Le mirage de l’or en Oisans

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Médaille commémorative (recto) de la Mine de la Gardette frappée en 1786

LE MIRAGE DE L’OR EN OISANS

Archive Gallica : Bulletin de la Société de statistique, des sciences naturelles et des arts industriels du département de l’Isère
Date d’édition :  1947

Sur le même sujet :
Histoire brève de la mine d’or de la Gardette

Par Germaine Veyret-Verner
Extrait du chapitre « L’industrie des Alpes Françaises », Exploitation du sous-sol, Le mirage de l’or.

Le mirage de l’or.
L’attrait de l’or ne date pas d’aujourd’hui et l’on peut bien penser que les moindres pistes aurifères ont été passionnément suivies. Elles ne manquent d’ailleurs pas. Dans l’Isère, on en a relevé une dizaine, dont 5 en Oisans (surtout à la Gardette) ; les Hautes-Alpes en possèdent dans l’Embrunais, le Gapençais, sur la bordure orientale des Baronnies ; dans les Basses-Alpes, on en connaît en Ubaye et autour du dôme de Barles. Au total, une vingtaine de filons aurifères ont été signalés dans les Alpes françaises (1 ; la haute montagne n’en a pas davantage écarté les hommes que le désert en Australie ou le climat polaire en Alaska ; la plupart de leurs entreprises ont échoué, une seule ayant réussi à prendre une allure un peu industrielle.

Les recherches chimériques.
— On ne sait pas grand-chose sur les tentatives médiévales ; les concessions dont on connaît l’existence — par exemple celle du Dauphin, attribuant à Bonin Diano, de Verceil, les mines d’or et d’argent de Théus et d’Avançon — semblent bien avoir été, le plus souvent, peu suivies d’effets. On ne peut non plus prendre au sérieux certaines histoires, comme celle d’une mine d’or de l’Oisans qui au XVIIIe siècle aurait été connue de quelques habitants seulement. Par contre, on constate au XVIIIe siècle quelque chose comme une ruée vers l’or (2. On venait de découvrir la mine de la Gardette, dont les promesses autorisaient de vifs espoirs ; d’un autre côté, l’attrait pour les mines d’or survivait à la déconfiture de Law, dont la propagande avait éveillé d’immenses appétits. Ce fut encore pis au XIXe siècle : on vit alors des cultivateurs abandonner cultures et bétail pour gratter la montagne, avec ou sans concession ; les alentours de La Grave, de Livet, du Bourg-d’Oisans furent criblés de galeries profondes à peine de un mètre ou deux ; de Domène on se ruait vers les flancs de Belledonne. Des légendes, quelques paillettes minuscules roulées par les torrents suffisaient à déranger des imaginations exaltées. De tous ces chercheurs chimériques, l’un des plus caractéristiques fut un curé de Lavaldens, sous le Second Empire. Conseillé par un vieux mineur d’Allemont, persuadé que les comtes de Maurienne avaient jadis exploité l’or sous les trois pics de Belledonne, il s’en vint à plus de 2000 m. creuser avec 4 ouvriers une galerie longue de 27 m. ; il fallut que les ingénieurs des Mines demandent l’arrêt des travaux jugés dangereux et démontrent qu’en fait d’or on extrayait du cuivre pyriteux. La race obstinée des chercheurs d’or n’a pas disparu : en 1942 nous avons rencontré à Embrun un ingénieur des Mines qui fouillait les alluvions du torrent de Boscodon, et pourtant, même dans le cas le plus favorable, celui de la Gardette, l’exploitation de l’or a procuré plus de déboires que de profits.

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Médaille commémorative (verso) de la Mine de la Gardette frappée en 1786

La mine d’or de la Gardette (3 n’a jamais été qu’une petite affaire, mais elle sort du domaine des chimères : on en a extrait assez d’or pour frapper, en 1786. une médaille commémorative de la découverte, et même une médaille de grand module. Il est vrai que ce fut le plus clair de la production. Le filon (commune de Villard-Reymond, au sud de Bourg-d’Oisans) est de quartz massif.
Des montagnards le grattèrent au début du XVIIIe siècle, puis l’abandonnèrent : des recherches faites en 1735 sur l’ordre du roi demeurèrent infructueuses ; une société, en 1765, fouilla jusqu’à 11 m. de profondeur pour ne trouver guère que du cristal de roche.
Mais un chercheur entêté, qu’enfiévrait la découverte de la mine d’argent des Chalanches, trouva par deux fois de l’or (en 1770 et 1779) qu’il soumit à l’examen de l’ingénieur qui dirigeait les mines d’Allemont. Le roi ayant donné la mine de la Gardette au comte de Provence, déjà titulaire des Chalanches, celui-ci fit commencer des travaux considérâmes en 1781 ; 22 attaques par nuits et galeries permirent tout juste de couler une médaille. La Révolution suspendit les recherches ; elles furent reprises sous Louis-Philippe par un Belge qui fit quelques travaux préparatoires en 1837, mena grand bruit dans la presse et, dit M. Allix, arrêta l’exploitation en 1843 sans avoir extrait d’autre or que celui des souscripteurs.
La concession changea de mains en 1852, suscita des recherches en 1889 et 1899, puis retomba dans la tranquillité. On semble avoir compris que le peu d’or à extraire dans les Alpes coûterait, à exploiter, plus qu’il ne vaut. Il en va presque de même pour les autres métaux non ferreux, cuivre, plomb, argent.

1) Scipion Gras, Revue du Dauphiné, t. III, p. 36. Fonds Dauphinois, 23 JD.
2) Nous devons à M. A. Allix tout le développement sur les mines d’or de l’Oisans, grâce à un brillant article paru dans les Alpes Économiques en février 1930 : « Métaux précieux et chercheurs de fortune en Haut Dauphiné ».
3) A. Allix (Alpes Économiques, février 1930) et Héricart de Thury. Fonds Dauphinois, O 3757, p. 113.

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