ÉLARGISSEMENT DU TUNNEL DE L’INFERNET EN 1916-1917
Je remercie Marthe, qui a eu la gentillesse de me prêter cette superbe photo, ainsi que pour son autorisation à la partager sur internet.
Première publication 29 août 2012, mise à jour le 31 mars 2024
Certaines images véhiculent une telle atmosphère, qu’elles semblent raconter, sans un mot, un pan de notre histoire.
À la fin du XVIIIe siècle, les ingénieurs Joseph DAUSSE et Pierre ROLLAND terminent leur rapport sur les améliorations et modifications à apporter au tracé de la Petite Route de l’Oisans, rapport qu’ils remettent à Joseph FOURIER, mathématicien et Préfet de l’Isère à cette époque. Ce dernier, organisera un peu plus tard, une visite sur la Petite Route, accompagné par le botaniste Dominique VILLARS, qui connait bien l’Oisans car il y a mené en partie ses recherches, et de l’homme politique Vizillois, Jean-Paul DIDIER.
Le Préfet FOURIER fera du projet d’aménagement de la Petite Route une de ses priorités, et, en 1804, les premiers travaux seront lancés sur la partie basse, à l’aval du hameau de La Rivoire. On fera alors appel à l’ingénieur Grégoire Anselme PERRIN, secondé de M. AMORI, puis M. POLONCEAU. Les travaux du percement du tunnel de l’Infernet se déroulèrent entre fin 1807 et 1808. Entre 300 et 400 ouvriers travaillèrent pour réaliser cette galerie. Les mémoires de Grégoire Anselme PERRIN* racontent cette épopée avec force et grandiloquence.
Au début du XXe siècle, la route voit de nouveaux aménagements, dont une rehausse de 5 m, par rapport à son ancien tracé qui traversait le village du Freney. Pour cette modification, le tunnel sera élargi et sa pente redressée. C’est lors de ces travaux que cette photo a été prise, sans doute vers 1916-1917. En bas à droite, l’homme moustachu, qui tient la broche du marteau-piqueur est M. Maurice VAYR. Le bel et fier Italien venu de Suze épousera la même année Melle Marie, Julie, Amélie REY que beaucoup reconnaîtront sous le nom de « La Mélie », notre centenaire, maman de Marthe Mortemousque, qui a eu la gentillesse de me prêter cette photo.
La route connue encore d’autres modifications entre 1928 et 1936, avec la construction du Barrage du Chambon.
Quant au tunnel de l’Infernet, durant les années de 1995 à 1998, il subit un gros « lifting » avec un nouvel élargissement, un éclairage partiel et une couverture intérieure bétonnée faisant disparaître les infiltrations qui formaient de grosses gouttes qui s’écrasaient sur le pare-brise des véhicules qui le traversaient.
Extrait du Guide aux eaux minérales du département de l’Isère et aux Alpes dauphinoises, du Docteur Paul Hervier, édité en 1861 peu de temps après l’ouverture du Tunnel des Commères, dernier tunnel percé (1837/1840) sur cette portion de route de la Haute Romanche. Cet extrait décrit la route de la sortie du Bourg-d’Oisans à La Grave ainsi que tous les tunnels traversés.
Vallée supérieure de la Romanche.
Au sortir du Bourg-d’Oisans la route s’infléchit au nord-est, traverse la Romanche, puis remonte le long de la rive droite jusqu’au pont Saint-Guillerme, qu’elle franchit pour repasser sur la rive gauche (5 kilom.).
C’est ici que commence la montée nommée Rampe des Commères. On entre dans un ravin étroit et profond. À ce défilé succèdent les coteaux de la Rivoire et du Garcin, dominés par les collines verdoyantes du Travers. On traverse une première galerie, puis on aperçoit l’entrée d’un second tunnel nommé l’Infernet, qu’on a creusé dans le roc, au milieu d’un ravin sauvage et désolé. On ne peut se défendre d’un sentiment de terreur lorsqu’on jette les yeux dans le gouffre au fond duquel la Romanche se précipite avec un bruit formidable.
