Inondations du 7 juin 1955 et du 20 octobre 2023

INONDATIONS DU 7 JUIN 1955 ET DU 20 OCTOBRE 2023
Première publication, 17 mars 2017, mise à jour le 22 octobre 2023 suite aux évènements survenus le 20 octobre 2023 dans vallée du Vénéon.

Retranscription d’un compte rendu d’une réunion du conseil municipal du Bourg-d’Oisans du 9 juin 1955.
Après la construction du Barrage du Chambon (1928 – 1936), les crues foudroyantes de l’impétueuse Romanche semblent enfin soumises à la volonté de l’homme… L’inondation de 1955 rappellera à ce dernier qu’un équilibre est toujours basé sur un compromis qui oscille entre « pas assez » et « beaucoup trop ».

Photo d’illustration : Le Bourg d’Oisans en 1948, vue aérienne IGN.

« Monsieur le maire expose au conseil municipal que le 7 juin 1955, vers 18 heures, la Romanche, grossie par une fonte rapide des masses de neige tombée cet hiver, en haute altitude et une pluie torrentielle ; ainsi que le Vénéon, dont une telle crue n’avait encore jamais été vue de mémoire d’homme, a débordé par dessus la digue, rive droite entre le Pont de la Romanche et les Alberges, sur toute la longueur, soit 3 kilomètres environ. De plus, les dalles de la digue, s’étant affaissées sur une centaine de mètres de long au kilomètre 50, les eaux ont envahi la cuvette formée par la nouvelle route No 91, l’évacuation de l’eau étant suffisantes, l’Hotel de la Cascade a été inondé presque jusqu’au premier étage. La Sarenne a également cassé sa digue, rive droite en deux ou trois endroits vers Bassey.
De ce fait, toute la partie de la commune située entre les Alberges et Vieille-Morte a été complètement recouverte d’eau, d’où de graves dégâts aux immeubles, récoltes et chemins.
Il est évident qu’une plus grande catastrophe a été évitée à Bourg d’Oisans, du fait de ce déversoir imprévu et de la baisse des eaux qui a commencé vers minuits le même jour.
Monsieur le Préfet de l’Isère, monsieur le parlementaire du département, les ingénieurs des Ponts et chaussées, sont venus apporter le réconfort leur présence te constater les pertes subies.
Il ne semble pas que l’on puisse, vu la situation actuelle, envisager le versement d’indemnités au particulier, mais, cependant, rien ne sera négligé pour obtenir des pouvoirs publics, des secours aussi élevés que possible.
Si nous tenons gain de cause les sinistrés auront des déclarations à souscrire.
De plus, nous tâcherons de remettre en état, au plus tôt les chemins détériorés soit par les eaux, soit par les ruisseaux venant de la montagne.
Le conseil municipal, ouït le rapport de Monsieur le Maire, considérant les dégâts causés par ces inondations, demande au gouvernement de vouloir bien soumettre au vote du Parlement l’ouverture des crédits nécessaires à la réparation des dommages chez subis tant par la commune que par les particuliers.
Afin de permettre au réservoir artificiel du Chambon de jouer son rôle de régularisation des eaux pour lequel il a été prévu, insiste énergiquement auprès de l’Électricité de France pour que ce lac ne soit jamais à sa cote maximum et puis se recevoir l’eau d’une grosse crue brutale. Ce qui serait possible en baissant son niveau d’eau inférieur de quelques mètres à sa plus haute côte, au moins jusqu’à l’automne lorsque les risques d’inondations de la plaine de Bourg-d’Oisans on disparu ; La Romanche et le Ferrand ayant un débit suffisant pour le remplir en quelques jours. »

Nota : Après la publication de cet article sur Facebook, mon oncle Guy, m’informa que le Vénéon menaçait de sortir de son lit à Bourg-d’Arud les hommes du village avaient été appelés à construire une digue en toute hâte mon grand-père Marius faisait parti des réquisitionnés !


L’INONDATION DU 20 OCTOBRE 2023 DANS LA VALLÉE DU VÉNÉON

Bref résumé des évènements qui ont eu lieu hier, 20 octobre 2023, dans la vallée du Vénéon.

