1897-Le Pelvoux massif de l’Oisans

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Pelvoux. St-Antoine et le Pelvoux (3945), carte postale GEP, années 50. Source : Musée Dauphinois.

1897 – LE PELVOUX MASSIF DE L’OISANS
Merci à Paul pour ses corrections. 

Source : Retronews Les Alpes illustrées, publication du 5 août 1897

Sur le même sujet : 
Lettre du Dauphiné : La Bérarde
Huit jours dans les glaciers

NOTA : Ce texte de 1897, comme de nombreux autres qui lui sont contemporains, utilise le terme « massif du Pelvoux » plutôt que « massif des Écrins ». Cette évolution géographique et historique s’explique par la nomenclature des montagnes de cette région. À la fin du XIXe siècle, le massif du Pelvoux désignait couramment l’ensemble du massif que nous appelons aujourd’hui le massif des Écrins.

Le Pelvoux, culminant à 3 943 mètres (aujourd’hui appelé « Mont Pelvoux »), fut l’un des premiers sommets de la région exploré et gravi par les premiers « alpinistes ». Son ascension, réalisée le 30 juillet 1828 par le capitaine Adrien Durand, Alexis Liotard et Jacques-Étienne Mathéoud, visait à trianguler cette partie des Alpes pour établir la première carte d’État-Major. Cette grande ascension marqua l’intérêt pour cette région montagneuse, jusqu’alors presque inexplorée dans ses hauteurs. En conséquence, le nom « Pelvoux » devint représentatif de l’ensemble du massif.

À cette époque, les cartes spécifiques aux zones de montagnes étaient encore rares, ainsi que les connaissances géographiques moins détaillées qu’aujourd’hui. Les explorateurs et géographes utilisaient les noms des sommets les plus connus pour désigner des zones plus larges. Le Pelvoux, étant un sommet notable, servit de point de référence pour la région entière et était parfois indiqué comme point culminant de cette région des Alpes sur des documents géographiques, occultant le sommet de la Barre des Écrins, à 4101  (première ascension 25 juin 1864). La confusion était sans doute accentuée par le fait que la Barre des Écrins est située sur la commune de Pelvoux.

L’amélioration des techniques, le renouvellement du matériel cartographique et une meilleure connaissance des montagnes, avec le temps, ont conduit à l’adoption du terme « massif des Écrins », plus précis et approprié pour désigner l’ensemble de cette région montagneuse. Le Mont Pelvoux est désormais reconnu comme une partie du massif des Écrins, mais n’en constitue plus le nom principal.

Ainsi, le texte de 1897 reflète l’usage et les conventions de l’époque, avant l’établissement de la terminologie actuelle.

Souvent proposé comme une rivale des Alpes suisses, l’Oisans était désigné comme « l’Oberland Français ». L’article ci-après ne déroge pas à cette règle, vantant les mérites touristiques de notre région, ses paysages torturés, sauvages et sublimes, qui s’imposent à nous, alors, comme une invitation au voyage.

Sur ce sujet, je vous conseil l’article très complet sur Vallouimages : Massif des Écrins ou Massif de l’Oisans

L’OISANS

L’Oisans, moins célèbre que la Suisse, charme par ses vallées sauvages, pics et glaciers majestueux.

« Cette région (l’Oisans) n’a peut-être pas les beautés de la Suisse, mais elle possède un charme qui lui est particulier ; ses rochers escarpés, ses torrents, ses gorges sont sans rivales, ses profondes et sauvages vallées présentent des tableaux, d’une telle grandeur, qu’elle touche au sublime, et dans nulle autre contrée les montagnes n’ont des formes plus hardies. Ses nombreuses vallées rivalisent l’une avec l’autre pour la singularité de leur caractère et la dissemblance de leur climat. Plusieurs d’entre-elles sont si étroites et si profondes que les rayons du soleil ne peuvent jamais y pénétrer. Dans d’autres, on se croirait aux antipodes, car la température y ressemble plus à celle des plaines de l’Italie qu’à celle des Alpes françaises. »

C’est en 1861, que le célèbre alpiniste Whymper traçait les lignes qui précèdent, résumé exact des beautés de l’Oisans. Mais, par contre il ne dissimulait pas sa surprise que l’on n’eût rien fait pour rendre possible l’accès de celte admirable région, qui restait presque inconnue. Les choses ont changé lentement, il est vrai ; mais s’il reste encore des progrès à accomplir, c’est sans peine, sans fatigue et avec plaisir que l’on peut faire le tour du massif du Pelvoux.

Ce massif a à peu près la forme d’un fer à cheval, dont la partie intérieure est occupée par la vallée du Vénéon, et dont les contours sont dessinés par une série de pittoresques vallées : c’est d’abord la vallée de la Romanche qui, près de Grenoble, en commence le tracé, continué après le Lautaret par la vallée de la Guisanne. Après la rencontre de celte rivière avec la Durance, près de Briançon, ce grand cours d’eau baigne le revers oriental du massif; puis viennent les vallées du Valgodemar et du Valjouffrey, qui jettent leurs eaux dans le Drac. Par ses pics escarpés, s’élevant à 3 et 4,000 mètres, par ses glaciers immenses, ce massif ne le cède en rien à ceux de l’Oberland et du Mont-Rose, et de même qu’à Zermatt ou à Grindelwald, alpinistes et touristes y trouvent des ascensions de premier ordre et des paysages grandioses.

