Les visites de M. Henri Brun

LES VISITES DE M. HENRI BRUN
Avec l’aimable autorisation de Camille Brun.  

Dans le cimetière du Freney-d’Oisans, une tombe attise les curiosités. Non par sa stèle, car elle n’en a pas. Ni par sa pierre tombale, ou par une inscription énigmatique qui y figurerait… non, rien de tout cela.
La tombe est sobre, une simple margelle de béton brut d’une dizaine de centimètres d’épaisseur pour une vingtaine de hauteurs. Quelques plaques décoratives, dont une porte l’inscription « à notre papa », à chaque angle des bouquets de fleurs artificielles, au centre, une autre plaque ; Henri Brun, 1905-1978.

Rien d’extraordinaire, pourtant la tombe attire les regards des visiteurs. Presque tous s’arrêtent devant. Parfois, certains se baissent quelques secondes, d’autres s’agenouillent de longues minutes. Alors leurs mains caressent et fouillent l’agrégat qui recouvre le sol de cette sépulture. Car c’est bien de cette couverture minérale dont vient le magnétisme de l’endroit. Des milliers de cristaux, de quartz, de pyrite, de minéraux scintillants recouvrent littéralement toute la surface de la tombe. Toutes les pierres brillent et scintillent de reflets bigarrés et éclatants qui attirent l’œil des passants curieux.

Tous les connaisseurs vous le diront, ces pierres n’ont aucune valeur. Enfin si, elles ont la valeur du souvenir.
Elles sont déposées là, par les enfants et conjoints pour honorer la mémoire d’un papa amoureux de la nature, qui a su transmettre sa passion à ses descendants, qui, pour le remercier, déposent de temps en temps des cristaux qui brillent et arrêtent les visiteurs, jeunes ou vieux, croyants ou curieux.

Camille, la fille de M. Brun m’a raconté une belle histoire à ce sujet. C’est avec son autorisation que je la transcris.

Un jour d’été, Camille et Daniel son conjoint s’occupaient à nettoyer les pierres extraites lors de la dernière prospection de Daniel. Les instruments étaient sortis, pipette à air comprimé, cuve à ultrason, brosses, pinceaux… Avec patience et savoir-faire, les mains expertes du collectionneur s’affairaient à déloger la moindre poussière, la plus petite particule de terre afin de libérer tous les éclats et la grande pureté des cristaux de silice. Une petite bouille blonde avec de grands yeux parut de derrière le muret.
– « Qu’est ce que vous faites ? »Camille reconnut une petite fille du voisinage qui jouait parfois sur la place de la mairie.
– « Et bien tu vois, répondit Camille, Daniel nettoie les cristaux qu’il est allé chercher dans la montagne. Il enlève la terre, les brosses pour qu’ils soient plus jolis ».
– « Ah bon… Moi aussi je sais où il y a des cristaux dans la montagne. Je sais où je peux en chercher » dit la petite, tout en se tortillant.
– «  Et, où vas-tu les chercher ? » lui demanda Camille.
Alors avec la fierté d’un enfant qui a la certitude d’apprendre quelque chose à un adulte, la petite indiqua par un bras tendu jusqu’à l’index la direction de la route du cimetière.
– « C’est par là, il faut pousser le portail et aller au fond. Y’en a plein. Il faut se baisser pour les ramasser ».
Camille échangea un regard avec Daniel qui sans dire un mot compris le fond de sa pensée.
Après un bref instant, Daniel dit :
– « Bah, au moins ça fait de la visite à papa Henri ».

Au cimetière du Freney d’Oisans, sur une tombe, des pierres s’ajoutent, d’autres disparaissent.
M. Henri Brun a toujours quelques visites chaque année.

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