Saint-Christophe-en-Oisans coupée du monde après la crue du Vénéon
Lieu prisé des alpinistes, Saint-Christophe-en-Oisans, niché au cœur des Alpes a connu durant la nuit de fortes pluies, qui ont fait sortir de son lit le torrent du Vénéon, emportant la seule route qui relie le village au reste du canton.
Voici le récit dans le détail de la situation qui a laissé les habitants du haut Vénéon isolés, coupés du monde par la route et les autres moyens de communication et dans l’attente d’une réparation qui s’annonce longue.

Le Torrent du Vénéon déchainé 
Les pluies diluviennes du 19 au 20 octobre ont provoqué une crue dévastatrice du Vénéon, submergeant la basse vallée. La route d’accès menant à Saint-Christophe-en-Oisans/La Bérarde (D 530), à la hauteur du Plan du lac, a été submergée, puis emportée par les eaux bouillonnantes du torrent. Le maire de la commune, Jean-Louis Arthaud, décrit une scène de destruction, avec des portions de voie manquantes s’étendant sur 150 à 200 mètres.

Des Habitants coupés du monde, une nouvelle fois
La catastrophe a laissé les habitants piégés dans ses hameaux isolés. Si l’on ne déplore aucun blessé, le rétablissement de l’axe routier, la D 530, s’annonce comme un défi majeur, nécessitant du temps et des ressources considérables. La situation inquiète le maire, qui estime que la commune sera probablement coupée du monde au moins jusqu’au début de la semaine prochaine.
Il y a moins de deux mois, cette même route avait été coupée à toute circulation, après que le torrent du Vénéon soit sorti de son lit. Une des nombreuses conséquences de la canicule et des terrains extrêmement secs conjuguées aux orages, avec plus de 63 mm de précipitations cumulées, enregistrés dimanche 27 août durant l’après-midi dans la vallée du Vénéon !

Solidarité avant tout
Face à cette crise, les autorités ont organisé trois réunions d’urgence avec la préfecture de l’Isère pour discuter des questions de ravitaillement des habitants bloqués. La ligne de téléphone fixe, internet et réseaux filaires, longeant la rivière a également été emportée par les eaux, coupant toutes communications.

La commune des Deux-Alpes a proposé des logements temporaires aux résidents de Saint-Christophe-en-Oisans qui n’ont pas pu rentrer chez eux ce vendredi soir. Une poignée de randonneurs était également bloquée à la Bérarde.

Autres lieux touchés par les crues
L’inondation ne s’est pas limitée à Saint-Christophe-en-Oisans. Le village de Venosc a été touché lorsque la puissance des eaux du Vénéon a fait céder une digue. Bien que l’eau se soit répandue dans un camping inoccupé, provoquant de nombreux dégâts, les habitants du hameau de Bourg-d’Arud ont pu regagner leurs foyers dans la soirée.

Prévisions
La décrue a commencé dans l’après-midi.
La voie verte de l’Oisans qui borde de la Romanche au Vénéon restera fermée jusqu’au lundi 23 octobre.
De plus, en raison des conditions météorologiques, la départementale 902 reliant le col du Galibier au col du Lautaret dans les Hautes-Alpes demeurera fermée dans les deux sens de circulation jusqu’à la matinée du même jour.

Dans cette région des Alpes, comme dans de nombreuses autres vallées alpines touchées par le même phénomène de crue soudaine survenue ces dernières 48 h, l’entraide et le moral des habitants sont mis à l’épreuve par cette crise naturelle. Tout notre soutien aux habitants affectés et sinistrés, dans leur détermination à surmonter ces difficultés.

Les précipitations du 20 octobre ont été évaluées à 80-100 mm par Météo France le jour de la crue du torrent du Vénéon. Une route provisoire sera aménagée par les services du Département quelques heures plus tard. Malheureusement, entre le 26 et le 27 octobre, la liaison sera à nouveau coupée après un nouvel épisode pluvieux. Ces derniers se poursuivent, et en date du 30 octobre la route de Saint-Christophe n’est toujours pas rétablie.

Dans la continuité des évènements du 20 octobre, des travaux d’endiguement seront déclenchés très rapidement par la mairie des deux Alpes sur le village de Venosc, aux hameaux de l’Alleau et de Bourg-d’Arud. L’accès aux berges et à la voie verte reste interdit pour des raisons évidentes de sécurité.

