La Petite Route de l’Oisans en 1752.

LA PETITE ROUTE DE L’OISANS PAR PIERRE-JOSEPH BOURCET EN 1752
Je ne vous l’apprendrai pas, sur Gallica, le site de la BNF, il y a beaucoup de trésors. Mais comme souvent, les trésors sont cachés, pour en trouver un, il faut chercher.

Un exemple : si dans le champ de recherche vous tapez le mot Oisans, et que vous cliquez sur l’item « Manuscrit », le moteur de recherche vous propose ce seul résultat : « Communication de la grande à la petite route depuis Corps jusques à Bourg-d’Oisans. »
Ce document est l’un des nombreux manuscrits rédigés par l’ingénieur, lieutenant général des armées du roi, Pierre Joseph Bourcet. Il a été réalisé lors de la tournée pour la description des routes des Alpes en 1752, dans le cadre de la mission d’inspection des frontières, lors de la grande campagne militaire du Marquis de Paulmy (Antoine-René de Voyer d’Argenson 1722 – 1787).

Ce très intéressant manuscrit ouvre l’appétit pour une recherche plus approfondie, sur la venue de Bourcet en Oisans et les éventuelles traces écrites qu’ils en restent.
Si l’on se donne la peine de fouiller sur Gallica, dans la liste des nombreux manuscrits de Bourcet proposés, ou si l’on trouve les bons mots clés à taper dans le champ du moteur de recherche, par exemple : « petite route », on trouve en quatrième position, un autre document beaucoup plus intéressant, pour qui habite l’Oisans, ou qui sillonne sa Route Départementale 1091.
Un cahier de 34 pages dont 28 manuscrites, décrivant avec détail, la route de Grenoble à Briançon telle qu’elle existait en 1752.

Cette tournée militaire donnera lieu, entre autres choses, à une publication tardive, dans laquelle seront reprises les notes de Bourcet ainsi que la réalisation de plusieurs cartes, dont l’une peut être considérée comme l’un des chefs-d’œuvre de la cartographie dauphinoise du XVIIIe siècle. (Voir tous les liens et notes bibliographiques et cartographiques en fin de page).
Bien que plus accessible, ce travail de retranscription tardif comporte beaucoup d’erreurs dans la toponymie ainsi que quelques passages supprimés. C’est pour cette raison que j’ai préféré travailler à partir des notes de Bourcet.

N’étant pas paléographe, c’est en toute humilité que je présente ce travail de retranscription du manuscrit, qui ne me semblait pas trop difficile pour une entrée en matière dans la discipline.
Cette retranscription m’a demandé plusieurs heures, aidé de mon épouse, pour décrypter l’intégralité du cahier, avec le plus de justesse possible. Il est toutefois possible que des erreurs ou de mauvaises interprétations subsistent, merci de me les signaler.
La règle veut que la retranscription respecte l’orthographe, la ponctuation et la graphie du document original (et sur le document de travail, le respect des retours à la ligne qui doivent être numérotés). Ne soyez donc pas étonnés de lire pour un même lieu des graphies variables.
J’ai cependant fait une entorse, la seule, à cette règle en appliquant systématiquement, une majuscule à tous les noms de lieux.
Je me suis également autorisé la mise entre parenthèses, pour indiquer quelques compléments sur les toponymes de l’époque et ceux actuels, quand cela me semblait nécessaire, parfois aussi d’autres informations qui me paraissait intéressantes dans le contexte de lecture.

Pour finir, ne soyez par rebuté par la longueur du document, ni par le style d’époque conservé, car en plus de vous faire réviser votre géographie locale dès les premières lignes, c’est un bon dans le temps de 263 ans qui s’offre à vous, un voyage au siècle des lumières, en compagnie de M. Pierre Joseph Bourcet, lieutenant général des armées du roi Louis XV.
Enfin et pour conclure cette présentation sans doute trop longue, ce texte peut être lu avec l’appui d’une sublime carte intitulée « III Carte de la tournée militaire de M. le Marquis de Paulmy », réalisée sur le vif, « à la planchette », par le Colonel d’infanterie Ryhiner. (Voir notes en fin de page).

Note :
– Une toise correspond à 195 cm.
– Une portée de fusil correspond à une distance variable pouvant aller de 100 à 300 m. (En fonction du type de fusil : arquebuse, canardière, du nombre de charges : un coup, deux coups de poudres et du chargement : lingot de plomb, chevrotine…)

« Itinéraire de la petite routte de Grenoble à Briançon… » portant le titre de l’ingénieur militaire Pierre Joseph Bourcet

Itinéraires de la petite routte de Grenoble à Briançon ou il est fait mention de tous les différents débouchés qui déversent de cette routte dans la partie supérieure de la Morienne, ainsi que dans les vallées d’Oulx et de Cezane.
1752.
No 12 par Mr Bourcet de la Saigne Frère du brigadier.

