Les vieux métiers d’autrefois

Dessin R. Hostache, revue Pays d’Oisans, page 9LES VIEUX MÉTIERS D’AUTREFOIS
Extrait de la revue Pays d’Oisans, nos 29, 30 et 31, février, mars et avril 1974
Par Marius Hostache auteur du livre : Souvenirs des montagnes d’Oisans.

Nous nous permettons encore d’écrire pour vous nos souvenirs de jeunesse. Beaucoup furent vécus, d’autres racontés par nos parents et grands-parents, d’autres enfin recueillis dans les archives.

Notre plus cher désir est d’intéresser le lecteur sur la vie et les mœurs qu’ont vécues nos ancêtres à une époque révolue aujourd’hui.
Une vie intense en circuit fermé, mais attachante par son ingéniosité pour vivre et survivre en autarcie, c’est-à-dire tirer partie de chaque chose utile au profit de la vie et de la survie de la famille et des habitants de nos villages déshérités de hautes montagnes, soit de l’Oisans ou d’ailleurs.
Aucun gaspillage n’était permis, aucun effort n’était négligé, la vie était dure et austère certes, mais il y régnait la concorde, l’entraide et l’amour fraternel qui était un ferment souverain et rendait l’existence de tous et de chacun utile et agréable.
Les métiers furent nombreux et variés, car telle une ruche bourdonnante étaient nos villages, où chaque abeille ou habitant avait son rôle à jouer, suivant ses dons naturels, ses capacités, ses positions sociales.

Le curé et l’instituteur étaient incontestablement les élites de la commune, le maire et son conseil, les dirigeants administratifs, où toute décision utile était suivie et respectée.

Nous disons tous les métiers étaient indispensables à la vie harmonieuse du village et du pays tout entier, c’est-à-dire de toutes les communes ayant leurs attaches directes soit avec Le Freney, soit avec Le Bourg-d’Oisans, le chef-lieu du canton.
Le lecteur sera surpris par le grand nombre de métiers exercés à cette époque dans nos montagnes.
Des métiers rudimentaires certes, mais combien ingénieux ; beaucoup ouvrirent la voie au progrès futur et la prospérité d’aujourd’hui, que nos jeunes générations ne l’oublient pas !

Nous avons cru bon de procéder par ordre alphabétique, afin d’éviter le plus possible les oublis : 

ABATTOIRS
Bouchers par nécessité ou « tueurs de cochons ».
Chaque cultivateur ou presque, était capable et l’est encore aujourd’hui de faire le boucher ; mais certains étaient et sont aptes à le faire correctement.
Tuer le cochon est tout un art et toute une astuce. Il y aurait des pages entières à écrire à ce sujet, en partant du jour choisi pour le sacrifice, de la bonne ou de la mauvaise lune. L’on dit qu’en bonne lune vieille, la viande gonfle à la cuisson. De la disposition ou de l’indisposition de tous ou de chacun, des réserves de nourriture, des aides pour ce travail délicat et sérieux. Des gosses qui demandent à manquer l’école, à moins que ce soit un jeudi : cette grande œuvre est exécutée en fin d’année, quelquefois au printemps.

Parfois, un bon bouc gras ou une chèvre est saigné le morne jour et mis au saloir, à part du cochon bien entendu. On pourrait faire pendant des semaines des repas pantagruéliques, mais on se modère pour faire durer le plaisir et les réserves. Chaque voisin ou parent échange à tour de rôle un morceau d’échine de porc, de fricassée et de boudin, c’est la tradition. Une vraie solidarité s’établit a lorsque par accident une grosse bête périt (vache, bœuf, etc.), la bêta est alors débitée en morceaux at vendue à bas prix dans chaque village ; chacun achète selon ses besoins ou souvent ses moyens. Les chevreaux sont saignés à Pâques ou Pentecôte ; les bons agneaux ou moutons de préférence pour le 15 août ou pour les grandes fêtes et vogues locales.

AFFUTAGE et REMOULAGE
Trop connu pour en parler longuement. Nous voyons le rémouleur avec sa meule en gré, montée sur un système à roue, actionnée au pied.
Il aiguisait les rasoirs à lame, couteaux, haches, hachoirs, scies, etc., le tout « réessuyé » dans la sciure de bois et d’un prix modique.

