1878 : Étude sur la voie romaine de l’Oisans (II)

1878 : ÉTUDE SUR LA VOIE ROMAINE DE L’OISANS (Partie II)
Remerciement à M. Alain Pellorce qui nous a confié ce document.

Denis Veyrat nous donne des éclaircissements sur le document (Lire la partie I) :
« Il doit s’agir d’une copie du livre de Joseph Hyacinthe Roussillon, Docteur-Médecin de Bourg d’Oisans, c’est je crois l’explication des initiales (J.H.R. et D.M.).
A gauche, la copie de la deuxième de couverture d’un livre de 74 pages avec une carte, édité en 1878 par Maisonville à Grenoble (livre rare, difficilement consultable). la première édition (de 51 pages édité en 1865).
Le premier texte reproduit correspond aux pages 6, 7, 8. Il y a peu de différences mais il manque les notes de bas de page.
 »
Gérard Dionnet de Coutumes et Traditions de l’Oisans ajoute : « J.H. Roussillon docteur au Bourg d’Oisans a écrit plusieurs ouvrages sur la voie romaine de l’Oisans ainsi que sur les sources thermales de l’Oisans »

J’ajouterai que dans le livre « La Voie Romaine de l’Oisans », Éditions : Ex-libris Dauphiné, Auteur : Association des amis de l’histoire du Pays Vizillois, ISSN : 1243-3098, le livre du Docteur Roussillon (édité en 1878) est cité plusieurs fois.
Le Docteur Roussillon est l’auteur du célèbre et incontournable « Guide du voyageur dans l’Oisans » toujours disponible en librairies et sur la toile.

Cette deuxième partie pourrait s’intituler, « NAISSANCE, VIE ET DISPARITION DE LA VOIE ROMAINE DE L’OISANS ».