De Grenoble à la paroisse d’Heybeins en passant par les portes de Bonne et de Trois Cloitres au moyen des deux embranchements qu’on a fait pour communiquer a la chaussée nouvellement construite qui se trouve sur un même alignement, il faut une heure. On passe sur sa longueur trois pontceaux pour l’écoulement des eaux provenant du Vallon d’Herbey et de celle du marais qui se trouve sur une partie de sa longueur.

On laisse à droite, en sortant par la porte de Bonne, à une portée de pistolet de l’enceinte de la ville, près de la paroisse de Saint-Joseph, l’ancien chemin de la grande routte qui communique a Briançon qui passe sur la gauche de la paroisse d’Echirolle auprès de celle du bas Jarry ainsi que le pont du Péage de Champ sur la Romanche appartenant aux Dames de Mont Fleury qui sont obligées en conséquence de l’entretenir ; on passe encore dans le village de Champ d’ou l’on monte au hameau de Saint Sauveur par une rampe assez douce qui se trouve sous le penchant de la montagne de Connaisse (Connex) ou l’on rencontre a une portée de fusil le nouveau chemin auquel on travaille actuellement qu’on propose de faire passer par Vizille.

On laisse pareillement en sortant par la porte de Trois Cloitres au commencement du faubourg, l’ancien chemin de la petite routte qui va rencontrer celui qu’on fait actuellement au hameau de Tavernoles en passant par le village de St Martin d’Hères.

Le village d’Herbey dont la paroisse est à la gauche du grand chemin et dont les maisons sont toutes dispersées se trouve au bas du coteau de Montavit, a une portée de fusil sur la gauche en delà du ruisseau qui vient d’Herbey. Il y a un château flanqué de quatre tours qui se trouve sur une butte. On peut communiquer du village par la droite à Echirolle et a la paroisse du haut Jarry et par la gauche au village de St Martin d’Hères.

D’Herbey à Tavernole qui est un hameau de la paroisse d’Herbey demy heure, scavoir un quart d’heure de montée assez douce sur le penchant du coteau de Montavit ayant le vallon d’Herbey sur la gauche, le surplus du chemin se trouve en plaine ou en traverse.

Cette partie du chemin ainsy que celle d’Eybeins à Grenoble si on parvient à la finir sera très belle mais il faut encore un travail considérable avant de pouvoir la rendre dans sa perfection. On peut communiquer de cet hameau, par la droite à la paroisse du Haut Jarry, et par la gauche à celle d’Herbey en passant le petit vallon dont j’ay parlé ci-dessus.

De Tavernole à la paroisse de Briès demy heure en suivant le nouveau chemin qu’on a tracé qui demande aussi un travail considérable pour le rendre praticable par cette routte on va presque toujours en plaine a quelques petites montées fort douces qui se trouvent dans l’intervale.

Le village de Briès est situé sur un plateau au bas de la montagne de Malandru (Malaudru ? je n’ai pas trouvé de référence cartographique) tout au bord du penchant qui forme la vallée de Vaunavey (Vaulnaveys). L’on communique de ce village par la droite au Haut Jarry et par la gauche à la paroisse d’Herbey ainsy qu’a celle de Vaunavey.

De Briès on va au bourg de Vizille en demy heure dont un quart d’heure en traverse sur le penchant de la montagne du Cray de Montchabout et un quart d’heure en descente en laissant le vallon de Vaunavey sur la gauche par le tracé que j’ay vû de la largeur qu’on propose de donner à ce chemin et la quantité de roc qu’il y a a déblayer sur une grande partie de sa longueur. Il est à présumer qu’il en coûtera beaucoup pour le mettre dans sa perfection, et que cela écrasera les communautés qui en seront chargées.

Le Bourg de Vizille est situé à l’extrémité de la vallée de Vaunavey environ 150 to (toises) de la rive droite de la Romanche qui fait beaucoup de dégâts dans la partie plaine qui se trouve entre le bourg et la rivière.
Il y a un peu a gauche sur une éminence un Chau. (château en abréviation dans le texte) assez considérable flanqué de quatre tours, qui appartenoit anciennement à M. le Connestable de Lesdiguières qui en faisoit son lieu de plaisance, et aujourd’huy il appartient à M. de Villeroy. Il y a dans ce Chaut. une salle d’armes dans laquelle se trouve quantité de vieux fusils, mousquets, lances, boucliers, cuirasses et pots en testes (peut-être parle t’il de casques, testes = têtes ?).

