Murs de pierres sèches

MURS DE PIERRES SÈCHES
Un article proposé par Philippe Raybaudi

Ceux qui connaissent l’ancien Four banal de Puy-le-Haut et qui se rappelle dans quel état il était resté depuis 1974 – à la suite de précédents travaux d’agrandissement plus ou moins réussis (!) – savent combien je suis attentif à tout ce qui touche au Patrimoine. Ils apprécieront, je l’espère, la réhabilitation que je tente de réaliser sur cette bâtisse (qui n’était pas à l’origine destinée à l’habitation) et qui doit finalement aboutir à un mélange le plus harmonieux possible entre les techniques de construction modernes, les matériaux utilisés de tout temps dans le Massif de l’Oisans et les impératifs « ergonomiques » et économiques d’une résidence principale actuelle.
Lorsque je pense à Patrimoine, je ne m’arrête pas uniquement au bâtit plus ou moins ancien (bien que le propos de cet article concerne la construction ou la restauration des murs en pierres sèches), mais je reste plus particulièrement attentif aux modes de vie qui, aussi loin que nous puissions remonter dans l’histoire de ce massif, se sont attachés à permettre la subsistance dans un milieux naturel hostile et économiquement pauvre. 

C’est donc plus précisément le patrimoine socioculturel – d’un point de vue ethnologique – qui m’intéresse et moins l’aspect purement technique et architectural ; mais tout cela est intimement lié. En effet, les techniques anciennes de construction laissent les traces de leur usage et offrent – à celui qui se donne la peine de chercher et d’observer – les moyens de comprendre comment nos ancêtres transformaient leur environnement pour le rendre moins pénible à vivre.

Je ne prône nullement le retour en arrière car je reste persuadé que si nos anciens avaient pu utiliser les outils et les matériaux modernes dont nous disposons aujourd’hui, ils ne s’en seraient sûrement pas privé, ne serait ce que pour se faciliter l’existence. Je souhaite seulement garder une certaine continuité, un fil conducteur, entre l’histoire de notre village et de ceux qui l’ont construit, au fil du temps, et l’époque où nous vivons. Cette relation entre le passé et le présent permet de garder certaines des choses, des idées, des modes de vie qui contribue à poursuivre l’Histoire de notre pays afin que ces traces qui ont traversées les époques, ne disparaissent pas définitivement et continuent à toucher les générations futures.
C’est donc à l’expérience de la restauration des murs de pierres aux alentours de l’ancien Four banal du hameau de Puy-le-Haut et avec l’aide précieuse de nombreuses informations glanées sur Internet que je vous propose cet article sur la construction de murs en pierres sèches.
Outre l’aspect esthétique indéniable par rapport à un grillage, un mur de parpaings ou autres matériaux plus ou moins disgracieux rencontrés ça et là, il est reconnu que ces murs participent à la survie d’espèces végétales et animales qui y trouvent refuge.
Une autre possibilité, plus simple à mettre en œuvre et moins « gourmande » en volume de pierres consiste à construire une âme de mur en parpaings et/ou béton et à l’habiller ensuite avec ces mêmes pierres : l’aspect est pratiquement comparable à celui d’un mur de pierres sèches pour peu que l’on y laisse des joints bien saillants. J’ai testé cette solution sur les murs de la terrasse couverte que j’ai construit devant le Four de Puy-le-Haut et le résultat semble satisfaisant au regard de l’ensemble.

La construction de murs en pierres sèches

Fondations :
Les fondations auront une largueur d’environ 75 centimètres. Vous les édifierez par tronçons de dix mètres au maximum. Placez le gabarit en « A » au début du mur et ancrez le fermement dans le sol, le gabarit correspond à l’aspect qu’aura le mur une fois restauré. Plantez, à une distance de 5 mètres au maximum, deux fers à béton reproduisant le profil du gabarit en « A ». Tendez deux cordeaux-guides entre le cadre et les fers de part et d’autre du mur, à une quinzaine de centimètres de hauteur. Si le mur se trouve sur terrain mou il faut retirer l’herbe et l’humus sur une profondeur d’environ 15 centimètres. Le mur aura une assise plus stable.

La largeur des fondations dépassera celle de la base du mur de 5 centimètres de chaque côté. Ceci réduira l’effet de tassement du mur. N’utilisez pas de petites pierres, la pression les enfoncerait excessivement dans le terrain, un mélange de grandes et de petites pierres constituerait une assise instable. Choisissez des pierres de même épaisseur et placez les de façon que cette première couche soit aussi horizontale que possible. Calez et stabilisez chaque pierre. Testez vos fondations en marchant dessus : aucun bloc ne doit bouger.

