Légende « Les petites Gens des Fréaux »

Nouveaux Voyages en zigzag, par Rodolphe Töpffer, Éditions Lecou, Paris 1854.

LÉGENDE « LES PETITES GENS DES FRÉAUX »
Texte publié dans La Meije No 138, avril 1965.

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Cette vieille légende nous ramène en des temps bien reculés de notre histoire régionale, peut-être le haut Moyen Âge… Il y a eu dans nos pays autrefois des gens de différentes civilisations qui vivaient aux mêmes époques dans le même pays et
qui, pourtant, étaient séparés les uns des, autres par leurs murs, leurs habitudes, leur degré de développement. Les uns avaient peut-être été vaincus par les autres et vivaient un peu sous leur dépendance, ou bien les uns avaient fait partie d’un peuple plus ancien que les autres ; moins évolué, par suite de circonstances diverse s’ils n’avaient pas su changer de manière de vivre et étaient pour ainsi dire refoulés dans des zones de second ordre. On rapporte dans des communes. voisines à Besse-, par exemple, qu’au Moyen Âge, alors que des gens habitaient déjà dans des villages, d’autres étaient encore nomades, habitant des cabanes dans la forêt et dans leur détresse, il était arrivé aux plus humbles de voler des enfants aux plus civilisés pour que ces derniers en grandissant chez eux, leur apprennent ce qui leur manquait !

À l’Adroit, derrière les Fréaux, il y avait autrefois un chemin qu’on appelait sentier du Peyronnet. Il menait jusqu’à un étroit replat dans la montagne où étaient venus se nicher deux ou trois misérables chaumières qui étaient habitées par des personnes qu’on appelait les « Petites Gens ».
Ceux qui les ont connus se rappelaient qu’ils étaient petits de taille, plus petits que les hommes ordinaires, ils avaient des habits très grossiers et les hommes étaient bourrus, ils ne connaissaient pas l’usage du rasoir, les femmes ne se montraient pas souvent. Les Petites Gens ne savaient pas allumer le feu, et quand ils n’avaient plus du tout de braise ils envoyaient l’un des leurs aux Fréaux pour ramener de la braise chaude dans un Tupin, petit pot en terre.
Le Petit Homme descendait son pot à la main et arrivé au-dessus des Fréaux il attendit de voir fumer la cheminée où il avait l’habitude d’aller demander du feu, il surveillait le départ de l’homme pour rentrer dans la maison, et la femme toujours bonne allant à son âtre, lui sortait quelques morceaux de braises incandescentes de son échaudoir, là où elle faisait couver les feux. Quelquefois même, en cachette, elle lui donnait une « broche », petite lamelle de bois de saule qui, trempée dans le souffre s’enflammait au contact de la braise. Tout joyeux, le petit homme remontait dans sa chaumière, à travers le pot, la chaleur lui brûlait les mains.
Quelquefois, le soir, trouvant le temps long pendant les longues veillées d’hiver, le petit hommes descendait aux Fréaux et quand la femme se trouvait seule, son mari allait veiller chez des voisins, sans faire de bruit, il rentrait dans la maison et s’asseyait sur le rebord de l’âtre, c’était tout son plaisir de regarder filer la laine. Les gestes rapides, précis et fins de la femme, rythme de la pédale et de la roue qui tournait, la laine qui sortait fine et régulière, tout cela l’enchantait, ce n’est pas chez lui qu’on voyait travailler de la sorte.
Avant qu’il ne soit trop tard avec juste un timide bonsoir il partait avant que ne rentre le maître de maison. Quand ce dernier arrivait sa femme lui disait, tiens, ce soir encore est venu le « Petite Gens »…
J’aurais bien voulu le voir, répondait-il… Mais quand l’homme était là, il n’entrait jamais !
Afin de le mieux connaître et de pouvoir le contempler à l’aise, car ils étaient bien mystérieux ces Petites Gens, l’homme et la femme décidèrent un jour de lui tendre un piège.
Quelque temps plus tard, un soir, l’homme dit à la femme : « Donne-moi tes habits, je te donnerai les miens. Toi tu iras veiller chez le voisin, moi je resterai ici et je ferai semblant de filer. Ce sera bien le Diable si je ne peux pas le voir ! » Ils échangèrent leurs habits, l’homme se couvrit la tête d’un morceau de toile et la femme en pantalon, alla veiller chez les voisins. Sans bruit, devant son rouet, à la faible lueur de la lampe à huile, l’homme fit semblant de se mettre au travail. Au bout d’un moment il entendit un petit bruit à la croisée et devina l’approche du Petite Gens qui venait regarder avant d’entrer, sans, tourner la tête, le visage baissé il appuyait sur la pédale. Le Petite Gens rentra et s’assit comme d’habitude. Mais tout de suite il vit que celle qui était au rouet n’était pas la même que d’habitude, quelques coups d’oeil en coulisse avaient aussi révéler un regard inconnu.
L’habileté était loin d’être comparable ! Même certain coup il n’arrivait pas à passer le fil dans le trou de la broche. « Le Petite Gens » d’habitude si timide, se voyant jouer, dit d’un seul coup « Filons – Filoche mais jamais n’encoche » et debout, en un clin d’œil il sortit dans la nuit noire.
Il ne revint jamais plus.

Vieux souvenir d’autrefois raconté par Madame Anaïs BAPTISTE.

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