On peut aller dudit Bourg par la droite en suivant la rive droite de la Romanche à la paroisse du Haut Jarry, et par la gauche au village de vaunavey et au hameau de Moncet.

De Vizille au péage de Vizille un quart d’heure tout en plaine en suivant l’ancien mail et l’enceinte du parc du Château en laissant la rivière sur la droite.
On laisse aussi a main droite a moitié chemin une papeterie appartenant à M. de Villeroy. Au péage de Vizille on trouve sur la droite un pont de bois sur la Romanche en mauvais état pour communiquer de Vizille à l’hameau de Saint Sauveur pour joindre la grande routte.

Le mauvais état de ce pont a occasionné MM. les inspecteurs des ponts et chaussées de former le projet d’en faire un autre en pierre entre le hameau du Pont de Mesage et une butte de rocher attenante au penchant de la montagne de La frey (Laffrey) en proposant d’ouvrir un nouveau lit et de former des digues assez fortes au dessus pour entonner et forcer les eaux d’y passer ce qui coûteroit des sommes considérables et ce qui tendroit infailliblement à la suite des temps à la ruine du territoire et du bourg de Vizille si ce projet avoit lieu ce qui ne seroit pas difficile de démontrer si le cas l’exigeoit.

Du péage de Vizille à Chichilienne (Séchilienne) une heure en remontant la rive droite de la Romanche ; l’on trouve sur la gauche à un quart d’heure un chemin qui monte à l’hameau du Rivoiran et duquel on se sert pour aller à Chichilienne lors des grandes eaux par l’impossibilité qu’il y a de passer dans le bas de la vallée, le grand chemin du Péage de Vizille a Chechilienne dans l’état présent est praticable pour toutes sortes de voitures ayant été réparé depuis peu mais les réparations qu’on y a faites ne le scauroient garantir du débordement de la rivière surtout dans tout le travers du Rivoiran ce qui arrive toutes les fois qu’il pleut quelques temps dans les montagnes ; pour subvenir a cet inconvénient il seroit nécessaire de former une chaussée attenant au penchant de la montagne du Rivoiran assez élevée pour que les plus grandes eaux n’y puissent faire aucun dommage. (Dans ce passage, il n’est pas fait mention des ruines de Séchilienne, et le tracé d’une route sur ce versant implique le passage de cette dernière au milieu des Ruines.)

La paroisse de Chichilienne se trouve sur un petit platteau attenant au penchant de la montagne du monçet (le Mont Sec) au bas de laquelle se trouve un château appartenant a M. du Moutet qui est Seigneur de cette paroisse et de celle de Saint Barthelemy. On peut communiquer par la gauche en trois heures dans la vallée de Vaunavey dont une heure de montée, une heure de plaine, et une heure de descente passant par Monçet et la Chartreuse de Prémol ; sur la droite, on communique en passant la Romanche sur un mauvais pont de bois a Saint Barthelemy du quel endroit on communique a la Mure passant par le Sapet (Sapey), par Cholonge, le Villard St Christophle, la Traverse et les masouers (je pense qu’il est question des Mazuers).

De St Barthelemy on communique aussy dans la vallée en deux heures et demy, dont une heure et demy de montée et une heure de descente en passant par la Morte et Moulin Vieux.
 
De Chichilienne à Gavet qui est un hameau de cette paroisse, trois quarts d’heure en remontant la rive droite de la Romanche pendant demy heure, que l’on passe ensuite sur un pont de bois pour aller a Gavet qui se trouve sur la rive gauche sur un platteau extremement étroit, l’on trouve à l’entrée du hameau un torrent sur lequel il y a un pont de bois.

De Gavet on communique par la droite a la Morte en trois heures pour deux heures de montée et une heure de descente, passant par le col des Granges de Poursolet. Cette communication n’est bonne que pour des piétons.

De Gavet aux Clavaux un quart d’heure lequel se trouvent sur le même platteau de Gavet le chemin est tout en plaine et en bon état, a moitié chemin on trouve deux rochers dans le milieu desquels on passe dont il se trouve sur celuy de la gauche des empreintes de toutes sortes de pieds d’animaux.
Des Clavaux à Livet, une heure l’on trouve à gauche a une portée de fusil un chemin et un mauvais pont pour communiquer au hameau des Salinières dépendant de la paroisse de Livet qui se trouve sur la rive droite de la Romanche d’ou l’on peut communiquer à Vaunavey en cinq heures, dont deux et demy de montée et le restant en descente en passant par le Col de L’Arselle et la Chartreuse de Prémol qu’on laisse a droite. (On apprend que Séchilienne et Gavet font partie de la même paroisse, Livet en est une autre.)

