L’affaire Jacques Turc, une affaire Calas en Oisans !

Carte postale du Village de Venosc et de Pied-Moutet, Par Paul Michel, vers 1950.

L’AFFAIRE JACQUES TURC, 
UNE « AFFAIRE CALAS » EN OISANS !
Rumeur, faux témoignages et mauvaise réputation accusent un père d’avoir assassiné son fils… en famille !

Journal du département de la Haute-Vienne 1807
Les faits extraordinaires que nous allons transmettre, et dont on trouve peu d’exemples dans les causes célèbres, intéresseront sensiblement le public.
Dans le mois de juillet dernier, un cadavre est trouvé sur la montagne du Ramas , dans la commune de Valjouffrey, canton du Bourg-d’Oysans , arrondissement de Grenoble. La tête était défigurée ; on remarque une ancienne cicatrice à l’épaule droite , et une jambe faussée. Les habitants de la contrée raisonnent beaucoup sur cet événement. On se rappelle alors qu’un mois auparavant Pierre Turc, de la commune de Venosc , s’était plaint du vol d’une mule; qu’il en avait accusé Jacques Turc, son fils cadet, marié à Valjouffrey ; qu’il s’était livré aux plus violentes menaces, et que ses deux autres fils avaient partagé le ressentiment de leur père.
Jacques Turc, qui était marchand colporteur, se trouvait absent de son domicile longtemps avant le vol de la mule ; mais son père et ses frères avaient prétendu qu’il était revenu clandestinement pour exécuter ce vol.
Plusieurs habitants assuraient que Jacques Turc avait une cicatrice à l’épaule droite , et il était constant qu’il avait une jambe faussée : de-là, la clameur publique , que le cadavre trouvé est celui de Jacques Turc assassiné par son père et ses frères, dont la vengeance a eu son plein effet.
Des parents mêmes de la famille Turc affirmaient qu’ils avaient reconnu le cadavre de Jacques.
On rapportait, au surplus , que l’assassinat avait été commis une nuit que Jacques Turc était venu au domicile d’été de son père, sur la montagne des Chalmettes ; que la veille il avait été vu au Bourg-d’Oysans, et successivement dans le chemin qui conduit aux Chalmettes. On disait que le cadavre avait été porté, pendant la nuit, de la montagne des Chalmettes sur celle du Ramas, et que la même nuit le père Turc, avec un de ses fils, ayant été rencontré portant un sac sur ses épaules, et questionné sur ce que renfermait ce sac, il avait répondu que c’était de la viande fraîche.
Une certaine quantité de sang avait été remarquée dans le chemin des Chalmettes, et une visite par la gendarmerie dans l’habitation du père Turc ayant produit la découverte d’un couteau ensanglanté, il ne resta plus de doute alors sur la culpabilité de la famille Turc.
Telles sont les circonstances qui motivèrent l’arrestation de Pierre Turc et de ses deux fils, qui plongèrent, la femme de Jacques Turc dans le plus grand désespoir, et lui firent porter le deuil de son mari.
Il y avait déjà plusieurs mois que les Turc étaient dans les prisons de Grenoble , lorsqu’une lettre datée d’Aubenas, du 29 septembre, et portant la signature de Jacques Turc, parvint à un habitant de Valjouffrey. Cette lettre, qui annonçait uniquement que Jacques Turc jouissait d’une bonne santé, est montrée à ses parents, à ses amis ; mais on ne reconnaît ni l’écriture ni la signature de ce dernier, et on soupçonne que c’est un stratagème de la part de son père et de ses frères, pour faire illusion à la Justice. Le Maire d’Aubenas , à qui on fait part de cette lettre, répond affirmativement que Jacques Turc n’a pas paru dans sa ville depuis le mois de juin.
En cet état, de nouveaux renseignements sont donnés au Magistrat de sûreté de l’arrondissement de Grenoble : on parle d’une chemise ensanglantée lessivée chez les Turc , d’une ceinture et d’un mouchoir trouvés sur la montagne du Ramas , reconnus par la femme de Jacques Turc pour faire partie des dépouilles de son mari.
Une nouvelle instruction allait donc avoir lieu , lorsqu’un individu se présente à la Justice , annonçant qu’il vient briser les fers de trois infortunés qui gémissent dans les cachots, accusés injustement d’un assassinat horrible. Cet individu affirme qu’il est Jacques Turc lui-même, que depuis plusieurs années, absent de son pays, il n’a vu aucun de ses parents, et il demande à grands cris la liberté de son père et de ses deux frères. 
Les Magistrats, qui dans cette affaire avaient agi avec beaucoup de prudence et de circonspection , s’empressent aussitôt d’appeler la femme de Jacques , le Maire et les principaux habitants des communes de Venosc et de Valjouffrey, pour s’assurer de l’identité de celui qui se présente avec le nom de Jacques Turc. Tous les doutes sont levés ; et la Justice, convaincue de l’existence du prétendu assassiné, ordonne à l’instant même la mise en liberté de Pierre Turc et de ses deux fils. Ils avaient toujours protesté de leur innocence, et les chagrins inséparables – de leur triste position, les avaient fait tomber dans une maladie assez grave. On se représente aisément quelle scène touchante, quel coup de théâtre a produit la reconnaissance qui a eu lieu entre Jacques Turc, sa femme , son père et ses deux frères. 
Tous les spectateurs éprouvèrent la plus vive émotion ; des larmes d’attendrissement coulèrent de tous les yeux.
Voilà une famille, que tout paraissait accuser d’un crime, aujourd’hui rendue à l’honneur : une épouse retrouve l’époux dont elle portait le deuil ; une fille, dont le mariage prochain avait été rompu par l’accusation de son père et de ses deux frères, peut s’unir à celui qu’on lui destinait six personnes, enfin, passent du désespoir à la félicité.
Il paraît aujourd’hui constant, surtout d’après le procès-verbal dressé par le Maire de Valjouffrey, que le cadavre trouvé est celui d’un voyageur qui a péri par l’effet de quelque avalanche.

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