La guerre de l’eau en Oisans 2-5

Cliquez-moi !

Villard-Reculas par Hippolyte Müller, début du XXe siècle, Archives départementales de l’Isère

LA GUERRE DE L’EAU EN OISANS 2/5
Conflit entre Villard-Reculas et Huez 

Source : Archives André Glaudas :
Procès-Verbal mensuel du No 383 au No 385, avril, mai et juin 1968 de la Société Dauphinoise d’ethnologie et d’archéologie (2e trimestre 1968).

Sur le même sujet : 
– Canal Sarrasin, dispute entre Villard-Reculas et Huez
– 1450 Canal Sarrasin de Villard Reculas

NOTA: Retranscriptions issues des fonds d’archives de Villard-Reculas et d’Huez accessibles aux Archives Départementales de l’Isère. Graphie originale conservée.

LE CANAL DE VILLARD-RECULAS SOURCE DE DISPUTES
par Jean OGIER

Première partie 1/5 , deuxième partie 2/5

Il faudrait donc curer le fossé de temps en temps et surtout ne pas y envoyer plus d’eau qu’il n’en peut contenir. Mais voilà, « le citoyen Richard, propriétaire de la commune du Villard-Reculas, a fait construire un moulin à eau et pour faire jouer ledit artifice, ledit Richard met une trop grande quantité d’eau ».

Le maire affirme que les gens d’Huez « n’empêchent aucunement les habitants du Villard-Reculas de faire toutes les réparations nécessaires, en payant aux propriétaires de la commune d’Huez les dommages qu’ils feront dans leurs prairies ».

Il ajoute que « s’ils (les habitants du Villard) connaissent quelque personne qui « a interrompu l’eau, ils n’ont qu’à se pourvoir contre les délinquants… »

« Le maire d’Huez ne paraît pas content, il termine brusquement sa longue épître au préfet sur ces mots secs : Je vous salue. Signé : Girard.

Le 17 juin 1819, une nouvelle plainte de la municipalité de Villard-Reculas, signée par l’adjoint au maire, Richard, accuse le sieur Jacques Bellot, d’Huez, de détourner les eaux du canal. Il voudrait voir le maire d’Huez, Jacques Arnol, sévir contre Bellot. Et comme il s’y refuse, Richard s’adresse au Préfet Chopin d’Arnouville, pour obtenir gain de cause.

Le 22 juin 1819, le Préfet intervient énergiquement auprès du maire d’Huez et le somme « de faire rétablir les eaux dans leur premier état, ou si le sieur Bellot refuse d’obéir à votre réquisition, vous dressez procès-verbal de la contravention et me le transmettrez, après avoir prévenu le maire de Villard-Reculas ».

Le 13 juillet 1819, l’adjoint au maire du Villard-Reculas adresse au procureur général le procès-verbal dressé à sa demande pressante par le maire d’Huez, contre Bellot et Jean Vaujany, pour avoir détourné l’eau du canal. Il signale par la même lettre que les dégradations continuent.

Un « état des dépenses faites par Sébastien Richard, adjoint de la commune de Villard-Reculas, député par délibération du Conseil municipal de ladite commune du 28 mai 1819, à l’effet de faire les démarches et poursuites contre tous ceux qui veulent interrompre le cours de l’eau du canal de la commune venant de la montagne d’Huez » nous apprend que ledit Richard, entre autres démarches, a, le 28 juin 1819, fait un voyage à Huez et y dépense pour faire dresser procès-verbal contre Jacques
Bellot et Jean Vaujany………… 2 F
plus, fourni le papier dudit procès-verbal………… 0,35 F
Le 29 juin, voyage à Bourg-d’Oisans pour faire recenser ledit procès-verbal………… 3 F
Le 14 juillet 1819, voyage à Bourg-d’Oisans pour envoyer le procès-verbal à Grenoble ou pour faire écrire une lettre de recommandation………… 3 F
Le 18 septembre 1819, voyage à Bourg-d’Oisans, pour faire faire la copie de l’ordonnance du Dauphin, avec une lettre à M. le Préfet : 3 F de voyage – 1 F de copie………… 4 F
Le 11 novembre 1820, voyage à Bourg-d’Oisans (à l’époque de la procédure par devant le juge de paix, contre Jean. Vaujany)
plus une quittance ci-jointe du maréchal des logis de Bourgd’Oisans………… 10 F

Car il y a eu déplacement de ce gradé qui a accompagné Sébastien Richard sur la montagne d’Huez, afin de constater le délit.