A moitié chemin des Clavaux a livet on trouve le torrent qui descend de la montagne de L’Aimay (?), de Taillefer que l’on passe sur un pont de bois, ledit torrent est extremement mauvais lors de la fonte des neiges et des grandes pluies, la partie du chemin compris entre les Clavaux et ce torrent est en bon êtat tant qu’a présent mais les pluies et les coulées de neige qui surviennent dans le courant de l’hiver le rendent toûjours impraticable. C’est pourquoi il est nécessaire d’y faire travailler tous les printemps, après la fonte des neiges par la raison que ledit chemin se trouve pratiqué sur le bas du penchant de la montagne qui est un terrain mouvant sur la plus grande partie de sa longueur.

On trouve au dessus du pont dudit torrent sur la gauche, un chemin et un mauvais pont qui communiquent aux Salinières, on trouve pareillement sur la droite, un peu au dessus un autre chemin qui monte sur un platteau sur lequel se trouve le hameau du Clos d’ou l’on communique à la paroisse Dornon (Ornon) en passant par le col des Granges de la Barrière en quatre heures dont deux de montée, et deux de descente, ce chemin ne pouvant servir que pour des gens de pied à moitié chemin du pont ; du torrent a Livet on trouve a gauche un chemin et un pont pour communiquer au hameau du Ponam (Ponant) qui se trouve sur un petit platteau sur la rive droite de la Romanche et duquel endroit on communique par la gauche au col de L’Arselle, et par la droite au village de livet, en remontant la rive droite de la rivière ; on trouve encore sur la droite, a une portée de fusil avant que d’arriver à Livet le Clot Robert qui se trouve a la droite du chemin après quoy on passe la Romanche sur un pont de bois couvert pour communiquer à Livet qui se trouve sur la rive droite dans une petite plaine fort étroite au bas de la montagne qui est extremement escarpée dans cette partie.
Les habitants de tous les hameaux dont je viens de parler sont obligés de cultiver par leur industrie quantité de petits platteaux qui se trouvent dans l’escarpement des montagnes de droite et de gauche dont les accès sont fort mauvais, la vallée étant fort resserrée depuis Chichilienne jusques a Livet n’y ayant que quelques petites parties de fond dans la vallée qu’on puisse cultiver la rivière occupant tout le reste.

De Livet au pont de Lavena un quart d’heure on passe dans cet intervale tout auprès du pont le torrent de Vaudayne qui joint avec celuy qui luy est opposé avoient comblé le lit de la Romanche dans leur confluent de façon que cela avoit occasionné un lac anciennement dans toute la plaine du Bourg Doisans dont le poids considérable des eaux joint à une pluye des plus fortes emporta tout le dépôt qui s’étoit formé dans cette partie et emporta aussy toutte la campagne de la vallée du Livet qu’on appeloit avant ce temps la vallée dorrée.
 
On trouve entre Livet et les torrents de Vaudaine un chemin qui communique au village de Revel (sur les hauteurs d’Uriage) passant par le col de l’Echaillon en cinq heures de temps qui n’est praticable que pour les hommes a pied étant extremement mauvais auprès du pont de l’Avena en suivant la rive droite de la Romanche on trouve un chemin qui va au village d’Allemon.

Du pont de l’Avena au Bourg Doisans deux heures dont le chemin est bon pour touttes sortes de voitures, on trouve la plaine de Bourg Doisans a un quart d’heure au dessus du pont laquelle continue jusques au pont de Saint Guillerme sur la largeur de huit à neuf cents toises, en observant que les trois quarts de cette plaine ne sont que marais ou pâturages dans laquelle on y met quantité de bonnes juments que l’on fait couvrir par des étalons et par des baudets qui sont entretenus par l’inspecteur général des harras du Royaume pour procurer des chevaux et mulets en abondance dans le haut Dauphiné ce qui est d’une grande ressource pour cette vallée, par les beaux et bons mulets que cet établissement produit annuellement duquel M. le Marquis de voyer a paru être content dans le temps qu’il a fait son inspection. L’on pourroit encore augmenter cette production en desséchant une grande partie de ces marais qui sont impraticables ce qu’on pourroit faire en alignant le cours de la rivière qui forme beaucoup de sinuosité pour luy donner plus de vitesse qu’elle en a, ce que l’on a fait remarquer a M. le Marquis de Voyer lors de son passage dans la petite routte.

