1878 : Étude sur la romaine de l’Oisans (XI)

1878 : ÉTUDE SUR LA VOIE ROMAINE DE L’OISANS (Partie XI)
Remerciement à M. Alain Pellorce qui nous a confié ce document.

Onzième et dernière partie du document découvert dans une maison de Clavans

Dernier chapitre où il est question du passage de la voie « spéciale » de Brandes, d’une hypothèse sur l’origine du nom d’Huez, « porte ; grande porte ; entrée », mais aussi de Venosc, ses richesses, ses communications avec St Christophe, son château (pas celui de la Muzelle) et son aqueduc…

VOIE DE BRANDES A LA GARDE
L’embranchement fourni par la voie secondaire, à son entrée sur le plateau de Brandes, marchait directement de là vers l’établissement métallurgique, qui était son but exclusif. Après l’avoir desservi, il quittait l’établissement par une voie de 8 à 9 M. de largeur et se dirigeait à l’Ouest, jusqu’à l’extrémité du plateau, à l’endroit où sont actuellement les chalets de l’Alpe d’Huez. Arrivée là, après qu’un chemin de communication s’était détaché d’elle pour aller rejoindre au nord la voie secondaire la voie de Brandes opérait sa descente à l’Ouest vers Huez, au moyen de lacets ou circuits. Elle continuait à descendre de la même manière au delà de cette localité, en passant sous les rochers de ST FERREOL, puis, un peu plus loin, au-dessus des cascatelles qui tombent près du chemin actuel, et en revenant sur la ligne de traverse qu’il suit aujourd’hui. Marchant encore à l’ouest, elle passait le couloir rocheux qui est en face, se dirigeait sur la colline voisine, descendait en contours sur ses terres jusqu’à la forteresse de CATORISSIUM, ou les CHATEAUX, et de là faisait bientôt sa jonction avec la voie principale. Les traces subsistantes de cette voie se retrouvent un peu partout dans le parcours de Brandes à la Garde, sur la montagne, elles sont très reconnaissables, surtout près des ruines de Brandes. On les aperçoit, à la descente, au-dessus d’Huez, et au-dessous de Saint FERREOL, sur les côtés de parcelles de terres ou le sol parait encore avoir été foulé, et sur la partie horizontale du chemin actuel marchant vers le couloir. Là, un sentier marque son ancienne place, ainsi que sur les terres où il descend. Elles se montrent encore plus bas près du village du Ribot, où elles contournent la colline avec le sentier qui conduit aux Châteaux.
Cette dernière voie parait avoir été uniquement établie de CATORISSIUM à BRANDES pour le service général des exploitations. Ainsi le font présumer sa largeur de 9 M. et la solidité particulière de sa construction, sur la montagne et aux abords de Brandes, où elle était pavée en blocs de pierre posés de champ, dont on peut voir aujourd’hui quelques restes cachés sous le gazon. L’importance de l’établissement pour l’industrie, le commerce et la surveillance militaire, sa population nombreuse et complexe, peuvent faire juger de la multiplicité des transports de toute espèce, qui devaient y avoir lieu et de la nécessité d’une voie spéciale, à cet effet. Déposé à CATORISSIUM par la Voie principale, tout ce matériel «était transféré à BRANDES par la Voie annexe, et celle-ci recevait à la descente tous les transports de minerais envoyés aux usines de fusion de la vallée et d’ailleurs. La largeur des 3 chemins aboutissants à l’établissement à l’est, à l’ouest; et au nord, est un indice de l’activité considérable qu’il faisait rayonner autour de lui.
Le nom du village d’Huez, qui traversait la voie de Brandes, a excité la curiosité des philologues. Si on le fait provenir d’un radical celtique qui, d’après les savants, indique toute position élevée, ce nom sera le signe d’une antiquité préhistorique pour cette localité. Son passé se rattacherait à celle du druidisme de la contrée, que l’on a vu avec assez de fondement, faire du bassin du lac Blanc une enceinte propice pour les cérémonies de son culte. L’idiome des communes environnantes désigne Huez par mot HUIS, vieille expression de notre langue qui est « porte ».
Ce nom, qui parait dériver du mot latin Ostiis, expliquerait la relation  que ce lieu parait avoir eue avec la voie annexe des Brandes. A Huez se serait trouvée « la grande de porte », c’est-à-dire l’entrée principale qui conduisait à l’établissement de Brandes. Cette entrée combinée avec les postes de garde de Cluys et Poutram, complétait le système de vaste surveillance exigé par le pénitencier de Brandes sur le personnel, très nombreux peut être de ses condamnés. Le nom primitif d’Huez selon quelques étymologistes, ainsi que ceux de Mizoën et d’Oz, modifié, tel qu’il se prononce aujourd’hui, par les envahisseurs sarrasins qui, au dixième siècle, étaient venus imposés leur joug à ces localités.  