Le 29 juillet 1819, le procureur, à qui le dossier a été adressé-aux fins de poursuites, fait observer au Préfet qu’il s’agit d’un détournement d’eau qui ne peut donner lieu qu’à une action civile et qu’il n’y a que la partie intéressée, en l’espèce la commune de Villard-Reculas, qui peut l’exercer.

Et de plus, l’inculpé dit que, de tout temps, il s’est servi de ces eaux pour arroser sa prairie. Remarquons en passant que cette affirmation est rigoureusement exacte. Il s’agit des eaux de Font Belle sur lesquelles les gens du Villard n’ont jamais eu aucun droit.
Le procureur Achard conseille sagement au Préfet une intervention administrative pour terminer ce conflit et éviter un procès dispendieux, dans l’intérêt des deux communes.

Effectivement, le préfet écrit au maire du Villard-Reculas dans le sens indiqué par le Procureur.

Pour engager le maire dans le sens de l’apaisement, on se serait attendu, de la part du préfet, à des suggestions susceptibles d’orienter les deux communes vers un accord.

Un accès des lieux de deux ou trois personnes compétentes et insoupçonnables de partialité, aurait pu, après étude des pièces authentiques du contrat liant les deux communes, permettre de trouver une solution équitable à ce conflit.

Il fallait plus d’eau pour alimenter le canal du lac Blanc ; il convenait donc d’aménager le départ de ce canal, de le creuser davantage et d’obstruer, chemin faisant, toutes les saignées par lesquelles l’eau divaguait sur le rocher.

Ce faisant, les eaux de Font Belle restaient un appoint facultatif et il n’y aurait pas eu conflit perpétuel avec la commune d’Huez qui, elle, ne pouvait pas aliéner cette source à laquelle elle recourait souvent en cas de besoin.

Mais le plaignant, habile à créer la confusion et à l’exploiter, bénéficie souvent du préjugé favorable de la part de l’autorité appelée à connaître d’un différend, à se prononcer sur un conflit.

Tandis que la partie adverse, consciente et ·forte de son droit, ne prend pas assez au sérieux les premiers développements de l’affaire et se borne à repousser d’une manière un peu désinvolte les attaques de l’adversaire.

Le préfet, persuadé qu’il y a brimade, sabotage volontaire, ne se préoccupe nullement d’assortir ses propositions de paix des mesures propres à les faire aboutir.

On est surpris de le voir engager le maire du Villard-Reculas à « faire construire une chaussée dans la portion du canal où l’on détourne l’eau. Cette chaussée devra être construite de manière que l’on ne puisse détourner l’eau sans la détruire.

Si ce fait arrive, vous requerrez le maire d’Huez de dresser un nouveau procès-verbal qui constatera que le canal a été détruit. Dans ce cas, l’action sera poursuivie par le ministère public et le coupable condamné à la réclusion et à une amende qui ne pourra être au-dessous de cent francs. » (Lettre du 5-9-1819).

En somme, on souhaite la bonne entente et l’on prépare, en fait, le conflit grave. Le travail préconisé devra s’effectuer à 2 000 m d’altitude et dans pes propriétés privées sur lesquelles la commune du Villard n’a aucun droit.

Il est surprenant de voir le maire du Villard-Reculas réfuter l’interprétation juridique du Procureur Achard.

Dans sa lettre au Préfet du 19-9-1819, il déclare que ce délit de détournement d’eau « est de nature à être puni d’après les dispositions de l’article 257 § 6 du code pénal et poursuivi par le ministère public, seule autorité compétente pour réprimer les délits commis contre la vindicte publique… »

« C’est pourquoi je viens vous prier de vouloir bien interposer votre médiation auprès de ce magistrat pour nous faire rendre justice en poursuivant par la voie de la police correctionnelle les auteurs de ce délit. » Signé : Chalvin, maire.

Ce même document annonce l’envoi de la copie de la lettre patente donnée à Vizille, le 15 septembre 1447, par le Dauphin Louis, fils de Charles VII, roi de France, et futur Louis XI.

Ce document répond aux doléances répétées des habitants de Villard-Reculas.
Il les autorise « sans préjudice d’aucun » à prendre de l’eau dans la paroisse d’Huez et à la conduire au Villard en creusant un canal à travers la montagne.

À suivre…

Si vous avez trouvé une faute d’orthographe, une erreur ou si vous souhaitez ajouter une précision,
veuillez nous en informer en sélectionnant le texte en question et en appuyant sur les touches [Ctrl] + [Entrée] .

Ce contenu a été publié dans AGRICULTURE, ARCHIVES, TÉMOIGNAGE, TEXTE, VILLAGE, avec comme mot(s)-clé(s) , , , , , , . Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.