À cent cinquante mètres au-dessus de la galerie de l’Infernet, on peut voir les restes d’une voie romaine haute de trois mètres jusqu’à la naissance de la voûte. Pour aller la voir de près, il faut quitter la route à six cents mètres environ avant l’entrée de la galerie de l’Infernet, et monter par un sentier qui conduit au village de Bons.
La galerie de l’Infernet a cent quarante mètres de longueur et huit mètres d’ouverture. Quatre larges percées en éclairent l’intérieur.
Au sortir du tunnel s’ouvre le pittoresque bassin du Freney, après lequel la route s’engage dans un défilé étroit et profond.
La Romanche reçoit, sur la rive droite, le Furan (Férand), qui naît dans les glaciers du revers oriental des Grandes-Rousses et traverse les communes de Clavans et de Mizoën. On s’engage dans un troisième tunnel, long de quarante mètres, pour arriver dans le vallon du Chambon. Ici, plus de rochers abrupts, plus de précipices effrayants, La Romanche coule paisiblement sur un lit égal. Des coteaux couverts de bouleaux, d’aulnes, et de cultures variées reposent agréablement la vue après les sites désolés qu’on a parcourus. Un chemin à droite conduit au Mont-de-Lans.
La route traverse le village du Dauphin, fondé par Humbert Ier, puis franchit un pont en pierre jeté sur la Romanche, dont on suivra la rive droite jusqu’au pied du Lautaret. À peu de distance du Dauphin commence la combe de Malaval, sombre et désolée. De distance en distance apparaît quelque verte oasis. À deux kilomètres du Dauphin on aperçoit, sur la rive gauche, un grand bâtiment ; c’est l’ancien hospice de Loche, fondé par Humbert II. Plus loin, sur la rive droite, apparaissent la cascade et le torrent du Rif-Tors, qui forme la limite des départements de l’Isère et des Hautes-Alpes. À trois kilomètres de là on voit, sur la rive gauche du torrent, quelques misérables cabanes adossées contre d’énormes blocs de rochers.
Un kilomètre plus loin, après la Maison-Neuve, la gorge s’élargit, la végétation reparaît; la roule s’engage sous une nouvelle galerie de soixante-dix mètres de longueur, au sortir de laquelle on aperçoit les bâtiments de l’usine du Grand-Clos, où l’on bocarde les minerais de plomb argentifère extraits des montagnes voisines, et qu’on envoie ensuite à la fonderie d’Allemont. Bientôt on arrive en face de la cascade des Fraux (Fréaux), formée par une belle gerbe qui, tombant d’une hauteur de cent mètres, s’éparpille en poussière que le vent disperse dans tous les sens, en présentant les accidents de lumière du prisme et de l’arc-en-ciel.
Pendant un quart d’heure on gravit une rampe; puis, tout à coup, apparaît, assis pittoresquement sur un monticule isolé que domine le clocher de l’église, le village de La Grave (1,516 mètres), situé au pied de vastes glaciers qu’on aperçoit au midi.
Après La Grave, la roule traverse un tunnel de deux cent quatre-vingts mètres de longueur, franchit le ruisseau de Morian sur un pont de quarante-cinq mètres d’ouverture, s’engage sous une nouvelle galerie de cinq cent soixante mètres, dite des Ardoisières, arrive au village de Villard-d’Arène et s’élève, par une pente
habilement ménagée, au col du Lautaret (2,098 mètres), entouré de belles prairies et dominé au nord, par le Goléon (3,429 m.); au nord-est, par les Trois-Ellions (3,511 m.) (Trois Évêchés ?); à l’est, par le pic du Galibier ; au sud, par le Grand-Pelvoux (3,937 mètres).
Au-delà du Lautaret, on entre dans le Briançonnais par la vallée de la Guisanne, au centre de laquelle se trouve le Monestier.
Deux heures plus loin, on arrive à Briançon, situé à soixante-cinq kilomètres de Bourg-d’Oisans. Cette ville est bâtie sur un monticule élevé, au confluent de trois vallées : celle de la Guisanne au nord, celle qui descend du mont Genèvre à l’est, celle de la Durance au midi.
*Livre : 400 pages
Collection : Carnets de vie
aux éditions : La Fontaine de Siloé
isbn : 2-84206-200-0