Mémoires d’un touriste de Stendhal

STENDHAL PARLE DES COLPORTEURS ET DES GENS DE L’OISANS
Après  Victor HUGO dans Les Misérables et François RABELAIS dans Pantagrueline Prognostication, c’est à Marie-Henri Beyle, dit Stendhal de parler des colporteurs de l’Oisans dans son « Mémoires d’un touriste » publié en 1838.

J’ai ajouté quelques notes indicatives (NDA) et j’ai respecté la graphie telle que dans le livre, bourg d’Oysans sans majuscule à bourg.

Merci à Gérard de l’association Coutumes et Traditions de l’Oisans pour l’explication du mot « bits ».

MÉMOIRES D’UN TOURISTE DE STENDHAL
Volume 2, à partir de la date du 16 août 1837

Mon métier (NDA : critique d’art dans ce livre) va me conduire à Allevard et aux mines d’Allemont. On peut faire de Grenoble cinq courses curieuses :

1° La Grande Chartreuse,
2° Allevard,
3° Le Bourg d’Oysans,
4° et 5° Le jour même de l’arrivée, je conseille d’aller le matin aux cuves de Sassenage, et le soir à Montfleury, et au château de Bouquéron, à une petite demi-lieue de la ville.

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— Grenoble, le 20 août.

Un de mes amis de Paris m’a chargé de savoir ce que c’est que la mine d’or de la Gardette. J’arrive de la mine d’argent d’Allemont, que Louis XVI donna jadis à son frère le comte de Provence.

La diligence qui m’a mené au bourg d’Oysans passe par la superbe route du pont de Claix ; on emploie six heures pour faire le trajet. La conversation des bourgeois de campagne mes compagnons de voyage m’a fort intéressé. Excepté par la forme de leurs têtes, ces gens-là ressemblent à des Normands ; leur unique affaire au monde est d’amasser une fortune, et dès qu’ils, ont quelque argent, ils achètent des champs à un prix fou. Alors ils sont considérés de leurs voisins ; ces gens vivent sans aucun luxe ; je crois qu’on les appelle à Grenoble des Bits (NDA : des colporteurs). Le terrain au bourg d’Oysans ne vaut rien et se vend horriblement cher. Les gens de ce pays se répandent dans toute la France, et vont jusqu’en Amérique ; partout ils font le métier de colporteur et le petit commerce; ils reviennent toujours au pays, et à leur retour il faut acheter un champ, coûte que coûte.

Il y a quatre diligences de Grenoble au bourg d’Oysans ; la route est fort périlleuse, remplie de précipices, et toutefois on voyage toujours de nuit, afin de ne pas perdre de temps.

Nous trouvons ici le vrai Dauphinois, tel qu’il était avant la république et le gouvernement de l’empereur, qui l’ont un peu mêlé à la France en séduisant son cœur.

Le petit propriétaire du bourg d’Oysans part à huit heures du soir, après avoir fini sa journée ; il arrive à Grenoble à six heures du matin, fait ses affaires, et repart à la nuit ( (NDA : la ligne de chemin de fer n’existe pas encore et n’atteindra le Bourg d’Oisans qu’en 1894). Ces gens ont une excellente logique ; et un ami du préfet me contait que, dans les élections, il n’est point facile de leur faire prendre le change.

Après le bourg d’Oysans on arrive à Briançon ; la terre de ce pays est couverte de neige ou gelée pendant cinq mois de l’année. Les paysans se répandent dans les villages de la Provence et de la partie la moins froide du Dauphiné ; ils enseignent à lire aux enfants ; plusieurs montrent même les premiers éléments du latin ; on leur donne pour cela la nourriture et cinq ou six sous par jour. Ces Bits ne me semblent rien moins qu’aimables ; ils sont réservés, taciturnes, excessivement prudents, étrangers à tout entraînement, et seraient très-propres à faire de bons prêtres.

[…]

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