Un peu de patois de La Grave

Oratoire du Chazelet, la Meije en arrière plan. Carte postal GEP, début du XXe.

UN PEU DE PATOIS
Texte extrait de la revue « La Meije » No 184, janvier février 1970.

Note : En 1807, Charles Coquebert de Montbret se voit confier une étude sur les dialectes (langues régionales et patois) de France. Il fait traduire dans différents parlés la parabole de l’enfant prodigue (Évangile de Luc, XV, 11).
À cette époque, l’orthographe des langues régionales n’était pas définie, ces langages étaient avant tout parlés (transmission orale) et rarement écrits (presque jamais pour les patois). Le résultat, des centaines de transcriptions individuelles, du même texte souvent recueilli par les instituteurs des villages.
Bien qu’intéressantes, ces traductions sont à prendre avec des pincettes, car en fonction de nombreux paramètres (du hameau de la commune, de l’âge du locuteur, du niveau d’éducation, de l’époque, du transcripteur…) deux personnes parlant le même dialecte ou patois donnaient deux textes ponctués de nombreuses variations, voire très différentes.
Il existe plusieurs retranscriptions du texte saint, j’ai essayé de trouver une version assez proche de la version patois.
Je vous conseille de lire le texte en Français, puis le texte en patois à haute voix et d’en retrouver le sens par le son plus que par la graphie des mots.

Le texte en français.
Un homme avait deux fils.
Le plus jeune dit à son père : « Père, donne-moi la part de bien qui doit me revenir. » Et le père leur partagea son avoir. Peu de jours après, le plus jeune fils, ayant tout réalisé, partit pour un pays lointain et y dilapida son bien dans une vie de désordre. Quand il eut tout dépensé, une grande famine survint dans ce pays, et il commença à se trouver dans l’indigence. Il alla se mettre au service d’un des citoyens de ce pays qui l’envoya dans ses champs garder les porcs. Il aurait bien voulu se remplir le ventre des gousses que mangeaient les porcs, mais personne ne lui en donnait. Rentrant alors en lui-même il se dit : « Combien d’ouvriers de mon père ont du pain de reste, tandis que moi, ici, je meurs de faim ! »
Je vais aller vers mon père et je lui dirai : « Père, j’ai péché envers le ciel et contre toi. Je ne mérite plus d’être appelé ton fils. Traite-moi comme un de tes ouvriers. »
Il alla vers son père. Comme il était encore loin, son père l’aperçut et fut pris de pitié : il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers.
Le fils lui dit : « Père, j’ai péché envers le ciel et contre toi. Je ne mérite plus d’être appelé ton fils … »

Mais le père dit à ses serviteurs : « Vite, apportez la plus belle robe, et habillez-le ; mettez-lui un anneau au doigt, des sandales aux pieds. Amenez le veau gras, tuez-le, mangeons et festoyons, car mon fils que voici était mort et il est revenu à la vie, il était perdu et il est retrouvé. » Et ils se mirent à festoyer.
Son fils aîné était aux champs. Quand, à son retour, il approcha de la maison, il entendit de la musique et des danses.
Appelant un des serviteurs, il lui demanda ce que c’était.
Celui-ci lui dit : « C’est ton frère qui est arrivé, et ton père a tué le veau gras parce qu’il l’a vu revenir en bonne santé. »
Alors il se mit en colère et il ne voulait pas entrer.

Son père sortit pour l’en prier ; mais il répliqua à son père : « Voilà tant d’années que je te sers sans avoir jamais désobéi à tes ordres ; et, à moi, tu n’as jamais donné un chevreau pour festoyer avec mes amis. Mais quand ton fils que voici est arrivé, lui qui a mangé ton avoir avec des filles, tu as tué le veau gras pour lui ! »

Alors le père lui dit : « Mon enfant, toi, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi.
Mais il fallait festoyer et se réjouir, parce que ton frère que voici était mort et il est vivant, il était perdu et il est retrouvé. »

Un grand merci à Eugène Mathonnet, des Fréaux , qui a bien voulu nous traduire la parabole de l’enfant prodigue en patois, de La Grave. Il y a sûrement des erreurs dans la graphie, mais les spécialistes, à l’heure actuelle, sont de plus en plus rares et nous avons fait ce que nous avons pu. Ces quelques lignes, nous l’espérons, rappelleront de bons souvenirs à beaucoup, en même temps qu’elles redisent l’amour toujours miséricordieux du Père.

