qu’est conquis, en 1828, le Pelvoux, considéré alors comme le point culminant du massif et de la France, la Savoie ayant été perdue en 1815 aux termes du traité de Vienne. Durand gravit la pointe qui porte son nom, accompagné des chasseurs de chamois Jacques-Etienne Mathéaud et Alexis Liotard le 30 juillet, y remonte quelques jours plus tard avec les deux chasseurs et des porteurs pour faire édifier un signal et, enfin, y séjourna du 6 au 9 août 1830 pour y effectuer ses observations géodésiques.

La publication des résultats des calculs du capitaine Durand, reléguant le Pelvoux au troisième rang des sommets du massif (en réalité il n’est que le quatrième grand après la Barre, la Meije, et l’Ailefroide) ne suscita pas la moindre émotion et ce n’est qu’en 1864 que la caravane composée de Moore, Walker et Whymper, conduite par Almer, père et M. Croz atteignit le sommet des Écrins (deuxième ascension en 1867 dans l’ignorance de la première par le Français Vincent et ses guides chamoniards, A. Tournier et J. Carrier). Fait curieux à retenir, Whymper conserva de son ascension une impression de plus grande difficulté que pour la Verte et le Cervin !

Ce retard d’un demi-siècle dans la conquête d’un grand massif (le Mont-Blanc a été gravi en 1786) allait être cependant assez rapidement comblé et on ne peut absolument pas passer sous silence l’action prépondérante prise là comme partout ailleurs par les Anglais. Il faut ajouter aux précédents Forbes Tuckett, Matthew et un peu plus tard Gardiner et Pilkington, et surtout Miss Brewoort et le Révérend Coolidge qui se tailla la part du lion (74 premières en Oisans sur 1.700 pics ou cols gravis dans les Alpes entre 1865 et 1900 ! Extrayons, de cette collection : le Rateau Est, la Meije centrale, les Agneaux, les Bans, le Sirac, l’Olan, le Coolidge évidemment et aussi la traversée E.-W. du col des Avalanches sans omettre la première traversée S.-N. des Écrins et la deuxième ascension de la Meije).

Malgré le handicap britannique, l’alpinisme français ne tarde pas à acquérir la notoriété (déjà en 1848, V. Puisieux avait attaché son nom au point culminant du Pelvoux) et son essor devient remarquable.

Henry Cordier fait, en 1876, la première de l’Aiguille du Plat de la Selle, traverse la Brèche d’Alvau et le Rateau, mais se noie, l’année suivante, après une tentative à la Meije, en descendant du Plaret.

Après une tentative commune avec Henry Duhamel, c’est à Henry-Emmanuel Boileau de Castelnau, accompagné des guides Pierre Gaspard, père et fils qu’échoit la gloire de vaincre, le 16 août 1877, la Meije réputée citadelle imprenable. C’est une « prodigieuse réussite » qui consacre l’alpinisme français en lui donnant réellement « une de ses plus belles victoires de tous les temps » !

Grandement déçu, Duhamel, s’il ne gravit jamais le Grand Pic de la Meije, n’en réussit pas moins de nombreuses et grandes premières dans le massif : Pic Gaspard (1878), Meije orientale (1878), versant sud de la « Barre » (1880).
Ces belles réussites font, de la période 1875-1880, « le véritable âge d’or de l’alpinisme français ». (Lucien Déviés.)

Les premiers guides de l’Oisans ont commencé à exercer leur métier vers 1845, mais ils furent utilisés au début surtout comme porteurs, les premiers alpinistes leur préférant les guides chamoniards et suisses. Les Gaspard s’imposèrent à la conquête de la Meije ; la période suivante verra la consécration, après les Pic et Giraud-Lézin, de la lignée des Estienne, Engilberge et Turc qui conquerront avec Auguste Reynier leurs plus beaux titres de noblesse.

On doit à l’actif de ce dernier la première ascension de la face Sud-Est des Écrins (1893) qui prend rang au nombre des plus difficiles escalades de l’époque et demeure encore, de nos jours, une entreprise des plus sérieuses, ainsi que les premières traversées des cols du Coup de Sabre (1895) et du glacier Noir (1898) et de très belles voies aux Bans (1895-1896).
Nous nous devons de citer encore, après F. Perrin et Salvador de Quatrefages, les noms fameux de Gravelotte, Piaget et Mettrier.

À la veille de la Première Guerre mondiale, au cours des étés 1912 et 1913, les célèbres Autrichiens Mayer-Dibona élèvent à la classe internationale le niveau de leurs réalisations en Oisans : face sud de la Meije, versant Nord-Ouest du Dôme de Neige des Écrins, arête de Coste-Ronge à l’Ailefroide.

La paix revenue, le « G.H.M. » (Groupe de Haute Montagne), nouveau né, étend à l’Oisans sa « grande période » et il serait trop long de citer ici les exploits entre autres des Dalby, Lagasde, de Ségogne, Morin et surtout des frères J. et G. Vernet, amants passionnés du massif.

En trois séjours éclairs, le « fortissimo » Giusta Gervasutti nous offre la face N. W. de l’Olan (1934), l’arête S.S.E. du Gaspard (1935) et la face N. W. de l’Ailefroide (1936), réussies toutes avec Lucien Déviés dans des circonstances parfois dramatiques qui forcent l’admiration.

Plus près de nous, nous ne pouvons celer les exploits de l’équipe Fourastier et de l’« ange » Madier (face N. du Rateau en 1938, voies directes à la Dibona).

Enfin, avec les Tobey (faces N. du Grand Pic de la Meije et du Gaspard), Coupé (face N. du Pic Bourcet et de Roche Faurio) et Keller (face nord de l’Ailefroide orientale) se résolvent les derniers grands problèmes du massif qui s’ouvre maintenant à l’alpinisme populaire.

*Conseil lecture : Durand du Pelvoux de Roger Canac 
Editeur : De Borée
ISBN : 2-84494-061-7

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