A moitié chemin du pont de l’Avena au bourg on laisse a main droite l’hameau de Furfaye (Rochetaillée) qui est directement au bas de l’escarpement de la montagne ou l’on passoit anciennement, a une portée de fusil au dessus de l’endroit ou le grand chemin rencontre la rivière on prend a droite pour passer au village de Boiron et de la a celuy de la Potte d’ou l’on va au pont de la Ligniere ou l’on rencontre celuy qui cautoye la rive gauche de la rivière dans lequel on ne scauroit passer lors des grandes eaux étant submergé touttes les fois qu’il pleut quelques temps et lors de la fonte des neiges. (Pas de mention de la voie Romaine qui devait pourtant être visible sur la droite du chemin.)
 
De Boirond on peut communiquer a la paroisse d’Ornon en passant par les hameaux de Malaine et du Coin par la paroisse d’Oulle en trois heures de temps scavoir deux de montée et une de descente.
Un peu en avant du pont de la Ligniere à main droite on trouve un chemin qui communique dans le Vaubonnais passant par le Col d’Ornon et qui se subdivise en deux branches à un quart d’heure au dessus du pont près de l’hameau de la Poya dont celle de la droite après avoir passé la rivière d’Ornon sur un pont de bois monte à la paroisse d’Oulle par un chemin fort mauvais en tourniquet, et par celle de la gauche en suivant le fond de la vallée qui va a Ornon, on passe trois fois le ruisseau sur des mauvais ponts de bois, par la raison que la vallée est fort resserrée n’y ayant que le lit de la rivière et le chemin.

Du pont de la Ligniere au bourg on laisse a main gauche la maison de la Moriliere et a main droite l’hameau des Alberts en suite on passe auprès de la chapelle de St Antoine qui se trouve a gauche ou l’on passe une ravine qui se forme sur le penchant de la montagne de Pragentil qui est fort mauvaise et qui menace une partie du bourg si l’on négligeoit de se couvrir par des bonnes digues. (Les risques venant de la montagne du Prégentil étaient déjà bien connus à cette époque.)

Le Bourg Doisans est situé sur la rive gauche de la Romanche a une portée de fusil, dont une partie se trouve sur le penchant de la montagne de Pragentil et l’autre au bas du cotteau au commencement de la plaine laquelle est presque toujours innondée lors des grandes pluyes.

On communique du Bourg Doisans par la droite au village de Villard Reymond en une heure et demy dont une heure de montée et demy heure de descente.

On communique encore par la droite du Bourg Doisans dans la vallée de St Christophle en remontant la rive gauche de la romanche et ensuite celle du Veneon jusques a un demy quart d’heure de la paroisse de venos (Venosc) ou l’on trouve un pont qui passe ladite rivière pour communiquer au village qui se trouve a la rive droite.

On peut communiquer de venos par la droite en repassant la rivière et passant par le Col de la Muselle et Valsinestre a la Chapelle de Valjoufrey en six heures dont trois de montée et trois de descente laquelle communication ne peut servir que pour des gens à pied étant extremement mauvaise.

De venos on communique au Mont de Lans en deux heures et demy en passant par le Col de l’Alp dont moitié en montée et le restant en descente cette communication est praticable pour les bestiaux du pays.

De Venos a St Christophle une heure dont le chemin est extremement mauvais se trouvant sur le penchant d’une montagne fort haute sur laquelle sont des glaciers et un escarpement sur la droite qui tombe a pic en certaine partie sur la rivière.

De St Christophle on va a Etage qui se trouve à cheval sur la rivière de Venos duquel endroit on peut communiquer par la droite a la paroisse de la Chapelle de Valgodemar en passant par le Col de la Meande en six heures dont trois heures de montée et trois de descente en observant que ce passage n’est pratiqué que par quelques chasseurs et encore y passe t on rarement.

De l’hameau Detage (les Étages) en remontant la rive droite de Venos on va a l’hameau de la Bérarde après quoy il ne se trouve plus aucun débouché pour aller en avant occasionné par les glaciers impénétrables qui sont sur les sommités de toutes les montagnes qui environnent cette vallée.

Du Bourg Doisans on peut aller a Grenoble en passant premièrement par le pont Mean le hameau de l’aubessey (Bassey), celui de Chatillon, celuy de la Voute passant la rivière de l’Odolle sur un pont de bois de la paroisse d’Allemon a l’hameau d’Articol a celuy, du Rivier, le Col de la Coche, Laval, Villard Bonot, L’Ancey, le Versou, Domaine, Gieres, et Grenoble par laquelle routte il faut au moins dix heures dont trois de montée trois de descente et le reste en plaine et qui ne peut être pratiquée que cinq mois de l’année a cause de la grande quantité de neige qui tombe sur le Col de la Coche.