Pour le touriste qui part de Grenoble se proposant de faire tout ou partie de ce voyage circulaire, ce n’est plus dans une mauvaise diligence qu’il gagnera sa première étape, le Bourg-d’Oisans. À ses débuts, le Syndicat d’initiative, soucieux de lui épargner un tel voyage, avait fait établir des cars alpins, qui servent encore au trajet du Bourg-d’Oisans à Briançon, mais le progrès plus complet devait suivre bientôt, par la construction d’un chemin de fer sur route, crée et administré par la Compagnie des Voies Ferrées du Dauphiné, de telle sorte que le voyageur parti de Grenoble peut aller au Bourg-d’Oisans et en revenir en moitié moins de temps que n’en exigeait jadis le parcours en un sens.

Quittant le P.-L.-M. à la gare de Jarrie-Vizille, où a lieu le transbordement dans les voitures du Y. F. D., un trajet fort court amène sur la place du Château, à Vizille (ville), les touristes à qui un arrêt de quelques minutes permet d’admirer l’ancienne demeure de Lesdiguières et le monument du Centenaire.

À Séchilienne, que l’on atteint en suivant la Romanche, la gorge dans laquelle ce torrent coule, s’étrangle en un long couloir dominé par les derniers contreforts des massifs de Belledonne et de Taillefer tombant à pic au fond. Le tramway y court, faisant défiler villages et hameaux : Gavet, Rioupéroux et ses usines, Livet, forêts et cascades, blocs énormes arrachés aux hautes cimes et qui se dressent encore menaçants, pendant que la Romanche s’élance, impétueuse, à travers des rochers. La gorge s’élargit et le massif des Rousses se dresse devant vous ; voici maintenant la plaine, mais toujours la montagne vous domine : sur ses flancs, des glaciers étincellent et quelques forêts trop rares les couvrent de leur verdure. Le Bourg-d’Oisans s’élève au-dessus de cette plaine, qui fut au XIIe siècle un lac, créé par la montagne et qui, le jour où il rompit les éboulements qui bavaient fait naître, étendit ses ravages jusqu’à Grenoble, qu’il faillit détruire. Aujourd’hui des cultures ont remplacé les eaux, et la Romanche, calme et assagie, coule lentement au milieu d’elles.

Le Bourg-d’Oisans est et deviendra de plus en plus un des grands centres des Alpes dauphinoises. Située dans une agréable vallée, à une altitude moyenne (729 m), cette petite ville de 2,800 habitants, propre, bien bâtie, avec des hôtels confortables, est le point de départ de nombreuses promenades ; ce sont, dans ses environs : Huez et le lac Blanc, le plateau de Brandes, Villard-Eymond et la mine d’or de la Gardette, aujourd’hui exploitée, le lac Lauvitel, l’Alpe du Mont-de-Lans.

En revenant en arrière de quelques kilomètres, on rejoint Allemont et la vallée de l’Eau-Dolle, que l’on avait laissés à gauche de la station de Rochetaillée. C’est d’Allemont que se font les ascensions des Grandes-Rousses 3,475 m du massif de Belledonne et de ses trois pics, de la Grande-Lance d’Allemont. des Sept-baux et la descente en Maurienne par le col du Glandon et la Croix-de-Fer.

En revenant au Bourg-d’Oisans, au hameau de la Paute, commence la route qui, par le col d’Ornon et le Périer, conduit en Valbonnais et à La Mure.

Si vous êtes alpiniste, à quelques kilomètres s’ouvre la vallée du Vénéon, Venosc, Saint-Christophe, la Bérarde, avec leur ceinture de pics trop escarpés pour que tous puissent les escalader, et leurs cols de glaciers qui conduisent dans les vallées voisines, sans que, malheureusement, aucun passage facile permette d’y parvenir. Les noms de la Meije, des Écrins, de ]’Olan, de l’Aiguille du Plat, ceux des cols de la Temple, de la Lauze, des Cavales, du Sélé, du Says et de tant d’autres, sont aujourd’hui familiers. La vallée du Vénéon devrait être connue davantage, peut-être sera-t-elle souvent parcourue, maintenant qu’une route de voitures permettra de gagner sans fatigue Saint-Christophe ; et quels souvenirs n’emporteront pas ceux qui, étant allés à la Bérarde et ayant gravi la Tête de la Maye, auront contemplé, l’admirable panorama étalé devant leurs yeux !

Les cars alpins attendent les touristes au Bourg-d’Oisans, et en quelques heures, qui paraîtront trop courtes, les conduiront à la Grave à travers les gorges dans lesquelles la Romanche s’est frayé un passage, et, par une route qui tour à tour domine le torrent à des hauteurs vertigineuses ou en suit la rive. Bientôt la Meije apparaît dans toute sa magnificence, dressant son sommet aigu à 3,980 m, ce sommet vaincu après avoir lassé les plus intrépides, qui, seul des pics du Dauphiné, a été le témoin de sanglantes catastrophes. Voici la Grave et son merveilleux cadre, que Whymper met à la première place parmi les plus beaux paysages des Alpes. Indiquer les excursions et ascensions que l’on peut faire de cette station, serait décrire tout ce versant du Pelvoux et la chaîne du Galibier qui lui fait face.

