Une cache de 27 siècles

Site de Casse-Rousse zonage sur photographie IGN, 1945.

UNE CACHE DE 27 SIÈCLES
L’extraordinaire cachette de « Casse Rousse »
Au pays de la Meije – Paul-Louis Rousset (Pages 32-33)

« Elle est étonnante cette cachette. Découverte en 1962 par hasard au cours d’une partie de chasse par M. Mestrallet et ses amis, entre « Casse Rousse » et La Croupe sur la rive gauche de La Romanche en amont du Pied du Col, elle possède un caractère alpin et montagnard exceptionnel.

Il faut être monté à cet emplacement sur les flancs de La Meije, à 400 mètres en altitude au-dessus du hameau, par des vires escarpées au milieu de murailles rocheuses abruptes, pour comprendre sa singularité. Trouver là où ne passent que des chamois et quelques marmottes, sept lourds bracelets décorés, dix haches dites « à ailerons», des fragments de pointes de lances, de couteaux, de faucilles, d’épées et de colliers, des boutons de bronze très étudiés et profilés pour entrer dans les boutonnières, des éléments de parure, une épingle à la tête arrondie et finement ciselée, une rouelle solaire, est pour le moins déconcertant et du plus haut intérêt pour imaginer la vie de ces premiers occupants. (Les objets sont à Grenoble chez M. Mestrallet.)

Ces objets appartenaient à des hommes habitant le pays. La place même de la cachette le prouve. Ce ne sont pas des gens en transit par le col du Lautaret qui, au moment d’un danger, auraient pu grimper dans des lieux inconnus avec cette charge de 70 pièces de bronze, à une heure de marche de la voie franchissant le col, mais des tribus connaissant le terrain. Établis là pendant l’été, tout en gardant leurs troupeaux, ou plus probablement encore en allant à la chasse, ils avaient pu repérer cette cache. Car son itinéraire passe par le seul chemin praticable aux chamois, pour aller des prairies du bas aux vires herbeuses situées au-dessus des falaises. Ces nomades avaient dû apprendre à traquer à cet endroit le gibier, reconnaître la valeur de l’observatoire face au passage et apprécier la sûreté de son refuge en cas de menace.

C’est sûrement un grand péril couru par leur communauté qui les avait incités à porter ce trésor là-haut. En effet, à cette période de l’histoire, le métal étant très rare, tous les débris étaient chose précieuse et recherchée. Lorsque le bronze était usé, ce qui paraît-il se produisait en cent ans, on pouvait le refondre et « refaire du neuf » avec de l’ancien. Le colporteur qui s’était acquis cette petite fortune entendait bien la mettre dans un lieu sûr peu accessible. Les plus récents de ces objets auraient été fabriqués autour des années 800 avant J.C. et déposés là-haut un siècle plus tard.

Cette date est celle-là même de l’arrivée, dans la Basse Isère, de nouveaux envahisseurs venus de l’Est, les cavaliers Hallstatiens (du Premier âge du fer). Il se peut que l’une de leurs incursions au cours de leur avancée conquérante vers les cols alpins ait provoqué cette fuite dans la montagne. Le ou les possesseurs du trésor ayant disparu dans les combats qui auraient suivi, la montagne le gardera caché pendant 27 siècles ! »

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