Du Rivier en suivant le valon de l’Odolle on peut communiquer en Savoye par deux débouchés par celuy du Col du Villard ou de Glandon, on va au Villard Sarquin en quatre heures et par le second a la paroisse de St Sorlin passant par le Col du même nom en six heures.

De l’hameau de la Voûte on va a la paroisse d’Os en passant un torrent sur un pont de bois, d’Os à Vaujany passant le ruisseau du Plumet sur un pont de bois ; de Vaujany on va joindre la route qui communique du Rivier a St Sorlin en passant par le Col de Sargarin ce qu’on peut faire en quatre heures de temps dont deux de montée une en traverse et une en descente.

Du Bourg Doisans on peut aller au village de Chambon en Savoye passant par la Garde, Huest (Huez), Clavans et le Clot de la Battua (Col des Près Nouveaux ?) en six ou sept heures dont quatre heures au moins de montée et le reste en descendant.

Du Bourg Doisans au Mont de Lans deux heures scavoir une en plaine jusques au pont de bois de Ste Guillerme qui a été fait tout nouvellement lequel a coûté trente deux à trente trois mille livres, pour laquelle somme on auroit pu en faire un en pierre qui auroit résisté a l’injure des temps pendant des siècles au moyen d’un petit entretien annuel au lieu que ceux de bois malgré toutes les précautions que l’on peut y prendre ne sauroient durer plus de trente années dans des pays aussy mauvais que celuy là, ce que l’expérience fait voir pour peu qu’on y fasse attention. (Les évènements postérieurs au passage de Bourcet donneront raison au commentaire critique de ce dernier quand au choix des matériaux, le pont actuel datant de 1849.)

Du pont de Ste Guillerme à l’oratoire du Pas de la Cavalle (Sur la carte de 1752 en amont du lieu dit du Châtelard) pour arriver sur le platteau du Mont de Lans il y a trois quarts d’heure de montée assez rude ayant sur la droite de la montagne de Pied Moutet et sur la gauche un escarpement coupé a pic qui tombe sur la Romanche, on laisse a gauche en montant les hameaux de la Rivoiran, de Garcin et du Chatelard et on passe un petit torrent auprès de la Rivoire sur un pont de pierre qui descend de la montagne de Pied Moutet, cette partie de chemin quoique roide est en bon état a cinq a six toises auprès de l’oratoire du Pas de la Cavalle dont le mur qui soutient le chemin s’est éboulée ce qui peut s’accommoder dans une douzaine de jours. (Passage pas très clair sur le chemin emprunté par Bourcet, je pense qu’il a emprunté un chemin qui a presque disparu, et qui n’est plus utilisé que par les chasseurs à l’heure actuelle.)

De l’oratoire du Pas de la Cavalle au Mont de Lans le chemin est tout en plaine ou en traverse qui se trouve sur le penchant de la Montagne de Lhomme on laisse a main gauche l’hameau de Bons, et l’on passe le torrent qui vient de l’Alpet sur un pont de pierre de la on passe dans l’hameau du Cherard (je pense qu’il est question du hameau de La Chenal). (Durant tout ce passage pas de mention de la Porte Romaine de Bons.)

Le Mont de Lans est situé sur un plateau entre deux vallons d’où l’on peut communiquer par la gauche en Savoye au village de Chambons en six heures passant par le Frenet, Clavans, et le Col de la Batua.

De Clavans on peut encore communiquer au village de St Sorlin en Savoye en cinq heures passant par la paroisse de Besse et le Col des Berches dont la moitié en montée et l’autre en descente.
 
Du Mont de Lans au Dauphin trois quarts d’heure dont demy heure en descente et l’autre en traverse sur le bas du penchant de la Roche de Cuculet qui est un terrain aquatique ou il sort des sources toutes les fois qu’il pleut, ce qui rend cette partie de chemin fort mauvaise pendant l’espace d’environ quatre cents toises tant qu’a présent il est praticable l’ayant fait réparer en dernier lieu. Au pied de la descente du Mont de Lans on passe un torrent sur un pont de pierre et on laisse a main gauche un peu au dessous l’hameau du Chambon.
Du Dauphin en passant la Romanche sur un pont de bois on communique à Clavans passant par Misoin on communique aussy a l’hameau de Paris. (Pas de mention du hameau du Pariset qui figure pourtant sur la carte de Cassini, réalisée vers la même période.)

Du Dauphin a la Grave en suivant la Combe de Malaval deux heures laquelle est extrêmement resserrée par les montagnes n’y ayant que la rivière qui est extrêmement encaissée et fort rapide laquelle se précipite dans des rochers qui y sont tombés dans son lit. A une heure de chemin en avant du Dauphin on trouve a main gauche l’Hôpital de Loche qui a été établi par les Dauphins et maintenu par les royaumes de France pour la sûreté des passants et qui auroit besoin des bontés du Roy pour le rétablir tombant totalement en ruine.