Le texte en patois de la Grave.
Un certain homme aille dous garsous.
Le cadet dou dous, dit au père : « Père , baéla mé la pourssiou dou baï, é paou de gours apraïs, l’afant cadet, apraïs avay tout rassembla est parti par un pays élugnia, ount où-la dissipa soun bai an faisan boura chaéra. Apraïs avay tout mingea, a lis agu ura graoussa famina. Dins équou pays et ou-la coumença a avay fam.

Alors oulés alla se bettre a maïtre chez ur habitant dè quou pays, que la praïs din saun domaine par garda lou puèrs. Ou l’auria bian vougu se rempli le ventre de la bachassa que lou puèrs migavenn, mai loungu li n’en baillava. Enfin, apraïs s’aètre bella à sounga din-si-même ou se di : que la lis de valles din la maïgou de moun père que mingen de pèi tout leur saout et mi ga mûre de fam, ga me levaraï et modarioue trouva moun père, par li dire : Père gaï pêcha countra le ciel, et d’arant voua, gea eiou plus digne d’aêtre votre afant, traétame qu’ousna unn de vaoutres valles. Ou sé leva et venn trouva soun père : Le père que la vu veri de lugn fu toucha de counpassiou, se betta a courre et li saoûta au col et l’embrassa, sour afant li dit : « Père, gal pêcha contra le ciel è darant vous, ga siou plus digne d’aêtre appela vaoutre enfant. »

Le père dit a sou valles : « Vite appourta ura roba et habilla-lou betali ura bagua ou deï, de savattes où païs, aduzé un vail gras, tua-le et fezé un festin, parce que mour afant est mort é ressuscita, ou l’éra perdu et ga lay retrouva. Ils coumençavenn lou festin. L’afant ainé era en champ, et quant-ou revenn et approcha de la maïgou où l’entent la symphonia et chanta.
Ou l’appella unn dou valles et li damouda ce qui la lis, ou lit répount : « Votre fraère ès arriva, et votre père a fait tua un vaïl gras, parce qu’ou la vu sain et sauf. » L’ainé en coulèra et indigna, ne vougu pas rintra.

Le père sourti de faou et le pria de rintra. Le garsou répount a saoun père : La lis ga ne saille pas qu’ente d’ans que ga vous sèrve, ga me sïou gamaïs equarta de vous et vous aï oubeï, vous m’ayé gamaïs beïlla un chouri par que ga fasse un festin avec mouns-amis. E quand moun fraère, qu’a minga tout soun baï avec la filles de marria via arriva, fère tua un vaèl gras par si. »

Le père li repount : « Moun afant à tegour éta aïma, et tout ce que gaï est teau ; mé la faouta me regani et faire un festin, parce que toun fraère qu’éra mort revenn ou l’éra perdu et ga laï retrouva. »

Nota : Il est indiqué dans l’article que les « r » en gras se prononcent sur le bout de la langue, malheureusement, sur la transcription de la revue La Meije, il n’y a pas de « r » en gras.

Si vous avez trouvé une faute d’orthographe, une erreur ou si vous souhaitez ajouter une précision,
veuillez nous en informer en sélectionnant le texte en question et en appuyant sur les touches [Ctrl] + [Entrée] .

Print Friendly, PDF & Email
Ce contenu a été publié dans ARCHIVES, PATOIS, PRESSE, VILLAGE, avec comme mot(s)-clé(s) , , , . Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.