1941, un journaliste visite la mine de l’herpie

Photo d’illustration : Les gueules noires de la Mine de l’Herpie, exposition à la Maison des Alpages année 2011 2012.

1941 UN JOURNALISTE VISITE DE LA MINE DE L’HERPIE

Article passé dans LE JOURNAL
À 2600 MÈTRES, J’ai visité en France la mine de charbon la plus haute d’Europe.

DE NOTRE ENVOYÉE SPÉCIALE À L’ALPE D’HUEZ,

9 janvier 1941.
« Oui, la plus haute mine de charbon d’Europe est française, et même se trouve près d’ici ; regardez, Madame, ce téléférique, à gauche, c’est le câble qui sert à descendre les bennes d’anthracite vers Bourg-d’Oisans. »

Nous sommes sur les pentes du Signal. Rendez-vous de tous les skieurs à l’Alpe d’Huez, et mon interlocuteur tend le bras vers la montagne de l’Herpie. Je vois une ligne de pylônes qui escalade une crête et sort de l’horizon.

La maison des mineurs
Le lendemain, chaussée de skis, je pars dans cette direction. Après une heure trente de montée sur les flancs de l’Herpie, nous atteignons la maison des mineurs. Une grande bâtisse grise, triste dans cet océan de blancheur.
Le chef de chantier me propose :
— Vous voulez visiter, je vous engage à mettre un bleu pour ne pas vous salir. »
Et j’enfile une combinaison que tout à l’heure je bénirai, lorsqu’il faudra que je me coule, au passage de la benne, entre un wagon-
net et un vrai mur de charbon, où j’ai juste la place de me glisser en biais.

Un trou noir dans la neige
La mine a deux étages, si on peut s’exprimer ainsi. Elle est constituée par deux galeries en pente douce, d’environ 400 mètres de longueur, reliée entre elles par un puits vertical de 50 mètres de profondeur. Ce puits sert à déverser le charbon qui vient du haut (le point d’extraction le plus élevé se situe à 2600 mètres d’altitude) dans la galerie du bas, où il est acheminé vers la trémie.
« C’est là, m’explique notre guide, que le charbon sort enfin de terre, pour être chargé sur les bennes du téléférique qui le transportera à Bourg-d’Oisans. Où il est traité. »
Sur les rives de la Romanche, au fond de l’étroite vallée où se cache Bourg-d’Oisans, l’anthracite en bloc ou en poussière est trié et préparé selon l’usage auquel on le destine.
« Maintenant, nous allons nous engager dans la galerie, continue le mineur qui nous accompagne.
Attention à vos têtes, les poutres sont basses. »
En effet, le cloisonnage nécessite parfois qu’on se penche en avant pour ne pas heurter le crâne aux soutiens de la voûte.
D’où vient ce bois ? Il n’y a pas un arbre dans les environs.
« Jusqu’à la guerre, me répond-il, nous cloisonnions avec des bois importés de Norvège, plus durs que ceux qu’on trouve dans l’Oisans. Maintenant., on se débrouille avec ce qu’on a. »

La revanche des mineurs
Une voie ferrée est posée sur le sol du boyau que nous foulons. Poussé par un homme, un wagonnet, venant en sens inverse, avance à
notre rencontre. J’interroge le « rouleur » ;
– Quel poids poussez.vous
– Mon wagonnet contient 750 kilos de charbon. Je vais le pousser jusqu’au puits. Après, les mules s’en chargeront.
Car, dans cette mine, il y a des mules qui assurent le transport de la galerie du bas.

Noir sur blanc
Quatre heures ! Le travail cesse.
Nous prenons la route du retour.
Les mineurs arrivent un à un à l’orifice de la galerie et tous ont le même clignement d’yeux en sortant. Éblouis par la réverbération de la neige.
Ils descendent vers leur demeure un beau bloc de houille sèche sous chaque bras, pour alimenter le feu de la cantine.
Dur métier que celui-là. Les hommes mènent ici une existence sévère. Loin de leurs foyers, sans femme ni enfant. La plupart des ouvriers ne savent pas faire de ski, et ils descendent juste une fois par mois à Bourg-d’Oisans par les bennes du téléférique.
Au milieu des privations de toutes sortes qui sont leur lot quotidien, il est une restriction qu’ils n’auront jamais à envisager : celle du chauffage.
C’est la revanche du mineur.

M. BOUVIER.

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