Les ateliers ambulants à Venosc en 1926.

LES ATELIERS AMBULANTS À VENOSC UN FILM DE 1926
Pour la renaissance de la vie rurale les ateliers de bricolage dans l’Isère

NOTA : Une vidéo réalisée en 1926, dans le village de Venosc et un texte qui la commente paru dans la revue « Les Travaux de l’amateur : revue mensuelle illustrée vulgarisant tous les travaux manuels et les mettant à la portée de tous les bricoleurs » publié en mars 1927. (Source Gallica.) Texte et vidéo (qui démarre après la pub) vont de pair et sont vraiment complémentaires.
(À la fin de la vidéo, le beau moustachu façonnant les jouets en bois est mon arrière grand-oncle, Léon Guignard, né en 1897, ainé d’une fratrie de 4 garçons. Il était un chasseur de chamois insatiable, je crois qu’il a tué sa dernière bique à l’âge de 75 ans.)

Lien vers l’article sur la vidéo de l’INA : Les ateliers ambulants de Venosc.

Grenoble a fait un gros effort en laveur de l’enseignement technique et de la formation des artisans ruraux. Grâce à M. Roumajon, directeur dé l’école Vaucanson, les villages de l’Isère retrouvent les artisans qu’ils avaient autrefois.
La tentative effectuée par M. Roumajon est tellement louable et répond tellement à une nécessité dé l’agriculture que nous nous plaisons à porter à la connaissance de nos lecteurs les détails concernant cette organisation. Nous souhaitons de tout cœur qu’elle trouve dans toutes les régions des « animateurs » aussi dévoués et aussi compétents que le sont M. Roumajon et ses collaborateurs.
Nous pensons que parmi nos abonnés des gens de cœur comprendront combien la vulgarisation des travaux manuels est utile à tous et n’hésiteront pas à porter la bonne parole partout ou cela est utile, à la ville, aux champs, aux colonies. Nous reviendrons d’ailleurs sur ce sujet très prochainement.
L’article que nous reproduisons est paru dans la publication Le Moniteur de la Maréchalerie, et nous prions M. Roumajon ; notre collaborateur occasionnel, d’accepter ici même, l’expression de notre admiration.
L’école professionnelle doit aller aux agriculteurs. — Si Mahomet ne va pas à la montagne, c’est là montagne qui doit venir à Mahomet. Tel est le principe sur lequel est fondée l’organisation des ateliers ambulants. Les agriculteurs ne peuvent tous venir à l’école pour apprendre à bricoler. Il appartient à l’école d’aller jusqu’à eux.
C’est pourquoi le 10 novembre dernier, deux camions automobiles du modèle de l’armée gravissaient, péniblement, la rude montée qui conduit au petit village de Venosc (Isère), 980 mètres d’altitude, 461 habitants, aux abords du massif de la Meije.
Que contenaient ces camions ? 10 établis, 8 forges portatives avec leur outillage à main, un poste de soudure autogène, des outils de bourrellerie, un groupe électrogène, qui d’ailleurs n’a pas servi, et le matériel nécessaire à l’installation.
Une salle de « classe désaffectée, un préau. Pour les forges furent très rapidement transformés en atelier et le 15 novembre les travaux commençaient.
Les ateliers ambulants constituent une École de bricolage. Une causerie préalable avait indiqué aux habitants quel était le but poursuivi : apprendre aux agriculteurs à exécuter un certain nombre de menus travaux qu’ils peuvent effectuer eux-mêmes. Ces travaux qui relèvent de professions diverses, constituent ce qu’on appelle le bricolage. Tout le monde devrait savoir bricoler, les agriculteurs plus que tout le monde, si je peux dire, car ils sont très souvent obligés de se débrouiller tout seuls.
Dès l’ouverture de là session, les inscriptions furent nombreuses. Disons immédiatement qu’à Venosc, du 15 novembre au 24 décembre, 110 agriculteurs sur 461 habitants sont venus à l’atelier. En réalité, nous savons eu 120 assistants, car 10 habitants de Saint-Christophe, sur la fameuse route de la Bérarde ; sont venus, malgré la neige, bénéficier de l’expérience que nous tentons.
Tous les âges étaient représentés. À côté d’enfants de 14 ans qui ont appris le maniement des outils, nous avons eu jusqu’à un vieillard de 75 ans venus pour nous’initier à la confection des points de bourrellerie nécessaires pour réparer un harnais. Il a fallu, certains jours de mauvais temps, organiser une sorte de service d’ordre. Nous n’avions ni assez d’établis, ni assez de forges, ni assez d’outils de bourrellerie.
Le Personnel enseignant. — Le personnel comprend trois ouvriers : un menuisier chanson, un forgeron au courant de la soudure autogène, un mécanicien agricole. Les deux derniers avaient acquis, avant le départ,, des notions suffisantes de bourrellerie. Ces trois ouvriers forment une équipe, rattachée administrativement à l’École pratique de Grenoble, l’École Vaucanson.
Il est formellement interdit aux ouvriers de l’équipe d’exécuter un travail eux-mêmes. Ils doivent conseiller les débutants ; corriger les erreurs commises, sérier les travaux suivant les difficultés qu’ils présentent. Leur rôle est donc uniquement celui d’un instructeur.
Comme nous l’avons dit précédemment ; les enfants ont appris à manier “es outils. Les hommes, pour la plupart, connaissaient déjà ce maniement. Ils ont cependant consacré quelques jours à une sorte de perfectionnement. Après ces quelques jours, ils ont travaillé eux-mêmes sous la direction des ouvriers instructeurs, soit à faire de menues réparations d’outillage, soit à confectionner des outils du dès objets particulièrement simples.
Les travaux effectués à l’École de Bricolage.
— Parmi les travaux effectués, nous pouvons citer :