De la Grave au Lautaret, il y a onze kilomètres: vous êtes dans ce site célèbre, au milieu de pâturages dont la flore est connue dans le monde entier, et où les botanistes viennent cueillir des richesses sans nombre.
A côté de l’ancien hospice, s’élèvent des constructions neuves, rendez-vous de nombreux touristes, et preuve de ce que peut une initiative persévérante et intelligente.

Du Lautaret, une des routes les plus hautes de l’Europe fait passer, à une altitude de 2,658m. du Dauphiné en Maurienne, par le col du Galibier.
La route descendant le long de la Guisanne conduit à Briançon.

Briançon est la clef de notre défense des Alpes, et sur tous les sommets les hommes ont, à travers les âges, accumulé les remparts et les forts. La vieille ville ne peut plus se contenter des limites trop étroites de son enceinte, et une ville nouvelle s’étend le long de la chaussée jusqu’à la gare. Comment ne serait-on pas tenté de s’arrêter à Briançon ?
Ses montagnes, couvertes de mélèzes, lui font une si riche parure, et puis l’air est si pur, le ciel si bleu et le climat si vivifiant.

Voulez-vous modifier votre itinéraire de retour ? revenez parle Mont-Genèvre, Oulx et le Mont-Genis, ou par la vallée de la Clarée, Né vache et Bardonnèche.

Après Briançon, la voie P.-L.-M. s’enfonce dans les gorges de la Durance. À la Bessée, commence la Vallouise, vallée qui n’a que quelques kilomètres ; elle est traversée par un petit torrent, la Gyronde. À l’entrée, se voient les vestiges d’une épaisse et haute muraille édifiée, dit-on à tort, par les Vaudois, il y a quelques siècles, quand fuyant la persécution, ils essayèrent en vain d’y chercher un refuge. La route remonte la Gyronde et parvient au village de Ville-Vallouise à travers des cultures et de petits bois, bordés à droite et à gauche de hautes montagnes. On ressent, au milieu de ce paysage, une impression de calme extrême.
A l’extrémité de la vallée, une courte marche conduit au village de la Pisse, appelé aujour-d’hui Mont-Pelvoux, encadré par des massifs d’arbres et des prés verts bordés par la Gyronde. En face du village, se dressent les trois sommets du Pelvoux : c’est là un site d’une grandeur inoubliable.

Si la Vallouise est la vallée du Pelvoux, la vallée du Queyras est celle du Viso qui, tout au fond, dresse sa magnifique pyramide. Mont-Dauphin ferme l’entrée de la vallée, et Guillestre se cache dans un replis de terrain. Bientôt le paysage offre une majesté si imposante, on a devant soi tant de tableaux, une diversité de motifs si fréquente et si imprévue, qu’on éprouve un étrange embarras à discerner dans ce qu’on ressent la part de l’étonnement et de l’admiration. A un tournant de route, le Chateau-Queyras surgit comme un tableau qui sortirait de terre. Elle a fière mine sur son rocher solitaire, la vieille forteresse aux tours coiffées d’ardoises, aux remparts élevés.
Voici l’Aiguille avec son aspect de station balnéaire, ses maisons élégantes, ses fontaines sculptées. Toute cette splendeur est due à l’énergie et à l’activité des habitants, qui sont allés chercher la fortune en Amérique. Plus loin, c’est Briès (pour les Abriès) et le chemin du Viso.

À Embrun les grandes Alpes finissent : le paysage prend un aspect méridional, la végétation est rare, les terres sont brûlées par le soleil et ravagées par les torrents.
Embrun, la vieille ville épiscopale, domine la Durance du haut de sa terrasse. A la gare de la Batie-Neuve, on s’étonne du nombre dé voyageurs, de prêtres, de religieuses qui s’y embarquent ou y descendent. Cette foule se rend au sanctuaire de Laus, pèlerinage cher aux Hauts-Alpins. La voie ferrée contourne Gap, qui s’étale dans une vallée où un canal dérivé du Drac est vertu apporter la fraîcheur et la verdure ; puis elle gagne péniblement le bassin de Bueçh quelle ne quittera qu’au col de Croix-Haute pour passer dans le Trièves, immense cirque terminé au loin parla chaîne de l’Obiou et du Grand-Ferrand.

A peine peu t-on entrevoir en tassant les à-pics formidables du Mont-Aiguille, pendant que le train passe à travers une série de tunnels et franchit des viaducs sans nombre. Le panorama change sans cesse et trouble la curiosité par la profusion et le pittoresque de ses détails. On ne peut que regretter que les voyageurs qui vont à Marseille n’abandonnent pas la route du
Rhône pour passer par Grenoble et Gap, par les vallées de l’Isère et de la Durance.

Le trajet est plus long, mais il est si beau qu’il leur semblera court.

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