Les Foins

LES FOINS
Au Freney d’Oisans, l’agriculture et l’élevage étaient les ressources prépondérantes.
Les champs étaient tous fauchés à la faux.
Le foin était ramassé avec des râteaux en bois.

Des ballons (40~kg) étaient confectionnés à l’aide de bâtons et de cordes.
Ces ballons étaient transportés soit par mulet : ils étaient alors chargés par deux sur un bât, soit par charrette tirée par mulet.
La plupart du temps, on les montait dans la grange avec une poulie, ou à dos d’homme sur l’échelle. 


LES FILLES D’EN HAUT


Dans leur berceau, la fée ne les avait pas choyées :
Plus de père assurant les dures tâches.
Les deux amies, à dix-huit ans, devaient faire face
Aux aléas de la vie et ses difficultés.
Pour gagner seulement leur pain,
Point d’autre choix que la terre à cultiver :
Labourer, planter, faner, engranger,
Comme les gars, dès le petit matin,
A pied d’oeuvre, elles devaient se trouver…
Et le soir, à la cuisine, au tricot, se consacrer !
Leur amitié, tissée depuis leur enfance,
Ne s’est jamais ternie ni altérée, mais renforcée
Au coude à coude des chaudes et rudes journées,
Maniant leur faux avec sûreté et endurance.
Une année de « disette », sur la Séa, elles fanaient.
Malgré l’air vif des alpages, le soleil, cet été,
N’en finissait pas de tout sécher, tout brûler.
Leurs deux mules, à un arbrisseau attachées,
Pour chercher l’ombre d’une combe, se sont évadées.
Coiffées d’un grand mouchoir en pointe replié,
Sur la nuque noué,
Lucie et Marie consciencieusement s’activaient.
Le visage rougi, le font de sueur perlé,
Elles enlaçaient le foin à pleines brassées,
Inlassablement allaient le déposer
Sur les cordes en travers de la pente, étirées.
Avec méthode, successivement, elles le pressaient.

Cette herbe desséchée, odorante, gémissait
A la pensée de se voir bientôt « fagotée ».
Chaque corde, dans une « treuille » coulissée,
Etait alors vigoureusement tirée, nouée
A la force de leurs robustes poignets.
Ainsi enserré, le foin formait le « ballot ».
Il serait bientôt chargé et amarré
Au bât des mules et, à la grange transporté.
Hélas, les mules sont parties !
Surprises, nos deux amies en rient !
Bien vite se ressaisissent aussi.
Lucie sait que de ruse elle doit jouer :
surprendre la bête qui rêve de liberté,
Prendre les rênes traînant dans l’herbe
Sans qu’aucune ombre, un bruit ne l’alertent.
En parfaite connaissance, experte,
Ses gestes, accomplis avec rigueur,

De son opiniâtreté sont révélateurs.
Ouf!… son astuce et sa malice ont réussi !
Les deux amies pourraient éviter les moqueries ;
Le soir, sans « ombrage », elles rentreraient,
Le bât des mules abondamment chargé,
Témoin d’une journée dignement achevée.
Certes harassées, mais le front relevé,
Devant les gens du village elles passeraient
Aux côtés de leurs mules, avec leur fenaison,
Sans craindre les sourires des garçons !

Marie-Lucie Bernard

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