La Voie romaine de l’Oisans 2/8

Fragment de la Carte de Peutinger avec la portion de route de l’Oisans en son centre.

LA VOIE ROMAINE DE L’OISANS
Selon Florian Vallentin

Source : André Glaudas, Bulletin de l’Académie delphinale, édition : 1877

Ce long texte passionnant de Florian Vallentin est une bonne occasion de reprendre toutes les fiches sur le sujet de la Voie Romaine en Oisans publié sur Freneytique, une opportunité pour réviser ce sujet très documenté et pourtant toujours très mystérieux sur certains points. Le  8e article s’attardera sur certains points de cette voix romaine, les découvertes récentes en Oisans et sur Florian Vallentin, homme doué, érudit et très précoce, jusque dans sa fin tragique à l’âge de 31 ans. 

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La Voie romaine de l’Oisans  2/8

Par M. Florian VALLENTIN
Juge suppléant au Tribunal.

Séances des 26 janvier et 4 mai 1877.

PREMIÈRE PARTIE LA VALLÉE DE LA ROMANCHE

Un soulèvement important du sol se dresse par une faveur de la nature, comme une barrière entre la France et l’Italie. La ligne principale de la chaîne des Alpes forme une courbe dont la convexité engendre, avec ses puissants contreforts, des vallées divergentes de notre côté et convergentes de l’autre. Aussi les invasions difficiles en France ont toujours abouti à des résultats stériles. Au contraire, les expéditions en Italie ont été rapides, et ont la plupart du temps été couronnées de succès. Cette conformation particulière des Alpes n’avait pas échappé aux Romains, qui ont soumis lentement la Gaule Cisalpine afin de s’assurer les principaux passages de ces montagnes, et ils se sont avancés ensuite progressivement dans la vallée du Rhône. Cette région a été bientôt assimilée à l’Italie, Italia vertus quam provincia. Voilà une des causes des succès de César et de la prompte conquête de la Gaule.
Les Alpes Cottiennes présentent dans la chaîne Italo-Gallique un angle droit dont le sommet est le Thabor, et dont les côtés se terminent au Mont-Cenis au nord et au mont Viso au sud. Elles doivent leur nom, dit Ammien Marcellin, à Cottius ou Cottus qui, caché dans ses étroits défilés confiant dans l’impraticable âpreté de cette région, résista seul dans toutes les Gaules soumises, mais consentit cependant à adoucir sa sauvage humeur et à devenir l’ami d’Octave. Pour prix de cette amitié, il construisit, au milieu des Alpes, des routes plus courtes et d’un plus facile accès.

Cette section de la chaîne des Alpes avant Cottius était comprise dans la dénomination d’Alpes Graiae (Alpes grées) après les conquêtes de Jules César, elles s’appelaient, suivant Tite-Live, Juliœ Alpes.

Il n’y a jamais eu de cols naturels dans les Alpes tout chemin accessible au milieu de cette nature tourmentée a été une conquête de l’homme. Les découvertes de l’époque préhistorique sur certains points de cette contrée (principalement des trésors de l’âge de Bronze), attestent l’importance des relations commerciales à une haute antiquité. Un double mouvement d’importation et d’exportation s’établit de bonne heure. Toutefois c’est une question encore débattue que celle de savoir quand les voies commerciales furent ouvertes à travers les Alpes. Il n’est pas douteux qu’avant Cottius des passages avaient été ouverts et pratiqués dans la chaîne Italo-Gallique.

Le plus ancien chemin pratiqué dans les Alpes Cottiennes fut très probablement celui du Mont-Genèvre, le Mons Matrona d’Ammien Marcellin et de l’Itinéraire de Bordeaux à Jérusalem. Ce col dut être franchi au VIe siècle avant notre ère par les Gaulois qui envahirent l’Italie sous la conduite de Bellovèse, et ensuite par Annibal.

César considérait ce passage comme le trajet le plus court et le plus prompt pour parvenir en Gaule. Le traité que Cottius fit avec Auguste eut pour conséquence d’ouvrir à grands frais à travers ses États couverts de montagnes inaccessibles, des chemins qui, se raccordant avec ceux faits en même temps de chaque côté par les Romains, joignirent au moyen de courtes et faciles communications la Gaule et l’Italie. Il est à présumer que les Romains ne firent qu’améliorer et rectifier les anciens chemins ou sentiers, après la soumission des peuplades mentionnées sur l’inscription du trophée des Alpes dont Pline nous a conservé le texte.
La voie établie par Cottius à travers le col du Mont-Genèvre fut la plus fréquentée. Elle devint le grand chemin d’Italie en Gaule. C’est par le Mont-Genèvre que passent les itinéraires anciens, Itinéraire d’Antonin, la Table de Peutinger, trois sur quatre des vases Apollinaires, et l’anonyme de Ravenne : Les armées romaines suivaient ordinairement cette voie. Le pèlerin de Bordeaux prit cette même route pour se rendre à Jérusalem.

Les contreforts du versant occidental des Alpes Cottiennes portent la dénomination générale d’Alpes du Dauphiné, les anciens ne nous ont laissé aucune désignation applicable à ces contreforts. En s’éloignant du Thabor, ces montagnes s’abaissent pour laisser passer au col du Lautaret la voie romaine de Cularo, et se relèvent aussitôt en hérissant leurs flancs de glaciers aux abords du Pelvoux et ensuite se ramifient en sens divers.

Cette voie, après franchi le col du Lautaret, suivait le cours de la Romanche en traversant le pays des Uceni, entrait à Cularo et aboutissait à Vienna. Les Uceni habitaient la vallée de la Romanche depuis les sources de ce torrent jusqu’à l’entrée du territoire de Vizille, ils occupaient également les vallons latéraux qui viennent aboutir à cette vallée. Dans l’énumération des peuples de la Narbonnaise Pline cite après les Voconces les Iconi ou Iconii. Je crois qu’il y a une erreur de copiste et qu’il faut lire Uceni. Strabon de son côté parle des Stxevisi, Siconii ; je pense également qu’il
y a lieu de faire la même rectification.

Les Uceni figurent parmi les peuplades alpines soumises par Auguste, l’an VII avant notre ère. C’est à cette époque très vraisemblablement que fut ouverte à grands frais la voie romaine que j’ai explorée elle fut probablement établie sur le tracé d’un ancien chemin de communication. D’ailleurs cette région était habitée dès une haute antiquité les âges de pierre et de bronze y ont laissé de nombreux vestiges (F. Vallentin propose de faire connaître prochainement les vestiges des temps préhistoriques en Dauphiné, dans une publication intitulée le Dauphiné avant l’Histoire.) 

À suivre : L’Oisans

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