La guerre de l’eau en Oisans 4-5

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Mulet sur la route d’huez. H. Muller, collection Musée Dauphinois.

LA GUERRE DE L’EAU EN OISANS 4/5
Conflit entre Villard-Reculas et Huez 

Source : Archives André Glaudas :
Procès-Verbal mensuel du No 383 au No 385, avril, mai et juin 1968 de la Société Dauphinoise d’ethnologie et d’archéologie (2e trimestre 1968).

Sur le même sujet : 
– Canal Sarrasin, dispute entre Villard-Reculas et Huez
– 1450 Canal Sarrasin de Villard Reculas

NOTA: Retranscriptions issues des fonds d’archives de Villard-Reculas et d’Huez accessibles aux Archives Départementales de l’Isère. Graphie originale conservée.

LE CANAL DE VILLARD-RECULAS SOURCE DE DISPUTES
par Jean OGIER

Première partie 1/5 , deuxième partie 2/5, troisième partie 3/5, quatrième partie 4/5

Le 5 octobre 1819, le Préfet s’enquiert, auprès du maire d’Huez, de la nature du détournement de l’eau. Se fait-il dans les communaux ou dans une propriété privée et à son profit ? Cette question vient bien tard. Le maire répond que la propriété où l’on détourne l’eau appartient à celui qui la détourne. Il réaffirme que les détériorations sur le parcours propre du canal sont imputables aux allées et venues du bétail au pâturage, et puis on met trop d’eau pour faire tourner le moulin. « Nous ne leur devons que les eaux pour leur usage et non pour faire tourner une usine. »

Le maire d’Huez renouvelle sa demande de communication des titres servant de base aux demandes du Villard-Reculas ; ceux d’Huez ont disparu. Pourquoi tant de résistance à les produire ? « Il faut bien dire que quand ils ont fait ce traité, il y a eu un réciproque… » (on ne dit pas nettement de quel traité il s’agit ; probablement celui qui a concédé, sous les réserves déjà indiquées l’usage des eaux de Font Belle ; puisque les lettres patentes de 1447 ne font allusion à aucune réciproque. Mais nous n’avons pas eu connaissance d’une telle pièce.

« … Et les voyant (ces titres), M. le Préfet, cela sufirait pour nous maître d’acord et en grande amitié comme on doit être entre voisins. »

Le maire Arnol sollicite même l’envoi sur les lieux de commissaires pour trancher le différend.

Le préfet fait part au maire du Villard du désir du maire d’Huez et l’engage à produire le titre en question et à régler le différend à l’amiable.

Dans le dossier de cette affaire, il y a un mémoire sans date, ni signature établi pour la défense des habitants du Villard contre ceux d’Huez. On y relève de grosses erreurs.

L’auteur fait partir le canal de Font Belle et non comme il se doit du lac Blanc.

A part l’énumération des documents ayant présidé à la création du canal en 1447 et 1448, on peut considérer cette pièce comme complètement dévalorisée par sa partialité notoire.

Après l’analyse des pièces officielles qui ont permis la construction du canal, revenons-en aux difficultés d’application des décisions prises.
Le 17 juin 1820, le Préfet de l’Isère, le Baron Lemercier d’Haussez, écrit au maire d’Huez pour lui ordonner de dresser contre Bellot un procès-verbal constatant qu’il a détruit le canal des habitants du Villard-Reculas.

Le 2 juillet 1820, le maire d’Huez, Arnol Jacques, répond au Préfet que « Bellot n’a fait aucun dégât au canal et que l’eau que donne cette source dont il se sert n’a jamais été comprise dans l’alimentation du canal, attendu qu’elle se trouve au-dessous du canal et qu’elle nous est nécessaire pour notre alimentation, en cas de sécheresse, tant pour nos besoins que pour arroser nos prairies. »

Le maire d’Huez s’insurge contre la prétention de lui imposer la surveillance du canal. Il redemande une fois de plus que le Villard présente ses titres ; rappelle ses griefs contre cette commune (moulin, dégâts dans les prés) ; en appelle à une commission qui, au vu de pièces authentiques, prononcerait la sentence à respecter par les deux parties.