De l’hôpital de Loche a la Grave on passe trois fois la Romanche sur des ponts de bois et on laisse après avoir passé le dernier pont un peu à gauche les Fréaux ensuite on passe un pont de pierre sur un torrent auprès de la Grave. La partie du chemin du Dauphin a la Grave est en bon état mais il est absolument nécessaire pour l’entretenir d’y faire travailler tous les commencements de campagne par la raison que les coulées de neiges ne sauroient éviter de le dégrader et de le combler se trouvant pratiqué sur le penchant de la montagne dans un terrain mouvant sur une grande partie de sa longueur.
On ne trouve depuis le Dauphin jusqu’a l’hameau des Fréaux aucune partie de terrain qui soit cultivé a la réserve d’un
petit platteau auprès de l’Hôpital de Loche.

De la Grave on peut communiquer aux Chambons en Savoye en cinq heures passant par les Traverses, le Chaseler et le Col de Trente Combes scavoir trois heures de montée et deux heures de descente.
De la Grave on communique encore a Bonnenuit en Savoye en six heures dont trois et demy de montée et deux et demy de descente passant par Ventalon, les Zières, Valfrayde (Valfroide) et le Col de Goléon.

De la Grave au Villard d’Arenne en remontant toujours la rive droite de la Romanche trois quarts d’heure dont un tiers en descente et le restant en montée ou en plaine ; on passe a moitié chemin le torrent de Valfraide sur un pont de bois, on passe encore un petit pont sur un ruisseau provenant du lac qui est au-dessus du Villard d’Arenne.

La partie du chemin de la Grave jusques au second pont passant par le travers des ardoisières est en bon état celle du pont au Villard d’Arenne l’est aussi actuellement, mais s’il survenoit des pluyes cette partie du chemin seroit bientôt dégradée par la raison que le terrain n’est autre chose que des fondrières et ou il y auroit du risque pour les passants si on se détournoit du chemin ou par la droite ou par la gauche dans les temps de pluye.
Cette communauté auroit besoin des bontés du Roy. En leur envoyant quelques personnes intelligentes pour voir les précautions qu’il y auroit a prendre pour sauver leur village et les parties du terrain contigues qui subsistent encore sans quoy par succession de temps il est dangereux que cette communauté ne soit entièrement détruite.

Du Villard d’Arenne au pied de Lautaret un quart d’heure en remontant toujours la rive droite de la rivière et laissant a gauche sur le penchant de la montagne les deux hameaux des Cours ainsy que la Chapelle de St Antoine.

Du pied du Lautaret on peut communiquer en trois heures au Casset dans la vallée du Monestier passant par Arsine et le Col Doursine scavoir trois quarts d’heure de montée autant de descente et le restant en plaine.

De l’hameau du Pied de Lautaret à la Magdelaine une heure et demy dont demy heure de montée demy heure de descente et le restant en plaine on laisse sur la sommité du col à la gauche du chemin un hôpital qui a été fondé dans le même temps que celuy de Loche dans la combe de Malaval et qui auroit besoin aussi d’être rétabli par le Roy de la même manière qu’il a eu la bonté de le faire pour celuy de la Magdelaine en 1740.

Au bas de la descente du Lautaret on trouve un chemin sur la gauche qui va au village de Bonnenuit en Savoye en quatre heures dont deux heures de montée et le restant en descente passant par le Col du Galibier par ou les Espagnols ont passé en partie en 1742 et 1743. (Une histoire très compliquée que l’on peut synthétiser par le passage du col du Galibier par des troupes espagnoles commandées par Dom Philippe, fils du Roi Philippe V d’Espagne, le 20 août 1742 pour s’emparer de la Savoie, alors sans défense.)

De la Magdelaine au Lauzet trois quarts d’heure en descendant la rive gauche de la Guisanne on laisse à gauche les hameaux de Leytrecha et Fancibert ainsi que la Chapelle de N.D. et l’on passe un pont de bois sur le ruisseau qui vient de la Ponsonnière attenant au village du Lauzet. On communique en cinq heures a Bonnenuit dont deux heures et demy de montée et autant de descente passant par les granges de l’Alp et le Col de la Ponsonnière ou l’infant et une partie des Espagnols ont aussi passé cette dernière guerre. On communique encore a la Chalp dans la vallée de Neuvache passant par l’Alp et le Col du Chardonnet en trois heures, dont la moitié de montée et le restant de descente.
Du Lauzet au Casset trois quarts d’heure en descendant sur la rive gauche de la Guisanne, on laisse sur la droite de l’autre côté de la rivière, les hameaux des Boussardet et Fontenil, et sur la gauche du chemin celuy de Maison blanche, du Casset au Monestier un quart d’heure.
 
