Source Gallica : Journal Courrier de l’Isère
Date d’édition : 20 août 1883
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– Les lettres du Dauphiné, La Bérarde
Le goût pour les ascensions des montagnes a d’abord, on le comprend, gagné les professeurs célibataires ; mais il n’a pas tardé à pénétrer dans les ménages des professeurs mariés. J’ai rencontré un de ces messieurs qui en était arrivé à faire de l’alpinisme en famille. Mais cela n’était pas venu tout d’un coup. Le professeur marié ne songeait nullement à l’alpinisme. Pour sa première année de courses de montagnes, il avait été emmené par un professeur célibataire, grand amateur de ces excursions. L’amateur promena son copain sur tous les sommets de l’Oisans. Le copain revint enchanté, enthousiasmé, tellement et qu’il communiqua son enthousiasme à sa femme, et si bien que celle-ci voulut visiter l’Oisans aux vacances suivantes.
Cela fut fait. Notre professeur regravit, accompagné de madame, toutes les cimes de l’Oisans. Jugez si on en parla dans le ménage, durant l’année, de ces ascensions de ces « descensions ». Ce n’était que clapiers, que corniches, que cheminées, que à-pics, que alpenstocks, etc., etc., enfin, quoique, à Paris, on vivait dans la montagne. Le ménage avait une jeune fille de dix-sept ans, qui sortait du couvent. Elle entendit tout cela. Naturellement aux vacances, elle voulut être amenée dans l’Oisans.
Le ménage amena l’enfant et notre professeur re-regravit tous les sommets du massif d’Oisans. On était trois. Mais le ménage avait un fils. Il entra précisément à Saint-Cyr l’année d’après. Il était assez fort pour Les ascensions, libre aux vacances, on l’emmena. Pour la quatrième fois, le professeur grimpa les pics. On était quatre.
J’ai négligé de demander combien cet homme de chaire d’enseignement avait d’enfants.
Mais je suis persuadé qu’il les a tous conduits voir sa montagne annuelle. Sa première course date de dix ans. Peut-être le voit-on encore cette année, en ce moment, montrant l’Oisans à ses neveux. Si on le connaît dans la région ! vous pensez. On garde des chambres pour sa caravane et, chaque année, on ajoute un lit ; il doit en falloir onze de nos jours.