En attendant, Sébastien Richard, délégué à la surveillance du canal a dû trouver prétexte à dresser procès-verbal contre Georges Sarret et Jean Vaujany d’Huez.

Au cours d’une réunion du Conseil municipal d’Huez, le 2 août 1820, Jacques Arnol, maire, représente « que M. le Procureur du Roi a fait citer plusieurs personnes (d’Huez) pour se transporter à Grenoble, le 7 courant, à l’effet de donner réponse par devant le tribunal correctionnel sur les faits dont ils seront interrogés sur les affaires des communes du Villard-Reculas et celle d’Huez regardant le canal qui traverse la montagne d’Huez… et qu’il était urgent pour la commune de nommer un député pour soutenir le droit de la commune, si besoin il y a. (Délibération du conseil municipal d’Huez) »

Le Conseil municipal se range à l’avis du maire et désigne Laurent Sarret, ex-maire, pour remplir cette mission.

Le 7 août 1820, Georges Sarret et Jean Vaujany comparaissent devant le tribunal correctionnel de Grenoble « convaincus d’avoir commis des dégradations au canal du lac Blanc qui conduit ses eaux au Villard Reculas (ils) ont été condamnés solidairement à 6 F d’amende, aux dépens liquidés à 126 F 20 cent, compris : 9,30 F de timbre et 9,60 F d’enregistrement.

Au payement de tout quoi ils seront contraints, même par corps.

Encouragés par la décision de justice du 7-2-1820, les habitants de Villard-Reculas continueront à revendiquer les eaux de Font Belle, et ceux d’Huez s’y opposeront énergiquement, cela se conçoit. Il était donc inévitable de voir l’affaire rebondir.

Dans une délibération du Conseil municipal d’Huez, en date du 20 juin 1827, nous lisons qu’en raison de la grande sécheresse qui sévit, l’adjoint faisant fonction de maire d’Huez expose qu’il est nécessaire d’aller travailler au canal de Font Belle pour le remettre en état, afin que les fontaines d’Huez soient alimentées.

À la suite des travaux faits, en exécution de la délibération précitée, le maire de Villard-Reculas, Chaix, « a dénoncé devant la police correctionnelle, les six personnes d’Huez qui ont exécuté les réparations », en affirmant que les sources de Font Belle appartenaient au Villard-Reculas (Délibération du conseil municipal d’Huez).

Le 2 septembre 1827, le maire adjoint de Villard-Reculas, Richard, écrit au Préfet pour lui rappeler que la commune de Villard-Reculas ne pourrait pas vivre sans le secours des eaux du lac Blanc et de Font Belle. C’est bien là que le bât blesse. On veut Font Belle, sans égard pour les besoins d’Huez.

Et d’exposer que les habitants d’Huez « se sont avisés, le 25 juin dernier, de faire une digue et de détourner entièrement les eaux, au moment où Crespin Bory, adjudicataire des réparations à faire à ce canal, suivant devis approuvé, allait mettre la main à l’œuvre. » (Il s’agit de la fameuse chaussée.)

« … J’ai dressé procès-verbal et M. le Procureur du Roi a fait assigner au correctionnel les prévenus, à l’audience du 19 courant. Ayant demandé à amener le maire en garantie, le tribunal a renvoyé au 11 décembre. »

Le préfet n’ayant pas répondu sur le champ, le maire de Villard Reculas lui envoie une lettre datée du 4 octobre 1827.

« Pressé par le besoin d’abreuver ma commune, manquant absolument d’eau par la construction de la digue faite dans le canal de Font Belle, par quelques habitants d’Huez, les eaux du lac Blanc étant retenues par les fortes gelées et n’ayant reçu de réponse à la lettre que j’ai eu l’honneur de vous adresser le 2 septembre dernier, j’ai été forcé de faire abattre la digue élevée par les habitants d’Huez. »

À suivre…

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