LA GUERRE DE L’EAU EN OISANS 3/5
Conflit entre Villard-Reculas et Huez
Source : Archives André Glaudas :
Procès-Verbal mensuel du No 383 au No 385, avril, mai et juin 1968 de la Société Dauphinoise d’ethnologie et d’archéologie (2e trimestre 1968).
Sur le même sujet :
– Canal Sarrasin, dispute entre Villard-Reculas et Huez
– 1450 Canal Sarrasin de Villard Reculas
NOTA: Retranscriptions issues des fonds d’archives de Villard-Reculas et d’Huez accessibles aux Archives Départementales de l’Isère. Graphie originale conservée.
LE CANAL DE VILLARD-RECULAS SOURCE DE DISPUTES
par Jean OGIER
Première partie 1/5 , deuxième partie 2/5, troisième partie 3/5
Rodolphe, seigneur de Goncourt, gouverneur du Dauphiné, le transmet au Châtelain de L’Oisans pour exécution, le 18 septembre 1447. Mais comme il est remplacé peu après, dans ses fonctions de gouverneur, son successeur Louis de Vaux, seigneur de Castillan, renouvellera ses ordres le 12 juin 1448.
Le vice-châtelain Jean Galbert se rend à Huez le 16 juin 1448, à la requête des habitants du Villârd-Reculas. Devant lui sont comparus : Guillaume Bonnard, Guigues et Jean Revol, Pierre Magnin, Gona, Jean Maquéret et Jean Galon dudit lieu de Villard-Reculas, qui ont présenté et remis audit vice-châtelain des lettres patentes de M. le Gouverneur du Dauphiné annexées auxdites lettres patentes obtenues récemment par les habitants de Villard-Reculas, qui requièrent qu’elles soient mises à exécution…
Lesquelles lettres ledit Châtelain a fait lire publiquement audit lieu d’Huez, proche de l’église, devant le peuple, après la grand-messe, à la sortie de l’église où était la plus grande et la plus saine partie des habitants dudit lieu et de ceux de Villard-Reculas réunis au milieu de la communauté.
… Lesdits habitants ayant ouï la lecture desdites lettres ont demandé un délai pour prendre conseil entre eux sur le consentement et la réponse qu’ils devaient donner à l’exécution desdites lettres, tant pour l’utilité du Dauphin, notre Seigneur, que pour l’intérêt public et la conservation des droits des habitants et des parties intéressées ou qui pouvaient l’être à l’avenir et ledit châtelain a accordé aux habitants, pour répondre avec connaissance, jusqu’au jeudi suivant, vingtième jour de ce mois (20 juin 1448) et jusqu’au lendemain vendredi, pour conclure. Lesquels se sont contentés de ce délai.
Cependant, à l’instant, sont comparus par devant le vice-châtelain :
Messire Guillaume Pellicier, chanoine de La Garde, envoyé comme il l’a assuré, par le vénérable religieux François Pellicier, prieur dudit lieu de La Garde, et Guigues Maquéret, notaire du Bourg-d’Oisans, propriétaire des moulins dudit lieu d’Huez, lesquels sont également opposés à l’exécution desdites lettres : savoir, ledit chanoine, au nom dudit prieur, à raison de quelques prés dudit prieuré situés au lieu de Hues, par lesquels on veut faire conduire ladite eau comme il est contenu auxdites lettres delphinales, alléguant en outre plusieurs autres choses et ledit Guigues Maqueyret disait que ladite eau… était nécessaire pour les moulins dudit lieu de Hues…
… De même s’opposait Guillaume Arnol et Antoine, habitants dudit lieu de Hues qui ne consentaient pas que lesdits habitants de Villard-Reculas conduisissent les eaux au lieu du Villard, alléguant plusieurs choses.
Cependant, ledit châtelain, attendu qu’il y avait peu d’opposants, a assigné auxdits habitants comparant ci-après nommés, le délai ci-dessus indiqué pour répondre et conclure, et le même délai aux autres opposants pour présenter leurs intérêts. »
Noms des habitants mentionnés comme présents à la réunion de juin 1448.
Guigues Collis, Jean Piera notaire, Jacques Orcel, Jean Manier, Jacques Manier, Jacques Collis, Pierre Piera, Antoine Piera, Guillawne Piera, Pierre Arnol, Hugues Fabre, Jean Robert, Pierre Cays, Pierre Guéraud, Jean Claret, Jean Cays, Claude Monier, André Vitalis notaire, Guigues Piera, Antoine Arnol, Pierre Ros taing, dit Michalet, Pierre Magnin, Claude Galle, Claude Collis, Claude Arnol, Jean Monaret et Cadet, Guillaume Saret, Guillaume Verin, Guigues Saret, Pierre Chalamé, Jean Vernin notaire, Jean Bert, Pierre Arnol, Guigue Guéraud notaire.
Nous n’avons pas eu en mains l’original des lettres patentes, mais une copie certifiée conforme et traduite en français moderne. Celle-la même qui a été communiquée au préfet.
Au jour dit, le 20 juin 1448, Antoine Dolives, notaire de l’Oisans, et Jacques Audegard, huissier, viennent recueillir les réponses.
Les habitants de Hues consentent à ce que l’on prenne de l’eau à Hues, pour la conduire, par un canal, à travers prés et pâturages, à Villard-Reculas, sous les réserves suivantes :
« Que cela ne porte aucun préjudice, à l’avenir, à Mgr le Dauphin, ni aux moulins dudit lieu, ni à la communauté de Hues et que sil fallait contracter quelque obligation, ils voulaient que de fût comme non avenu, que cela ne peut leur préjudicier en aucune manière, et que les habitants du Villard-Reculas… fussent tenus de satisfaire à qui de droit pour les prés des habitants de Hues et les communaux dudit lieu aux dires d’experts de tout quoy les habitants de Hues ont solennellement protesté… »
Le 21 juin, jour fixé pour conclure, ont comparu à Bourg-d’Oisans, dans la salle de justice, par devant ledit vice-châtelain : Jean Galon et Jean Revol dudit lieu du Villard-Reculas, délégués, et Jean Piera, notaire de Hues, ayant avec lui Guigue Guéraud, notaire.
Les hommes du Villard demandent l’exécution des lettres patentes. Jean Piera et Guigues Guéraud y consentent en rappelant les réserves ci-dessus mentionnées. Guigues Maquéret, propriétaire des moulins de Hues, renouvelle son refus.
Le vice-châtelain décide donc que le meunier pourra prendre l’eau dont il a besoin et pendant le temps nécessaire.
L’accord s’étant fait, dans ces conditions, l’acte public est dressé par Antoine Duis, notaire impérial et public, le 21 juin 1448, en présence de Péronet Luc, notaire, Jean de Curvis, notaire, Jacques Audegard, Pierre Ginard, Claude Joudet, témoins sur ce requis et appelés.
Nous n’avons parlé de ces documents qu’à la date où ils figurent dans le dossier.
L’ignorance de leur contexte par les administrateurs chargés du règlement des conflits entre les deux communes pouvait expliquer leur embarras à trouver la solution équitable. Mais à partir du moment où le Villard produit ces pièces, le problème est bien posé.
Néanmoins, comme la municipalité d’Huez ignore toujours ces documents et les ignorera apparemment jusqu’en 1875 (Délibération du Conseil municipal d’Hure du 12 décembre 1875), les chicanes et les procès vont se poursuivre.
À suivre…