Les fondations sont prêtes. Tous les vides ont été remplis de cailloutis.

Première couches du mur :
Lorsque les fondations sont prêtes, détachez les cordeaux-guides et fixez les une quinzaine de centimètres plus haut. N’oubliez pas de contrôler régulièrement qu’ils sont toujours parfaitement tendus, afin de respecter le profil du mur.

Respectez les règles élémentaires suivantes :
– Evitez que les interstices séparant les pierres ne se trouvent superposés s’une couche à l’autre; il faut alterner l’emplacement des pierres pour éviter l’apparition de longues fissures verticales. Rappelez vous le principe « une pierre sur un interstice, un interstice sur une pierre ». Les fissures verticales sont des points faibles où le mur va commercer à tomber.

Bon exemple : Les pierres doivent être disposées transversalement

– Disposez les pierres transversalement (leur plus long coté à l’intérieur du mur) sinon elles auront tendance à sortir du mur.

– Veillez à ce que la face externe de la pierre suive le gabarit. Les parois du mur seront assez régulières, et le fruit (inclinaison de la face du mur) apparaîtra presque de lui-même.

– Elevez le mur couche après couche. Dès que les pierres atteignent la hauteur des cordeaux-guides, montez ceux-ci d’une quinzaine de centimètres et ainsi de suite jusqu’à atteindre la hauteur désirée.


Mauvais exemple : Les pierres pénètrent insuffisamment dans le mur.
Avec le temps elles tomberont.

– Chaque pierre sera soigneusement mise en place et immobilisée avant de passer à la pierre suivante. Il faut disposer les pierres méthodiquement l’une après l’autre : ne laissez pas d’espace libre parce que la pierre que vous avez dans les mains peut être placée de manière optimale un peu plus loin sur le mur. Ce vide serait ensuite très difficile à combler.
Réservez les grosses pierres pour les couches inférieures. Plus haut, le mur sera trop étroit, et elles risquent d’empiéter sur l’autre pan du mur, qui ne pourra pas être construit correctement.

Bon exemple (1) :
Les grandes pierres sont logiquement placées dans les couches inférieures.

Mauvais exemple (2) : Les pierres de la partie supérieures

sont trop grosses. Elles empiètent sur l’autre pan du mur.

– Comblez l’intérieur du mur avec le cailloutis au fur et à mesure de l’avancement de la construction. Ne remettez pas ce travail à plus tard.
– Erigez les deux pans en parallèle en les maintenant toujours à une hauteur comparable.

Pierres de liaison :
Les pierres de liaison, également appelées boutisses,
sont capitales pour la stabilité du mur. Elles en relient les deux pans, empêchant l’ouvrage de se disloquer.
Le meilleur emplacement pour les pierres de liaisons est à 40 ~ 50 centimètres au-dessus de la base du mur, soit à mi-hauteur environ entre les fondations et les pierres de couverture. La longueur de cette pierre de liaison est idéale, elle déborde du mur de quelques centimètres de chaque côté.
Une seconde couche de pierres de liaison, 50 centimètres au-dessus de la première, est indispensable pour tout mur dépassant 1,4 mètres de hauteur.
Une pierre de liaison de longueur optimale débordera d’environ 5 centimètres de chaque côté du mur ; ainsi, elle continuera à remplir parfaitement sa fonction quand le mur se tassera et s’élargira au fil des ans.
Les pierres de liaison sont placées à intervalles réguliers.

Le cordeau est tendu, on peut disposer les pierres de couverture

Lorsque ce contrôle est concluant vous pouvez commencer à poser les pierres de couvertures. Veillez à ce qu’elles soient quasiment verticales et qu’elles frôlent la corde. Le mur aura ainsi un aspect esthétique irréprochable. Si des pierres sont trop basses, vous pouvez mettre une pierre plate en dessous…

Les pierres de couverture sont d’une grande importance pour la stabilité du mur.
Elles doivent être parfaitement stables.
Il vaut donc la peine de les façonner, ceci est aussi pour des raisons esthétiques.


Bons exemples

mauvais exemples

On peut ensuite coincer des cales entre les pierres de couverture.
Ces coins doivent être enfoncés avec force, aussi profondément que possible entre les pierres. Prévoyez-en suffisamment, car il est fréquent de les voir se briser.
Attention : ne placez pas de cales le long du premier et du dernier mètre de mur, sous peine de voir ces extrémités se disloquer.

