La légende de Barbe-à-Poux

Randonneurs au Lac Blanc d’Huez, début XXe, Photo Hippolyte Muller, Archive Musée Dauphinois.

LA LÉGENDE DE BARBE-À-POUX 

Il y avait une fois un homme du Villard i qui se nommait Barbe-à-poux. Il voulut un jour aller cueillir du génépi au Lac Blanc 2. Il prépare son sac. Il faut croire qu’il n’en avait guère l’habitude, car cela lui prit jusqu’à 10 heures. Il se met en route d’un pas modéré, si modéré qu’il n’arrive à l’endroit de la montagne nommée Salignon que vers midi. L’appétit lui étant venu, un de ces appétits féroces qui vous tenaillent au cours d’une marche dans la montagne, il s’assied, fouille sa besace et se met à casser la croûte. Il ne sent sa faim apaisée que vers 1 h. 1/2. Mais la chaleur aidant et une digestion laborieuse l’alourdissant, il s’endort et si bien qu’il ne se réveille qu’au coucher du soleil. Malgré l’heure tardive, il reprend le chemin du lac. « Je coucherai, se dit-il, au chalet Chavanu 3. »

Il y parvient après de longs efforts, allume le feu, fait un peu de soupe et s’installe de son mieux pour dormir.

À peine commençait-il à s’assoupir qu’un homme de grande taille, à la longue moustache, ouvre la porte du chalet. Il était si grand qu’il fut obligé de se courber pour pénétrer dans la cuisine. Barbapoux se réveille, ahuri, et tous deux se regardent, surpris, sans rien dire. L’étranger vient s’asseoir auprès de son hôte tout tremblant et lui offre une prise de tabac dans une grosse tabatière. Barbe-à-poux, trop effrayé, fait signe qu’il n’en veut pas. Le grand homme en prend une, la renifle et, se tournant : « Ah ! tu as bien fait de refuser. Si tu avais pris le tabac de ma tabatière, je te fourrais dans ma marmite. » Barbapoux croit sa dernière heure venue et tremble transi de peur.

Un instant après, l’étranger s’assoupit. Sa tête s’inclinait peu il peut sur sa poitrine et brusquement se relevait, puis retombait. Quand le paysan le voit « sonner les cloches » ainsi, il se rassure un peu et songe au moyen de s’esquiver. Il y arrive, non sans avoir eu bien des angoisses. Si l’étranger se réveillait ? Il passe par la toiture du chalet et une fois dehors, malgré l’obscurité, il prend à toutes jambes le chemin du Villard, ne pensant plus au génépi. Il marcha, marcha, sans se retourner, de peur d’apercevoir derrière lui l’ombre du grand étranger, de l’homme à la tabatière. Il va si vite qu’il traverse le village sans le voir. Heureusement pour lui, il rencontre sur la Croisette un sien cousin qui lui fait remarquer son erreur.

Il retourne chez lui, mais sans le cousin, peut-être marcherait-il encore ?

1 Villard Reculas
2 Vers 2500 m d’altitude, dans la chaîne des Grandes-Rousses
3 Écrit « Chavannu » sur ma carte, lieu-dit entre le Villard Reculas et le Lac-Blanc, une autre référence en archive renvoi chalet Chavanu au chalet Chalvin. 

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