Les Vaillantes ou la condition des femmes en montagne

LES VAILLANTES OU LA CONDITION DES FEMMES EN MONTAGNE
Avec l’aimable autorisation de MM. Robert et Frédéric VAREILLES, fils et petit fils Yvonne Sévoz et de M. André SALVETTI éditeur au Bourg-d’Oisans de la première édition du livre « Un si pur souvenir ».
Première mise en ligne le 12 septembre 2010, mise à jour le 10 juillet 2022.

Quand Jean Ferrat chante la femme, il trouve dans les mots du poète Louis Aragon un plaidoyer qui résonne comme une évidence, « La femme est l’avenir de l’homme ».
Après avoir lu les quelques lignes tirées de l’ouvrage « Un si pur souvenir* (Villard Reculas 1912-1915) des contes et récits de Mme Yvonne SEVOZ », vous reconnaitrez que la condition des femmes dans les villages de montagne (comme partout ailleurs, quel que soit le milieu ou l’époque) les place au centre de tout, toutes les besognes, de toutes les souffrances, de toutes les peines sans leur donner le moindre répit que le murmure d’une prière.

« Je les connais bien les vaillantes femmes de là haut, quand peu à peu on a gagné leur confiance, qu’on les voit vivre, qu’on les écoute parler, on ne peut que les admirer. Presque toutes se marient jeunes et ne tardent pas à être mamans. Elles soignent la maison et vont aux champs. Elles partent tôt, piochent, labourent, sarclent le blé, arrachent les pommes de terre ou vont au bois selon les saisons, rentrent juste pour préparer le repas de midi, s’asseyent à peine pour manger, soigner le dernier né que la grande sœur a gardé le matin, repartent l’après-midi, et reviennent le soir harassées pour allumer le feu qui cuira la soupe. Elles devront encore traire, soigner les bêtes, laver le linge de la maison. Il en est qui, à dix heures du soir, tordent encore à la fontaine les hardes familiales, à la pauvre lueur d’une lanterne. Puis elles se couchent pour reprendre dès l’aube ce même travail qu’elles font par tous les temps, dans toutes les conditions. Malades, elles ne veulent pas se soigner ou n’y consentent que lorsque les forces les abandonnent tout à fait. Enceintes, elles accomplissent les mêmes travaux harassants et les douleurs les surprennent parfois aux champs. Elles n’ont que le temps de revenir, et dans la maison où rien n’est prêt, vient au monde un pauvre être qui mènera la même vie. Lorsqu’une d’entre elles était sur le point d’accoucher, elle allait chez sa mère, au sommet du village et une heure ou deux après la naissance de l’enfant, revenait chez elle, le bébé dans son tablier, et reprenait sa besogne. »

« Ce sont, je le répète des vaillantes, de saintes femmes. Leur vie se consume, silencieuse, sans grandes joies. Elles n’ont pas la satisfaction d’avoir un intérieur confortable, facile à entretenir, elles ne peuvent même pas s’occuper d’elles autant qu’elles le voudraient, de leurs enfants, il leur est impossible de les tenir avec cette coquetterie chère à toutes les mamans, elles doivent les confier souvent aux aînés et ce n’est pas sans inquiétude qu’elles s’en vont au travail. Beaucoup d’entre elles sortent très rarement du village. On va au chef-lieu du canton et c’est tout. Il est des aïeules qui n’ont jamais vu Grenoble. Peu d’étrangers vont à ce village que rien ne renomme. Enfin, elles n’ont aucune de ces satisfactions, de ces distractions qui allègent la tâche journalière. Leur vie est austère comme le paysage qui, de toutes parts, emplit leurs yeux. Elles gravissent douloureusement un rude sentier et n’ont comme consolation que l’espérance d’une vie meilleure après la mort. La religion est leur sentier. Elles croient naïvement, profondément, et ce serait une cruauté d’enlever leur clarté d’espoir à ces âmes, si simplement belles. Je ne sais rien de plus poignant que de les voir agenouillées à l’église, dans leurs robes sombres. Leurs figures fatiguées prennent une étrange beauté dans le recueillement de la prière. Leurs lèvres murmurent les oraisons berceuses et leurs cœurs s’éclairent. Elles s’en iront tout à l’heure, plus courageuses, affronter la besogne de chaque jour, jusqu’à l’heure où fatiguées d’avoir lutté, elles s’éteindront dans l’éternel repos. »

*Le livre de Mme Yvonne SEVOZ, « Un si pur souvenir », par l’action conjointe des associations Freneytique et Coutumes et Traditions a été réédité en septembre 2011, il est toujours disponible à la commande. 

 

Un si pur  souvenir
Par Yvonne SEVOZ
Édition : L’atelier
3e trimestre 2011
ISBN 2-84424-004-6

Disponible sur commande :  formulaire
Prix : 10 €

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