Finalement, vérifiez que chaque pierre de couverture est bien bloquée. Pour ce faire, le plus simple est de marcher sur le mur.

Un mur de pierres sèches doit être entretenu.

Les parties endommagées doivent être immédiatement réparées.

Extrémités des murs


Vous serez fréquemment confrontés à la construction de l’extrémité d’un mur. Elle sera bâtie en même temps que le tronçon attenant et aura le même profil que le reste du mur. Elle devra être construite avec de grandes pierres régulières, à sélectionner d’emblée.

La première pierre ou les deux premières pierres de l’extrémité seront si possible aussi larges que le mur lui-même et seront posées transversalement ; là ou les pierres de la couche suivante seront posée(s) selon l’axe longitudinal, pénétrant donc dans le mur, et ainsi de suite, couche après couche. Il est indispensable qu’une couche de pierres sur deux pénètre dans le mur, pour éviter que l’extrémité ne se désolidarise du corps du mur au fil du temps.

Les angles

Les angles relient deux tronçons de murs rectilignes. Leur construction est plus délicate que celle des extrémités, il s’agit en effet de respecter non seulement l’angle mais aussi le gabarit du mur. Il faut donc travailler précisément d’après les cordeaux-guides.

Placer, au-dessus des marches, de lourdes pierres faisant office de contrepoids.

Les passages

Pour permettre de franchir un mur, il est aussi possible d’y créer une ouverture. On construit alors deux extrémités vis à vis, ménageant une brèche juste suffisante pour l’homme. Il existe divers types de passages, variant en fonction du bétail. Les plus connus sont les passages ouverts en « V » et en « U » ou encore les passages avec un seuil surélevé.

On appliquera à ces couvertures la technique de construction des extrémités de mur, en veillant à une grande solidité de l’ouvrage, qui sera particulièrement sollicité.
Une brèche permet le franchissement du mur. Le passage peut être aménagé de diverses manières.

Autre possibilité : un passage bordé par deux montants de pierre.

La réfection de murs endommagés permet d’acquérir de l’expérience. Les tronçons intacts serviront de référence. On utilisera le cordeau-guide, fixé au mur existant de part et d’autre du tronçon endommagé.

Tirez d’abord les pierres tombées au sol. Démontez ensuite complètement la partie.

La réparation ne peut commencer que lorsque le tronçon endommagé a été entièrement démonté.

La construction se poursuit, toujours sous forme de couches décalées. Leur longueur variera en fonction de la pente. Les pierres de couvertures seront placées en commençant par le haut. On limitera ainsi le risque d’effet domino : la chute de pierres de couverture en bas de la pente n’entraînera pas le basculement de toutes celles situées plus haut.
Même sur une pente, le mur est construit en couches horizontales.

Chantier prêt pour la construction d’un mur de soutènement

Le remplissage

Le pan interne du mur sera également construit avec de grosses pierres.
L’espace subsistant entre ce pan et le terrain en pente sera rempli d’un cailloutis fait de pierres de petite et moyenne grandeur. Cette couche de cailloutis joue un rôle de drainage essentiel. Si le sol est un peu  perméable vous pouvez insérer un tuyau de drainage dans la partie inférieure du cailloutis, qui évacuera l’eau à l’extérieur du mur.
Mur de soutènement muni d’un tuyau de drainage. L’eau doit pouvoir s’écouler librement d’un mur de soutènement.

Les pierres de liaison sont également nécessaires pour les murs de soutènement.
Une couche doit être prévue tous les 50 centimètres.

Pierres de couverture

Le faîte différera selon la région et la fonction du mur. Vous pouvez placer de grandes pierres plates, à niveau avec le terrain côté amont. Il est aussi possible d’aligner des pierres posées sur la tranche.
Choisissez dans tous les cas de grosses pierres pesantes, permettant de marcher sans problème au sommet du mur. Bloquez les parfaitement. Mur de soutènement achevé, avec les pierres de couverture posées à plat.

Lorsque vous aurez terminé de placer les pierres,
vous pouvez remplir l’arrière du mur avec les déblais.

Le calage

Pour une fois, ce travail n’est pas nécessaire. Au contraire, les grands et petits interstices qui subsistent permettent l’écoulement de l’eau. La stabilité du mur doit donc être assurée sans cales supplémentaires.
Mur de soutènement achevé avec les pierres de couverture posées sur la tranche.

Philippe Raybaudi

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