1878 : Étude sur la voie romaine de l’Oisans (III)

1878 : ÉTUDE SUR LA VOIE ROMAINE DE L’OISANS (Partie III)
Remerciement à M. Alain Pellorce qui nous a confié ce document.

Troisième partie du mystérieux document découvert dans une maison de Clavans.
Au centre de l’article le plan qui était inséré dans le cahier. J’ai ajouté une teinte orangée sur le tracé de la voie romaine pour la rendre plus visible.

Cette troisième partie pourrait s’intituler, “ Dans les pas de nos antiques ancêtres ”.

VOIE ROMAINE PRINCIPALE

La voie romaine de Tarin à Vienne, après avoir quitté les Alpes Cottiennnes ou le Briançonnais, était arrivée à la station de STABATIO, identique, d’après les géographes de la Gaule, avec le MONESTIER DE BRIANCON. Bientôt après elle touchait aux limites des Uceni et franchissant le col du Lautaret, elle s’engageait sur le versant occidental de la chaine qui sépare leur pays de la Maurienne. Au lieu de descendre vers la Romanche, comme la route actuelle, la voie suivait une direction presque horizontale le long de la montagne, venait passer devant le lac du PONTET puis s’avançant vers les collines de PUY GOLEFRE, elle contournait la montagne, et après avoir traversé le ruisseau du MORIAN, elle arrivait aux HYERES.Continuant sa marche à travers des coteaux de VENTELON et de TERRASSE, elle montait un peu au-delà pour atteindre en se  détournant le CHAZELET.
Sa marche, constatée dans ce sens par la tradition l’est aussi par des traces disséminées sur ce passage. En deçà du Lautaret, on reconnaît le gradin de roche sur lequel elle passait. Près du lac, un mur construit pour la soutenir contre ses infiltrations apparait encore. D’autres traces presque effacées, se montrent à la suite sur une ligne régulière à l’Ouest jusqu’au contour de PUY GOLEFRE. Là, la Voie a disparu sous les éboulis, pour reparaître aux abords des HYERES.
Sur les collines de Puy-Golèfre, un chemin latéral avait quitté la Voie pour monter au col du Goléon. Le sentier que l’on aperçoit sur le vallon du Moria est, avec un pavé sur le col lui-même, la seule trace subsistante de ce chemin.
En passant, un peu en deçà du lac du Pontet, la voie romaine laissait, à 200 mètres au dessous d’elle, le VILLARD d’ARENE, où la table de Peutinger place la station de Durotincum. Située aussi inférieurement à la voie, cette localité lui avoir été reliée ; à moins qu’on ne le suppose, que la station ainsi indiquée se trouvait en un LIEU PRES DE VILLARD d’ARENE • Ce lieu pourrait se rapporter au Village des COURS, plus proche de la Voie, ou à celui des Hyères qu’elle traversait 1200 mètres plus loin.
Des Hyères au Chazelet, la trace de la Voie est marquée par le chemin de communication de ces deux villages et par quelques rochers qu’il a fallu, entre ces deux points, tailler pour son passage.
C’est près de Ventelon et du chemin qui a remplacé la Voie, que fut découverte, en 1839, une sépulture. Elle a été décrite par M. Champollion Figeac ; dans un de ses ouvrages sur les antiquités celtiques.
Les Romains qui, ainsi que les Gaulois, redoutaient grandement la violation des tombeaux, avaient coutume d’ensevelir leurs morts sur le bord des grands chemins, comme pour les placer sous la sauvegarde publique.
Avant d’arriver au Chazelet, cette Voie se montre encore dans un petit parcours, presque avec sa largeur primitive. Au delà de ce village, elle traversait le torrent et montait en longs circuits sur le plateau de PARIS.
Quoique situé à une hauteur de 2000 mètres, ce plateau incliné à l’Est et au Midi, possède des expositions heureuses qui en adoucissent singulièrement le climat. Formé d’un terreau fertile, il se couvre en été d’une végétation brillante. Nul obstacle n’arrêtait la Voie dans ces belles collines. En suivant l’humble sentier qui lui a survécu, on la reconnait encore çà et là, quoique dissimulée sous le gazon. Ici c’est une tranchée sur la croupe d’une colline, faite en vue d’un passage ; là c’est un tronçon de la voie elle même, avec une largeur de 4 à 5 mètres, présentant des  restes d’ornières et un talus assez bien dessiné ; si l’on poursuit ces traces, on les voit affecter une direction et des détours régulièrement ascendants jusqu’au sommet.


