1729 CHANVRE ET TOILES EN OISANS
Publication 1925 : Archives de l’Isère, II C97 No 4
Les plus nombreux artifices du Moyen Âge sont en Oisans, les battoirs à chanvre, les « gauchoirs » et les moulins à foulon. Il n’en reste plus aujourd’hui que des noms de lieux dont le sens est oublié. Ce pays a fabriqué longtemps ses toiles de chanvre ses draperies rustiques ; il en a même certainement vendu au-dehors, c’est une des origines de l’ancien colportage. Presque chaque village avait jadis ses filateurs et tisserands de toiles et de lainages, chacun dans sa maison, occupant à cette industrie ses heures perdues et surtout ses loisirs d’hiver. Le lainage a cessé de vivre de très bonne heure, depuis que Briançon et Entraigues ont vu leur drapier paysan devenir manufacturiers, et travailler de façon pour toutes les montagnes. On n’en a gardé mémoire qu’à Besse, où les derniers fabricants de drap sont morts il y a quelque quarante ans. La toile de chanvre a vécu plus longtemps ; un ou deux tisserands battaient encore le métier à Vaujany, à Gavet, à Allemont, à Mizoën, à Oz, à Besse même, il n’y a guère plus d’un quart de siècle ; ils se sont arrêtés quand le chanvre a disparu des champs.
Le développement manufacturier ne s’est guère esquissé ici qu’autour de Bourg-d’Oisans. En 1434, cette bourgade possède un marchand drapier ; en 1700, elle en a quatre. Mais ce ne sont que des détaillants. Ils rassemblent et vendent probablement la production rurale des environs ; ils s’approvisionnent aussi à Grenoble et à Romans. En 1729, il y a au Bourg même un maître chapelier qui travaille l’« agnelin » ou laine foulée du pays et vends dans tout le Dauphiné, bon an mal an, 60 douzaines de chapeaux communs ; un teinturier qui « ne travaille que pour les particuliers » et ne teint qu’en « café, marron, cannelle et musc », avec du brou de noix délayé ; et une manufacture de toiles de chanvre, qui occupe 22 fileuses, 10 tisserands, vend dans tout le Dauphiné ; c’est une entreprise modeste, on en trouve l’équivalent alors dans presque tous les chefs-lieux de canton dauphinois. Mais aux environs du Bourg se trouvent nombre de foulons, notamment trois aux Gauchoirs, qui méritent encore leur nom. Plus tard, la fabrique du Bourg est devenue une assez grosse affaire de textiles, la deuxième de son genre, en importance, dans toute l’élection de Grenoble. Passée surtout à la laine, elle occupe maintenant 32 cardeurs et fileurs de laine, 5 peigneurs de chanvre, 69 fileuses de laine, chanvre et filoselle, 17 « fabricants » et tisserands, 1 teinturier ; elle vend depuis le Moyen Âge, le drap fabriqué dans les montagnes ; « grosse étoffe croisée à l’usage du paysan, chaîne et trame de foulon sont les pilons ou marteaux qui frappent le haut en bas perpendiculairement sur une pierre, sur des planches, sur la terre. Ces tissus « servent aux paysans pour les habiller, et aussi pour les capotes des sentinelles ». On fait aussi des « Serges sur fil (tissu léger à motifs à côtes obliques, en laine, sec et serré) », dans les petits ateliers familiaux ; « les fabricants en font plus pour l’usage des particuliers qui leur fournissent la matière, que pour leur propre compte ».
Dès la fin du XVIIIe siècle, ce centre industriel est infime, en comparaison de ceux qui se sont développés, pour les serges et sardis (étoffe de laine grossière dont s’habillent les habitants de Briançon) dans l’élection de Gap et surtout autour de Briançon, pour les toiles de chambre autour de Voirons, Grenoble et Mens, et aussi à Saint-Jean-de-Bournay, productrice de la « toile à voile » dont elle recevra son baptême révolutionnaire. Aussi la draperie du Bourg-d’Oisans ne survit-elle pas à la révolution.
Le recensement industriel de l’an IX (1800 et 1801) ne trouve plus en Oisans que les fabricants de toile à domicile, dont presque tous « s’adonnent à la filature dans l’hiver », avec les rouets donnés par l’intendant Case de la Bove, et dont les principaux sont alors autour du Freney.