© Sabine Helou, et David Chalaron. 

Témoignage

Nota : Sabine et son compagnon Gaël habitent l’Anchâtra, hameau situé en rive gauche du Vénéon, à une heure de marche de la route 530 en direction de Saint-Christophe la Bérarde.
Juchée sur un roché, dominant la vallée, Sabine a assisté à l’évolution de la crue durant la matinée du 27 octobre, voici son témoignage en complément de l’article plus haut : 

« J’avais un commentaire concernant la première crue, c’était à la fin août, le dimanche 27 août. Je suis montée à Lanchâtra, voir nos chats, le 28. J’ai des photos de l’état de la route, une pelleteuse y travaillait pour la sécuriser.
Lors de cette phase de sécurisation, une chose m’avait choqué : pour sécuriser l’axe routier, énormément de matériaux (gravier, sable, pierre) ont été ramenés dans le lit du Vénéon afin de le canaliser entre une bande à l’opposé de la route et la digue sur le bord du torrent. D’ailleurs, cet aménagement a fait s’écrouler des pierres, assez rapidement, du côté du pierrier, sous le chemin de Lanchâtra à cause de la force du torrent concentré de ce côté-là.
Pour nous, il était prévisible qu’avec un gros épisode pluvieux, un tel aménagement ne tiendrait pas longtemps, sans pour autant imaginer que cela attaquerait la route plus haut. En revanche, on se doutait qu’en cas d’intempéries intenses, cela forcerait le Vénéon, torrent tumultueux, à grossir, et à prendre de la hauteur canalisée de cette façon entre deux digues, qu’il allait chercher une voie de sortie. C’est pourquoi, l’inondation de la forêt entre les 2 passerelles nous semblait inévitable, de même que le chemin de l’Envers (ou ancien chemin) en allant vers le barrage du Plan du lac.
À noter, EDF avait fait une grosse digue de matériaux juste avant la bouche de droite du barrage, afin de l’assécher et de pouvoir y travailler.

Le 20 octobre, le Vénéon en colère est allé retrouver son lit. Il a emporté toutes ces tonnes d’agrégats le long de la route et près du barrage. En plus de tous les matériaux qu’il avait déjà en lui, avant d’arriver vers le gîte et le Plan du lac.

Concernant la disparition de la route, avec Gaël nous avons vu les différentes étapes :
La première fois, vers 10 h/11 h, le torrent avait attaqué la digue.
Aux alentours de 11 h 30, les premières plaques de bitumes étaient parties sur 40 ou 50 mètres et on voyait le torrent arracher et charrier les pierres de la digue.
Puis le torrent inondait la route, là où elle avait déjà été emportée le 27 août.

À 14 h, nous y sommes retournés. Le torrent avait emporté au moins 100 mètres de route et commençait à envahir l’autre côté de la route. Et on voyait les plaques de bitumes continués à disparaitre ainsi que les arbres qui tombaient les uns après les autres, emportés par le courant. Le Vénéon a alors retrouvé un ancien lit, d’avant la route.
Cela a soulagé l’aval du gîte. La route est réapparue. Et le torrent était bien calé dans son lit.

Samedi matin, en passant le nouveau bras du torrent revenait sur la route au niveau des enclos à mouton totalement inondés, pour rejoindre le lit principal. »

Notons que les évènements, comme les décrits Sabine, jalonnent l’histoire des crues de la Romanche en Oisans depuis des siècles.
Une première inondation s’abat sur des digues affaiblies qui cèdent. Les digues sont alors réparées ou confortées rapidement dans l’urgence. Puis, une deuxième ou troisième inondation vient dévaster les digues réparées, qui à leur tour, avec la force de l’eau alourdie de la charge des matériaux dévaste les digues plus en avale qui avait tenue jusque là, provoquant alors des dégâts lourds sur les champs et les cultures dans la vallée.
Nous pouvons aussi observer que l’ancienne route de Saint-Christophe a quitté dans les années 1980, son tracé en balcon à flanc de montagne, route trop souvent exposée aux coulées et aux avalanches, lui préférant le creux de vallée non loin du Vénéon, s’exposant ainsi à d’autres maux destructeurs.   

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