Un grand chemin traversait ce pays et le mettait en rapport, d’une part avec les Allobroges de l’Isère, de l’autre avec les Hautes Alpes, sur lesquelles régnait le roi Collius allié intéressé des Romains. C’était le chemin le plus court de l’Allobrogie au point de jonction des deux versants de la chaine, et de là aux limites de l’empire.
L’invasion romaine, en marche vers la Gaule, n’eut garde de l’oublier. César, qui la commandait, dirigea ses troupes par ce chemin jugé plus favorable que d’autres à ses desseins ultérieurs. Mais, dès qu’il s’y fut engagé, il trouva les Uceni sur son passage, lui disputant le terrain en barrant la voie à toute espèce d’obstacles. Chaque trajet tenté à travers leur peuplade était pour les Romains une série de luttes sanglantes où le nombre finissait toujours par l’emporter, mais qui n’en compromettaient pas moins le succès de leurs expéditions. Afin d’obtenir par là une circulation libre pour des légions il fallut d’abord dompter ces ennemis dont la persistance était si redoutable. Une dernière bataille fut livrée sur le plateau de MONT DE LANS dans laquelle les Uceni, malgré une résistance opiniâtre et de valeureux efforts furent définitivement soumis et vaincus.
C’est sans doute à raison d’une action décisive semblable, qu’a été dressé, près du lieu qui en fut témoin, l’arc triomphal encore existant sur le territoire de cette commune, et connue sous le nom de PORTE DES ROMAINS.
Un monument de genre, élevé en cet endroit, signifiait de la part des vainqueurs l’importance du pays conquis et l e prix qu’avait dû leur coûter la victoire.
Rien ne prouva mieux d’ailleurs la vaillance et le patriotisme des Uceni, par la défense de leur pays contre l’invasion romaine, que l’honneur de voir leur nom inscrit, au rapport de Pline, sur le trophée des Alpes érigé par Auguste, au nombre des quarante peuples guerriers que Rome dut vaincre avant d’assujettir la Gaule.
Devenus maîtres du pays ucénien, les Romains s’empressèrent de mettre au service de l’invasion le chemin dont la possession leur avait été à cœur parce qu’ils en avaient compris toute l’utilité stratégique.
Lorsqu’ils eurent ensuite assuré leur domination sur les Gaules, les Alpes n’ayant plus pour eux de barrière, leur empire s’étendait incontesté sur les deux versants de la chaine centrale. Les provinces du versant occidental formaient la Gaule transalpine, et celles du versant oriental, la Gaule cisalpine. Chacune d’elles avaient ses villes métropoles et ces villes privilégiées étaient reliées entre elles par des voies spéciales qui franchissaient les chaines.
Au nombre de ces métropoles se trouvaient la cité de Turin, pour la Gaule cisalpine, et celle de Vienne pour la Gaule transalpine. On songea à rattacher l’une à l’autre ces deux cités importantes, et le lien le plus direct pour elles se trouva dans la voie, des Alpes Cottiennes ou Briançonnais venait traverser la contrée des Uceni ou l’Oisans, et passait à Cularo ou Grenoble pour aller aboutir à Vienne.
Les Romains ; qui connaissaient cette voie, la choisirent et la mirent dans l’état de viabilité convenable, à travers la montagne. Classée Parmi les voies consulaires, celle-ci eut une largeur de 5 mètres, et fut rendues partout carrossable sur son parcours dans le pays ucénien ; 3 ou 4 localités, situées à des distances à peu près égales, furent constituées en stations pour les étapes militaires, pour le campement des légions, le relais des chars etc. Ces stations étaient celles de DUROTINCUM, de MELLOSEDUM, de CATORISSIUM des castellum, ou postes de gare, furent aussi disposés sur la voie.
Afin de compléter le système de leur stratégie sur la contrée, une nouvelle ligne fut établie par eux, qui, se détachant de la Voie vers le milieu de son trajet dans le pays ucénien, allait, par la montagne d’Auris de Brandes, d’OZ et par la vallée d’Olle, passer le Col de la Coche, pour rejoindre, au delà de la chaine, la voie romaine de la vallée supérieure de l’Isère.
Cette ligne, en se bifurquant sur le plateau de Brandes fournissait une voie latérale au grand établissement fondé par les Romains sur cette montagne, pour l’exploitation des mines des Rousses, devenues aussi leur propriété, et pour la communication de cet établissement avec la voie principale.
Aussi bien que celle-ci, ces deux voies secondaires existaient probablement avant les romains, qui ne firent que les transformer, en les agrandissant. Mais la grandeur romaine respire tellement dans ce qui reste de ces transformations, qu’on ne peut s’empêcher de reconnaître « que chacune d’elle a été son œuvre propre. Aussi le souvenir des Romains demeure attaché à leurs vestiges, et une tradition constante l’a soigneusement conservé.
A la différence des routes qui leur ont succédé, ces voies, dans leur parcours en Oisans, se tenaient généralement sur les hauteurs évitant les vallées, à cause des torrents qui les couvraient de leurs divagations.
Dans leur marche, elles avaient même à parcourir des plateaux élevés, tels que ceux de Paris, de Rif-Tort , de Brandes etc.
Ces plateaux, que leur hauteur moyenne de 1800 mètres et un rude climat rendraient impraticables aujourd’hui pour une voie publique, étaient sous les Romains et plusieurs siècles après, couverts de forêts ou de cultures et habités.  Ainsi l’attestent, avec la tradition, des traces de terrains cultivés, des actes publics d’aliénation de parcelles, aux
archives des communes, la découverte de bois enfouis et la présence de nombreuses ruines d’habitations.
Là où la culture était possible, où végétaient des forêts et où l’homme pouvait résider, la climature des lieux ne mettait aucun obstacle à une circulation continue. Cette circulation fut très active, tant que dura l’empire gallo romain et s’affaiblit après sa chute. Elle cessa tout à fait au XIV siècle.
Un déboisement destructeur des bois qui ombrageaient ces plateaux détermina la ruine de la Voie par l’influence fatale qu’il exerça sur eux.
A sa suite, la température s ‘y abaissa, le climat devint âpre et rigoureux le sol aride et les habitations se dépeuplèrent. Chassée de ces hauts lieux avec la population, la circulation publique descendit dans les vallées.
La même cause eut, sur d’autres points de l’Oisans des effets non moins désastreux pour la voie. Le sol déjà désorganisé par les guerres fut de plus en certains endroits bouleversé par le déboisement. Privés de la garantie que la végétation et les bois leur avaient assuré contre les eaux, des terrains fortement inclinés croulaient dans les précipices avec la voie qu’ils supportaient. Tels ont été les changements survenus, de ces diverses manières, en quelques lieux où passait la Voie, qu’ils semblent y rendre aujourd’hui, son passage impossible.
Des causes d’un autre genre contribuaient aussi un peu partout dans l’Oisans, au dépérissement de la Voie. Une fois délaissée, sa trace était en grande partie absorbée par les cultures qui l’avoisinaient ; dans les bois dans les champs, peu à peu elle disparaissait ignorée ; des chemins communaux s’en appropriaient des parties à leur convenance, sans se souvenir de leur antiquité vénérable. Du moins, un peu partout aussi, des sentiers gardaient sa place, et témoignaient de son existence passée, jusque dans les endroits les plus solitaires.

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