Pour la menuiserie : confection ou réparation d’une monture de scie, de caisses à charbon, de chevalets, de manches d’outils, de petits bancs, d’une fenêtre, d’une porte de cave ; d’un fond de cuve, de brouettes, de brancards, de traîneaux pour la neige, etc..
Pour la forge : réparations lie coins, de haches, de serpettes, de pioches, de socs de charrue ; d’enclumes à battre les faux ; soudure d’un œil de hache, Confection de burins, de bédanes ;
de crochets, d’anneaux, de cercles de roues de brouettes, etc..
Pour la bourrellerie : réparations simples de colliers, de harnais, de guides, de licols, confection de ceintures, de courroies, etc..
Travaux divers : pose d’un carreau de vitres, soudures dé récipients, etc..
Cette énumération suffit à indiquer que les habitants de Venosc ont bien employé leur temps pendant les cinq semaines que nous leur avons consacrées.
Dernièrement les ateliers étaient à Allemond (Isère), à 860 mètres d’altitude sous la neige. Ils fonctionnent avec un égal succès. D’ailleurs, plus de dix communes du département nous ont déjà demande à bénéficier d’une session. Leur nombre serait certainement plus élevé si nous n’avions public l’itinéraire que nous suivrions cet hiver. La création dé quatre équipés est envisagée pour l’année prochaine. Nous pourrions ainsi rendre encore plus de services que nous n’en avons rendu pendant cet
hiver.
Organisation des Ateliers. — L’organisation dès ateliers est donc particulièrement simple. Nous demandons aux municipalités des locaux : une salle et un préau. Nous leur demandons également une participation pour les frais de logement et de nourriture des ouvriers ainsi que pour les matières premières.
En ce qui concerne celles-ci, chaque assistant fournit le bois dont il a besoin. Il fournit aussi toutes les matières premières nécessaires à l’exécution des travaux de quelque importance.
Nous n’avons fourni jusqu’à présent indispensables pour les menus travaux où pour les premiers principes.
Résultats obtenus. — Il est évidemment prématuré de déduire d’une seule expérience, tentée dans une région particulièrement déshéritée ; des conclusions définitives. cependant, nous avons obtenu, déjà les résultats suivants :
1° Les agriculteurs ont appris, dans une certaine mesure, à bricoler ;
2 » Ils ont compris la nécessité d’avoir un outillage personnel, même rudimentaire, qui leur permette d’exécuter de menus travaux. En attendant que ce désir soit complètement réalisé, M. le Maire de Venosc à demandé de laisser dans sa commune deux établis et une forge avec leur outillage, qui seront mis à là disposition des habitants lorsqu’ils le désireront.
3° Le dégrossissage, si je peux dire, réalisé pendant notre séjour favorisera certainement l’introduction d’un travail d’hiver rémunérateur dans des régions où la mauvaise saison empêche les habitants de se livrer pendant 4 où 5 mois à leurs occupations habituelles.
Je n’aurais garde, eu terminant, de ne pas citer tout particulièrement les bons ouvriers dé l’œuvre entreprise. Tout d’abord, M. Giraud, maire de Venosc, qui nous a fait confiance ; et dont le dévouement ne nous a jamais fait défaut ; Giroutru, maire d’Allemond, qui nous a réservé le meilleur accueil, M. Marc, chef des Travaux dé l’École Vaucanson, qui a préparé l’organisation matérielle des sessions et surtout nos trois excellents instructeurs : MM. Maqueret, Boulloud et Dumas, qui se sont dépensés sans compter, travaillant même le dimanche matin pour permettre aux ouvriers d’une carrière et d’une ardoisière de bénéficier de leurs conseils.
En résumé, les ateliers ambulants ont été très favorablement accueillis par les agriculteurs auxquels ils sont destinés. Le nombre des assistants qui sont venus à nous ; les demandes qui nous sont adressées par les municipalités témoignent de l’intérêt que les milieux ruraux attachent à cette expérience.
Nous n’avons évidemment pas la prétention d’avoir trouvé le moyen d’arrêter ainsi complètement lu crise qui sévit dans nos campagnes. Celle-ci est trop profonde, elle tient à des causes trop diverses pour qu’une seule initiative puisse en venir à bout.
Nous pensons cependant avoir fait œuvre utile, et nous croyons que cette œuvre, telle qu’elle est, mérite d’être généralisée à là condition de l’adapter étroitement aux nécessités locales.
D’ailleurs, cette expérience fait partie d’un effort d’ensemble qui est fait actuellement, par la Direction de l’Enseignement technique en faveur des milieux ruraux. Sans entrer dans le détail, nous pouvons indiquer que cet effort, résultant d’une entente avec le Ministère de l’Agriculture, comprend actuellement pour les agriculteurs : les ateliers ambulants dont nous venons de parler, dés cours professionnels destinés aux mili
taires qui exercent des métiers ruraux, l’utilisation d’ateliers par les écoles d’Agriculture permanentes ou saisonnières.
Pour les Artisans ruraux : l’attribution de bourses à des apprentis formés dans les ateliers de ces artisans, le don de caisses d’outillage aux meilleurs de ces apprentis à la fin de leur apprentissage, la création d’écoles spécialement destinées à la formation des artisans ruraux.
Un tel programme est certainement vaste. Il présente de sérieuses difficultés de réalisation. Mais, comme pour les écoles
pratiques et pour les Cours professionnels ; la direction de l’Enseignement technique sait qu’elle peut compter sur la collaboration des usagers si je peux dire ; grâce à cette collaboration que lui apporte et que lui apporteront de plus en plus les agriculteurs et lés artisans, il n’esi pas douteux qu’elle n’obtienne de très bons résultats. Un avenir prochain permettra de les apprécier.

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