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Vers le milieu de la montagne, on remarque un amas assez considérable de ruines en partie cachées sous l’herbe, et dont l’extérieur indique une ancienne et grande habitation. Ces ruines sont les restes d’une maison construite là sur la route et appelée dans le pays la LOGE, de ce qu’elle servait à loger les passants. D’après l a tradition cette maison fut primitivement un hospice (hospitium) établi sur ce point pour le service de la voie.
Ces sortes d’établissements, disposés par la prévoyance du génie romain, le long des grandes voies des Alpes se rencontraient jusque sur les plus hautes montagnes, Tel fut, entre autres, l’hospitium dont en retrouve encore les ruines sur un des cols de l’Alpe graie, ou petit ST BERNARD, où il avait été élevé pour le service de la grande voie de Turin.
Après les Romains, l’hospice de la montagne de Paris changea avec ses maitres, de dénomination, mais non de service public. Les nécessités de la circulation le maintient, sous le nom de la Loge, comme hôtellerie indispensable pour les voyageurs sur cette haute et solitaire région. (14 Siècle).
De la montagne de Paris, la voie antique passait à celle de RIF-TORT qui lui eut contiguë. Marchant vers le Midi, elle rencontrait le ruisseau de Rif-Tort qui coule au midi dans le vallon de ce nom, tournait de ce côté avec lui et le traversait. Reprenant s a direction à l’Ouest, elle suivait le plateau des FERETS, les vallons de BEAULIOR ou BEAULIEU,
ceux du clos des ERARDES, et descendait en pente douce jusqu’au dessus des sources du Clot.
A RIF-TORT, la voie parcourait des prairies, à travers lesquelles l’exploitation rurale l’a en partie conservée? Depuis le ruisseau et les Férets, un sentier la remplace au milieu des pelouses, et par la largeur qu’il reprend en quelques points, il permet de juger sous la verdure qu’il n’en est que le faible représentant.
En parcourant ces beaux vallons, où la nature avait tout fuit pour la commodité de la voie et pour l’agrément d’une résidence, on n’est pas peu surpris de rencontrer, depuis Beaulior, jusqu’au clos des Erardes, sur une longueur de 2 Kilomètres, d’assez nombreuses ruines, plus ou moins enfouies, se prolongeant, sans continuité, sur ne ligne parallèle à la montagne et à 15 mètres de sa base, Ces ruines paraissent être qu’anciennes habitations venues, pendant l’existence de la Voie, se ranger là sur son passage. Quelques unes dont les masures sont presque récentes, peuvent avoir été des chalets, habités pendant la belle maison, Mais d’autres, bien vieilles et en plus grand nombre, semblent n’avoir pas été seulement des résidences temporaires ; elles ont durant des siècles peut-être servi à abriter une population fixe qui après avoir passé là ses jours, y a fini, et s’est fait ensevelir près des murs qui l’avaient vue naître.
En effet, à une petite distance de ces ruines, au pied de la montagne, et sur le côté nord de la Voie, on remarque un coin de terre recouvert de petits cônes artificiels de pierres, ayant chacun environ l mètre carré de base et à peu près autant de hauteur, et réunis sur un même point au nombre de 20. D’autres cônes semblables sont épars à quelque distance, Les pierres dont ils sont formés toutes d’une grosseur moyenne et égale, ont été a portées là, peut être une à une et par leur entassement conique régulier, elles rappellent ces anciens tumuli placés au bord des chemins et sur lesquels le respect des morts faisait un devoir à chaque passant de déposer une pierre comme un pieux hommage au souvenir du défunt dont on voulait ainsi dérober les restes à la profanation. Ceux ci témoignaient à leur tour de la présence de la voie à la garde de laquelle ils étaient confiés.

[à suivre…]

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