Lorsque les Romains eurent pris possession du pays des Uceni, leur domination ne se borna pas aux localités parcourues par la Voie. Toutes les bourgades existant en dehors eurent aussi à subir leurs droits de conquêtes. Mais sur toutes également ils répandirent les bienfaits du commerce et de la civilisation. Parmi ces bourgades, Venosc parait avoir particulièrement fixé leurs regards. Un sol fertile, des montagnes riches en pâturages ; des mines dans ses roches étaient autant de titres d’intérêt pour eux. Au delà de cette localité, les vallées profondes de St Christophe peuplées par une population nombreuse, leurs pâturages immenses, les richesses métalliques de leurs roches, faisaient de la vallée du Vénéon tout entière une partie importante de la conquête Ucénienne. Ils facilitèrent les communications entre Venosc et ST Christophe, en construisant sur le torrent de cette vallée, un pont d’une dimension superbe, si l’on en juge par un reste de très vieille arcade, d’une solidité toute romaine, que l’on voit encore, un peu au-dessus du pont actuel du Bourdaru. A cette arcade on donne le nom de Pont Vieil, mais telle est son antiquité, que la tradition du pays a tout oublié à l’égard du pont dont elle est le reste. C’est près de là que fut trouvée, en 1839, une des tombes antiques dont nous avons parlé.
A l’entrée du bassin de Venosc, sur le rocher appelé des Étroits qui semble en garder l’accès, on remarque d’anciennes ruines, débris apparents de quelque importante construction tombée, et avec elles certains autres vestiges qui paraissent en dépendre. Ces ruines sont situées sur la plate forme d’un rocher de 100 M2 environ de surface. Le monticule, vu à distance, présente la forme d’une tête,  et les ruines qu’il supporte étant celles d’un vieux château, on appelle le rocher et ses ruines la TETE DU CHATEAU. Ces ruines, qu’on a voulu attribuer à une construction romaine,  paraissent être celles de quelque habitation féodale du moyen âge, bien postérieure aux Romains. Elles ont conservé le nom de château, et ce nom indique assez une origine de ce genre. L’habitation qu’elles représentent parait avoir été une ancienne propriété delphinale. On sait que les Dauphins possédaient à Venosc des domaines particuliers, et que des mines de plomb argentifère étaient exploitées pour leur compte dans les environs vers l’an 1220. La gestion de ces domaines et la direction des mines étaient confiées à un gardien spécial, dont la résidence était au château du rocher de la Tête. L’emplacement était très favorable pour une surveillance de ce genre sur la vallée que le rocher par sa position semble couper en 2 et le château pouvait être rendu, comme tous ceux de la féodalité en quelque sorte inaccessible, puisque le rocher est isolé du reste de la montagne.  Une telle habitation devait être propre à recevoir au besoin les maîtres de ces domaines. De là le nom de château qu’elle portait et qui est resté au rocher sur lequel on observe ses ruines.
Sur le même rocher, et tout autour de ces ruines, on remarque des excavations taillées dans le roc, en assez grand nombre, les unes apparentes et libres, les autres comblées avec des pierres. Leur dimension varie de un à plusieurs mètres de largeur et de  profondeur. L’usage de chacun de ces petits bassins est resté jusqu’ici inexpliqué. Pourtant, si l’on considère que le château se trouvait sur un rocher, séparé par une intersection assez profonde de la montagne dont il fait partie, il sera facile de juger qu’aucune source ne pouvait exister à sa surface, et que , pour les besoins de l’habitation, un canal aqueduc devait avoir été chargé d’y amener l’eau d’une source du village voisin. Ces excavations tout au moins les plus grandes, auraient été disposées là comme des réservoirs, destinés à recevoir l’eau de l’aqueduc et à la conserver selon l’aménagement nécessaire au service du château. Mais tous ces appendices de l’habitation delphinale, aussi bien que le château sont absolument étrangers à l’occupation romaine et l’imagination seule pourrait revendiquer leurs ruines comme une de ses dépendances.

Ailleurs dans la contrée les Romains ont pu faire exploiter des mines comme à Ornon et à Oulle où la minéralogie a reconnu de vieilles traces d’exploitation mais ils n’ont laissé pas plus à Ornon qu’à Oulle aucune espèce de trace de leur passage.
A Clavans, d’anciennes exploitations ont été également constatées sur la pente Sud des Grandes Rousses ;  il existe même le long de cette pente un vieux chemin, assez large pavé en quelques endroits de larges dalles et qui venait par le col et la combe de Sarène se joindre à la voie secondaire à son passage sur le bassin du Gua. Rien n’indique que ce chemin soit de l’époque romaine. Si les exploitations auxquelles il servait ont été l’ouvrage des Dauphins, on peut supposer qu’ici comme ailleurs ce n’est que sur des travaux anciens qu’elles ont été reprises et que le chemin n’a pas été créé par eux, mais seulement rétabli pour leur usage.

GRENOBLE , Typographie et Lithographie de MAISONVILLE & FILS
rue du Quai 8
par J. H. R.   –  D. M  1878

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