Trois reliques

Cliquez-moiTROIS RELIQUES
Je remercie toutes les personnes qui m’ont aidé à retracer ces histoires.
(Illustration, Carte des armées, 1933)

« Objets inanimés, avez-vous donc une âme
Qui s’attache à notre âme et la force d’aimer ? »
Alphonse de Lamartine (1790-1869), dans Milly, ou la terre natale

Objets inanimés, avez-vous donc une histoire ? Qui s’attache à notre esprit et le force à s’interroger ?

Trois reliques, venant d’un passé pas si lointain. Un passé gommé, effacé par une volonté humaine unanimement motivée par la promesse d’un avenir meilleur et d’un progrès salutaire.
Trois reliques qui interpellent la mémoire des hommes.

Cliquez-moiUn pont. (photo, le pont du Dauphin, 1993, © Oleg Ivachkevitch)
Curiosité locale, il réapparait après chaque vidange du lac du Chambon. Inamovible, il rappelle au spectateur que sous la nappe d’eau tranquille, à cet endroit une histoire dort. Celle de trois hameaux, d’une vallée verdoyante et d’une halte appréciée des premiers voyageurs, touristes de passage sur la route vertigineuse du Col du Lautaret.

À chaque vidange, on peut voir que le vestige se délite. Peu à peu il s’émiette, se désagrège, se dissout. Il disparaît.
Les plus téméraires descendent dans la vasque, slalom sur les monticules sédimentaires charriés par la Romanche et montent sur l’épine dorsale du vénérable vieillard qui n’a toujours pas cédé. Ça lui rappelle le bon vieux temps, son arche devient sourire durant l’escapade, puis elle se transforme en rictus, l’eau remonte à nouveau, le pont du Dauphin doit disparaître.

Cliquez-moiUne petite porte. (photo, la porte du Dauphin, 2010, © Lionel Albertino)
Quelque part en Oisans. Dans un village perché, il y a une maison. Enchâssé dans le mur épais de cette maison, il y a une porte. Petite, lourde, en bois taillé de deux losanges, une porte comme on en fait plus. Son histoire nous transporte à la même époque que le pont du Dauphin, il est même probable qu’elle l’ait traversé au moins une fois.

Démontée durant la construction, peu de temps avant la première mise en eau du Chambon, elle faisait partie des lots mis à la vente par la commune de Mizoën. Achetée puis transportée par un paysan du coin, elle finira, à l’abri des regards indiscrets, solidement encastrée dans un mur épais. Une porte qui a entendu des rires, des pleurs… elle connait sans doute la table de multiplication sur le bout de ses huisseries…

Cette porte… c’est la porte du logis de l’école du Dauphin.

Cliquez-moiUn pilier de pont. (photo, le pilier du pont du Dauphin, 2014, © Lionel Albertino)
Ça ressemble à un rapt, une histoire d’enlèvement au grand jour, avec l’accord des propriétaires et la bénédiction du temps passé. Ce pilier trouve aussi son origine sur le pont du Dauphin. Au départ ils étaient quatre, un à chaque angle. Frères inséparables à la vie à la mort, ils devaient finir noyés ensemble. Pourtant, à la première vidange, dit-on, l’un d’eux sera arraché du sol à la force de bras vigoureux.

Toujours visible sur le bord de la route départementale 526, ce pilier du pont du Dauphin sera enrichi d’une gravure, la signature du commanditaire : l’Hôtel Ginies, Alt. 728.
Le larcin aurait été payé par un bon repas à cette même enseigne.

 

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