L’Herpie, la plus haute mine de France

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Pylône de bois, situé sur la partie haute de la ligne. Structure supportant les 24 km de câble et l’ensemble des wagonnets. Archive Gallica.

LA PLUS HAUTE MINE DE FRANCE
Auteur : Compagnons de France, Lyon. 
Éditeur : (Lyon)
Date d’édition : 1941-05-03
Source :  Gallica

Les hommes noirs de la Montagne Blanche à 2.200 mètres d’altitude, des mineurs ont retrouvé un filon qu’exploitaient déjà les Romains.

Depuis Bourg-d’Oisans, de robustes pylônes porteurs de câbles noirs montent à l’assaut du massif des Rousses. Ils se dressent d’abord de loin en loin sur le fond plat de cette vallée sans soleil.
Ils s’agrippent, plus tenaces que les sapins tordus par le vent, sur les parois rocheuses à la couleur de forge. De chaque côté du ravin de la Sarennes, deux d’entre eux, particulièrement massifs, supportent le poids énorme d’une longue portée de câble. Jusque là, ils sont en fer. Mais dès que les pentes se font plus douces, leur hauteur diminue et les charpentes métalliques font place à des charpentes de chêne dur. Quand les wagonnets se croisent, toute la charpente gémit.

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Pylône d’angle situé à l’amont de la station d’angle de « Chartier » au dessus de La Garde (sur la droite de l’image) et à aval du pylône du Rosai, direction la mine de l’Herpie  (sur la gauche de l’image). Archive André Glaudas.

Pour monter à la mine de l’Herpie, mes skis ont tracé la piste entre l’ombre des câbles. Tout au long du parcours, des particules de charbon, tombées des bennes, font courir un fil noirâtre que l’insolation transforme en rigole. Au-dessus de ma tête les wagonnets passent, vides ou pleins, se croisent, faisant comme un bruit d’oiseau plaintif.
Mystérieux voyage aérien, dont on n’aperçoit ni le point de départ ni le point d’arrivée. Tout semble irréel. En plein ciel, la silhouette noire du wagonnet qui se détache sur les blancs sommets ou sur le bleu léger d’un ciel de mars a des contours aussi nets que l’ombre qu’il projette sur la neige à 10 mètres au-dessous de lui.
Un dernier épaulement, la dernière portée de câbles. Dans un cirque abrupt et neigeux, sinistre sur la blancheur du paysage, un bâtiment massif s’impose au regard.

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1908, un premier transporteur est commandé à la Compagnie Debuit –
Mallein – Binachon. Il sera remplacé  en 1918 une nouvelle télébenne, construite par la compagnie Richard-Mouraille, spécialiste des chemins de fer aériens sur câble.

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Reconstitution du tracé de la ligne du télébenne de la Mine de l’Herpie.

C’est la cantine où 80 ouvriers mineurs trouvent le gîte et le couvert. Ils y trouvent aussi un refuge quand les éléments déchaînés et le froid rigoureux rendent le travail impossible. Cette cantine a été construite sur des fondations romaines. Les pierres qui la composent ont été manipulées par des maçons travaillant sous les ordres d’architectes romains.
Plus bas, voici la « gare » où les wagonnets, arrivant de la vallée après un trajet de cinq ou six kilomètres, font leur plein. Ici tout est noir : les câbles, les wagonnets, les charpentes, les hommes, la neige elle-même. Quand on est resté un moment dans cette noirceur, on ne peut plus regarder au loin, tellement l’éclat de la neige vierge est insupportable.
Les câbles viennent s’enrouler sur une énorme roue horizontale supportée par une charpente de chêne massif. Quand le wagonnet arrive, il quitte le câble pour passer sur un rail circulaire, dont l’inclinaison légère est dirigée vers la vallée. Il s’arrête devant une porte de fer que bloque un puissant levier à contrepoids. Un homme manœuvre ce levier, découvrant une gueule d’où le charbon s’écoule. Par un long conduit incliné en ciment, il vient de la galerie de mine actuellement en cours d’exploitation. Quelle que soit l’épaisseur de la neige, quel que soit le temps, le charbon grâce à ce souterrain peut être dirigé vers les wagonnets qui l’attendent. Quand ils ont reçu leur frêt, un bras vigoureux, rabaissant le levier, arrête la coulée noirâtre. Le wagonnet de par son propre poids descend au long du rail. Un dispositif ingénieux et simple lui fait rejoindre le câble. Alors commence la longue course vers la vallée.

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Reconstitution du panneau informatif présent sur le tracé de la ligne du télébenne sur la commune de La Garde. Archive André Glaudas.

Au Bourg-d’Oisans des hommes attentifs, manœuvre à chaque arrivage un autre dispositif et sur les buttes noires le charbon s’amoncelle.
Les wagonnets ne transportent pas que du charbon. Il n’est pas rare le samedi d’en voir sortir un bras, une tête, une main qui salue, de haut, les skieurs qui passent.
Les mineurs descendent dans la vallée, voire leur femme et leurs enfants. Le lundi les verra remonter par la même voie. Parfois aussi ce sont des poutres, des bois de mine qui montent, suspendus entre ciel et terre. Enfin le ravitaillement de la cantine emprunte le même moyen de locomotion.
Toute l’année, à 2.200 mètres d’altitude, quelque soit le temps, qu’il y ait de la neige ou de l’herbe, qu’il vente, pleuve ou neige, que la nuit vienne à quatre heures ou à neuf, des hommes travaillent. L’hiver, de leur observatoire, aux heures de pause, ils suivent les ébats joyeux et faciles des skieurs de l’Alpe d’Huez. L’été, les moutons et les vaches les remplacent sur les pentes fleuries. À ce moment, leur plus proche voisin est un berger qui veille dans la montagne sur son troupeau paisible.

1950, Huez, mine de l’Herpie. Archive du musée Dauphinois.

Eux sont là, les mains gourdes de froid, les yeux fatigués par la nuit ou par le soleil trop vif, travaillant sans relâche leurs huit heures par jour, forçant la montagne à livrer ses richesses, extrayant chaque jour 55 tonnes du précieux combustible qui donnera la vie aux foyers qui risquaient de s’éteindre.
Étrange histoire ! Cette mine était connue des Romains qui l’exploitaient, ignorant les gisements plus accessibles. Son exploitation fut reprise au XVIIIe siècle. Puis le filon fut perdu. On n’y attacha pas autrement importance, car il y avait un peu partout du charbon à vendre. De plus, cette exploitation « coûtait trop ». Le filon fut retrouvé au moment précis où la France privée de matières premières, obligée de compter sur elle-même, se devait de ne laisser aucune richesse de son sol inexploitée, quels que soient les efforts qu’il en coûterait.
Tenace et courageux, l’effort de ces hommes perdus dans leur montagne est un vivant symbole de la France nouvelle.

Philippe CAUSSOT.

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Le bâtiment regroupant la cantine, les dortoirs et les douches des ouvriers travaillant à la mine de l’Herpie. Archive Wikipédia

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