Du Monestier on peut communiquer par la droite a la paroisse de Vallouise en quatre heures dont deux de montée et deux de descente passant la Guisanne sur un pont de bois ainsy que le Col de Léchauda (Col de l’Eychauda).

On communique encore du Monestier au hameau de la Chalp dans la vallée de Neuvache en quatre heures dont deux de montée et deux de descente passant par Puy Chevallier et le Col du Vallon Clousis.
On communique encore a l’hameau du Varnet de la vallée de Neuvache en quatre heures dont une et demy de montée et deux et demy de descente passant par le Puy Fraissinet, le Col de Buffert, les granges du Buffert et un pont de bois sur la rivière de la Claré lequel chemin est praticable pour des bêtes de charge une partie de l’année.
 
Du Monestier à Villeneuve trois quarts d’heure en descendant toujours la rive gauche de la Guisanne. On laisse a main gauche les villages de Fraissinet et Serre Berbain et a main droite de la rivière de Villeneuve on peut communiquer au Col de Léchauda en une heure et demy passant par le village de Besse et les granges de Fréjus. On communique aussy de Villeneuve au village de Neuvache en quatre heures dont deux de montée et deux de descente passant par le village de la Salle par le Puy de la Salle, le Puy Chirouzan, le Clot de Goutru, le Col de Cristau, et un pont de bois sur la Claré dans la vallée de Névache.

De Villeneuve à Chantemerle 2 (?) heures. On laisse sur la gauche les hameaux de la Chirouze et de Pananche et sur la droite celuy du moulin du pont (Moulin Baron) du Scier.

De Chantemerle on peut communiquer par la gauche à Neuvache en quatre heures et demy dont deux de montée deux de descente et demy heure de plaine ou de traverse passant par le Villard de la Magdelaine, les Tronchées, le Col de Grenouil (Col de Granon), celuy du Longet et un pont sur la Clarée.
De Chantemerle à St Chaffray un quart d’heure d’ou l’on communique par la gauche aux granges de Grenouil en deux heures et demy dont deux de montée et une et demy de descente passant par le col des Barteaux.
 
Des Granges de Grenouil on communique en une heure à la Draye hameau de la vallée des Prés toujours en descendant en suivant la rive droite dudit vallon de Grenouil.
De Grenouil on communique aussi à Plampinet en une heure et demy dont demy heure de montée avec une heure de descente.
 
De Saint-Chaffray à Briançon 3/4 d’heure on laisse a main droite auprès d’un oratoire un chemin qui va a Ste Catherine au dessous de Briançon passant par Forville. On trouve aussi a la gauche un chemin qui peut communiquer en quatre heures au Roziers hameau de Vallée des Prés dont deux heures de montée et deux heures de descente passant par l’hameau du Pon et par le col de Lesca et l’Enrouy.

On observera que le chemin depuis le Lautaret jusqu’a la Magdelaine est très praticable et qu’on peut le rendre encore meilleur en peu de temps.
On observera aussi que la chaîne de montagnes qui sépare la vallée du Monestier d’avec celle de Neuvache a été retranchée en 1747 après l’affaire de l’Assiette afin d’être en état de soutenir cette position pour la sûreté de la communication de la Petite Route de Grenoble a Briançon si le Roy de Sardaigne et ses alliés avaient voulu tenter d’y prendre poste pour nous inquiéter.

Bourcet de la Saigne

Bibliographie :
Le manuscrit sur la BNF : Itinéraire de la petite routte de Grenoble à Briançon.
Livre : Voyage d’inspection de la frontière des Alpes en 1752 édité en 1902 par Henry Duhamel.
Note sur : le livre d’Henry Duhamel Voyage d’inspection de la frontière des Alpes en 1752 par le Marquis de Paulmy.
Autre Manuscrit de Pierre Joseph Bourcet sur les routes de l’Oisans : Communication de la grande à la petite route depuis Corps jusques à Bourg-d’Oisans.
Mémoires de Bourcet : Mémoire militaires sur les frontières de la France…

Cartographique :
Carte de Ryhiner cette adresse : III carte de la tournée militaire de Mr. le Marquis de Paulmy
Autre : carte des Alpes françaises réduite d’après celle du général Bourcet, 
La Grande carte de Bourcet, chef d’œuvre en 9 planches : Carte géométrique du Haut-Dauphiné et de la frontière ultérieure

Biographie :
Sur Pierre Joseph Bourcet

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