• mercredi 05 juin 2013

fourmiF1
Alors que nous allions nous assoupir, notre reine nous secoue et nous fait signe de regarder vers le bas. Notre forêt est là, magnifique ! Un grand serpent bleu violet, aux reflets turquoise, semble immobile. Le fleuve zigzague entre d’immenses arbres vert kaki, vert émeraude, vert clair, vert foncé… Mais Coco le toucan est en grand manque d’eau !
– Posons-nous devant ce bar de pucerons. Buvons un petit verre, les pucerons seront contents. Ce sont les artistes des boissons aux mille couleurs. Chantons avec eux.


Quelques minutes plus tard, nous les fourmis, repartons sur le dos de Coco. Soudain, Elytre de lait, mon associé depuis le sauvetage de notre reine, s’écrie :
– Je vois la forêt rasée ! Il y a des champs… Atterrissons !
Un jaguar accourt :
– Il faut nous aider ; il n’y a plus d’arbres pour protéger mes bébés jaguars.
– Je n’attrape plus d’insectes, soupire une tarentule.
– Aidez-nous ! supplient nos pires ennemies les fourmis noires. Coco s’envole à
nouveau.
– J’aperçois d’épaisses fumées…
– Qu’est-ce que c’est ? D’énormes nuages noirs s’élèvent dans le ciel.
– Notre forêt amazonienne brûle, crie la reine.
– Allons voir ce qui se passe… propose Coco le toucan qui atterrit peu après. La
fumée noire nous pique les yeux.
– Ne respirons pas cette fumée, elle est toxique !
– Ouah ! A l’aide ! Au secours ! crie Edouard le tamanoir.
– Mes arbres brûlent ! hurle un singe qui ressemble à Socrate.
– Il fait chaud, partons vite !
– Nous arrivons près de votre fourmilière… annonce le toucan.
– Mais… Notre fourmilière a disparu !
– Regardez ! A la place une grande piste a écrasé notre fourmilière ! Je suis sûr que ce sont les Indiens blancs ! Il y a des insectes qui passent, vous vous rappelez des grosses bêtes qui détruisaient les arbres ?
– Il faudrait les arrêter…
– Nous ne pouvons rien faire, nous sommes trop petits.


– Alors, allons voir Julien Laurent, mon ami l’Indien blanc, propose Coco.
Devant une toute petite maison perdue dans la forêt, un vieil Indien blanc, assis sur une chaise trouée, croise les bras. Son visage ridé et sa bouche édentée nous font peur. Seuls quelques cheveux blancs recouvrent son crâne. Sa peau est blanche et fripée. Une seconde peau de tissu noir marron couvre son corps. Ses deux pattes toutes maigres et tordues en sortent. Une pipe à la bouche, une canne à la main, il nous sourit.
– Bonjour les fourmis ! Je suis content de te revoir, Coco ! Tu es venu avec tes
amis ? Que veux-tu ?
– Il y a un incendie dans la forêt… La fourmilière de mes amis, Elie, Mandibule et de leur reine a été détruite… A la place, passe une immense piste sur laquelle
d’énormes insectes ou des boas ont laissé des traces.
-Je vois, je vois. Ce ne sont ni des boas ni des insectes. Ce sont sûrement des
bulldozers qui arrachent les arbres et des camions qui transportent les troncs!
– Des indiens blancs détruisent notre forêt. Un tamanoir, une tarentule et même un parc dans la forêt amazonienne. J’avais déposé à l’Assemblée Nationale un projet de loi pour protéger la nature, la flore et la faune. Les sénateurs ont rejeté mes propositions.
Très déçu, j’ai tout lâché, j’ai démissionné et j’ai voulu habiter tout seul au cœur de la forêt.
– Il faut à nouveau vous engager, convaincre les parlementaires, nous avons besoin d’aide.
– D’accord, mais vous viendrez avec moi en métropole.


Avec la reine et Elie, nous montons sur Coco qui se pose sur l’épaule de l’Indien
blanc.  S’appuyant sur sa canne, il grimpe sur la passerelle et entre dans un énorme oiseau de fer.
L’avion décolle et vole longtemps au-dessus d’une immense étendue d’eau.
– Nous survolons l’océan Atlantique, explique Julien. Et voilà Paris !
D’en haut, j’aperçois plein de fourmilières géantes et même un arbre métallique tout pointu…
Nous atterrissons au milieu d’autres oiseaux de fer.
– Un de mes amis siège à l’Assemblée nationale. Demain, je crois qu’une nouvelle proposition de loi sur la défense des milieux naturels sera examinée. Il faudrait que nous allions au Palais Bourbon.
– OK, nous irons au Palais Bourdon, approuve Elie.


Le lendemain, nous retrouvons l’ami de Julien dans une étrange fourmilière : les sièges sont rouges, placés comme sur une moitié de cercle. Les indiens blancs écrivent, discutent :
Le climat : trois fois plus de catastrophes naturelles depuis 1 950 en raison du réchauffement climatique.
– Les espèces : une espèce sur mille disparaît chaque année.
– La forêt : toutes les 5 secondes, l’équivalent d’un stade de foot de forêt tropicale humide disparaît.
– Outre mer : 1 333 km de cours d’eau seraient pollués par le mercure dérivé de l’exploitation de l’or illégal en Guyane.
– Il faut sauver la jungle ! Votons pour ce texte de loi !
– Le président est sur son perchoir, chuchote Julien.
– Perchoir ! Perchoir ! s’écrie Coco. Il s’envole et se pose sur la tête du président.
– Quel bel oiseau ! Il faut absolument le protéger… Oh ! Je sens que j’ai des fourmis
dans les doigts….
Alors, tous les députés votent OUI. Tous, sauf le président, car Coco lui picore la tête !
Nous sommes heureux ! Nous pleurons de joie ! Nous allons retourner en Amazonie.
Sur la carte, Julien nous montre un endroit colorié en vert.
– C’est ici que nous allons délimiter le parc.
– Ouais ! Je suis impatient d’y arriver…
– Quand nous atterrirons, nous prendrons une longue pirogue pour remonter le
fleuve et entrer dans la forêt.


Un mois plus tard, la pirogue nous dépose au cœur de la forêt.
Ici pas de feu, pas d’hommes blancs qui massacrent les arbres, pas de camions, pas de pistes… Les arbres, verdoyants, nous entourent. Au-dessus de nos têtes, les oiseaux multicolores chantent. L’odeur des fleurs et des feuilles nous chatouille les antennes. L’alcool de pucerons me monte à la bouche. Avec mes pattes et mes mandibules, j’attrape des brindilles. Elie saute et fait pareil.
Peu à peu, nous construisons une jolie et confortable fourmilière. La reine nous
demande de bâtir la chambre de ses rêves. Bientôt, elle pondra des œufs et la vie reprendra son cours.


Au début, ni Elie ni la Reine ni moi ne pensions sauver la forêt amazonienne. Nous étions si petits, si faibles, si fragiles. Finalement, avec le Parc national, les hommes pourront peut-être enfin mieux connaître la nature et protéger l’environnement.

fourmiF2
Ecole du Freney d’Oisans

 

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