ALIMENTATION — ÉPICERIE
Il y avait une ou plusieurs épiceries dans chaque commune. Elles étaient très peu achalandés et l’on trouvait les articles usuels sucre, café, huile, savon, sel, pétrole, riz, vinaigre. Le sucre était vendu sous forme d’un bloc conique, de cinq à dix kilos, pas facile à débiter, dur et brillant comme un cristal de roche. On trouvait également quelques boites de sardines, du vermicelle, des macaronis, pas de nouilles, on les fabriquait à la maison. C’était à peu près tout. Sauf pour le Jour de l’An, où il y avait des papillotes, des oranges et des jouets en pâte de sucre molle et colorisée, du sucre d’orge et des bonbons anglais. Pour nous les jeunes, c’était un paradis… nous n’avions rien vu de mieux ! Il y avait aussi des figues, du chocolat et des pruneaux. Nos parents garnissaient nos souliers au Nouvel An avec la plupart de ces bonnes choses. Mon Dieu que nous étions heureux. De plus, le matin, notre chère maman nous avait préparé un bon chocolat au lait ; ensuite, avant la messe, nous allions souhaiter aux parents, voisins et amis, la « Bonne Anne » et revenions à la maison les poches garnies de bien bonnes choses. Le réveillon se faisait au retour de la messe de minuit par un repas de cochon et le jour de Noël, un repas familial à midi. La vraie fête était le jour de l’An.

AMEUBLEMENT — MENUISERIE – ÉBÉNISTERIE
Tout le mobilier ou presque était fabriqué au pays. Il Y avait de très habiles menuisiers qui faisaient un peu d’ébénisterie. Tout le travail se faisait à la main. Le menuisier avait son tour à pédale, d’où il sortait des chefs-d’œuvre.
Tous étalant cultivateurs et n’exerçaient le métier du bois que pendant l’hiver. L’atelier de menuiserie était une vaste pièce, bien éclairée qui, par comble de luxe, avait un poêle à bois qui chauffait bien. Quel bonheur pour nous les jeunes écoliers lorsqu’il nous était permis d’y entrer pour voir travailler le bois par des artistes aux outils merveilleux. Le rabot ou la varlope aux tranchants bien coupants d’où, sous la pousse régulière du menuisier, sortaient des copeaux en forme de rubans colorés, vaporeux et doux, tombant sur la planche nette et propre de l’établi. Le menuisier
était aussi charpentier et il faisait ou bien réparait les toitures de nos maisons.

APICULTURE — ABEILLES
Chaque cultivateur avait son rucher au jardin, dans un coin bien abrité, mais aussi bien ensoleillé, à la belle saison d’été les ruches étaient transportées là où étaient les fleurs, plus haut dans les prairies de montagne. Les ruches étaient confectionnées avec de la paille de seigle, comme les corbeilles à blé, liées avec de fines lamelles de noisetier ou de coudrier.
Le miel était très employé, pour les rhumes et les maux de gorge dans le lait chaud où l’on ajoutait une cuillère à café de fleur de soufre.
Les abeilles essaiment en juin ; la tradition voulait que si un essaim se posait sur une propriété voisine, il lui appartenait, à moins que le propriétaire de la ruche le suive et arrive en même temps que lui.
Il y avait beaucoup de superstitions ; par exemple pour un deuil de la famille, on mettait un ruban de crêpe noir à chaque ruche.
Elles n’aimaient pas les jurons, le bruit, la mésentente dans la famille, sinon leur rendement en miel était moins bon, la ruche pouvait même en périr prétendaient certains.

ARBORICULTURE — GREFFAGE DES ARBRES
Certains cultivateurs, ou cultivatrices, semaient eux-mêmes leurs pépins d’arbres et réalisaient une petite pépinière d’arbustes qu’ils greffaient ensuite avec des greffons de bonne qualité apportes quelquefois de loin.

En plus du jardin familial, les arbres étaient plantés un peu partout dans les champs où ils avaient la possibilité de pousser et de produire de beaux fruits. Les maladies n’étaient pas connues, mais il y avait le gel à la floraison, donc de bonnes ou de mauvaises années.

Nous citerons pour mémoire « La Mariotte de Mailloz » à AURIS, une femme intelligente et intrépide, née en 1850, morte à 93 ans. Elle a greffé de nombreux arbres fruitiers dans le Haut-Oisans. Les variétés étaient nombreuses et bien choisies, depuis les plus précoces jusqu’aux plus tardives. Parmi ces variétés, citons les poires vertes longues, très sucrées, mûres en août ; les poires roses, plus petites, très abondantes, employées surtout pour faire le pain au four que l’on nommait, en patois, « paoün de parusses » ; les fameuses « cailles blettes » du FRENEY ; « la poire curé », etc.
Enfin, les pommes d’août, hélas disparues, pomme de moyenne grosseur, d’un blanc laiteux, excellente, à goût spécial ; la pomme fleur, la plus grosse ; la reinette Canada, etc.

Les noyers étaient nombreux à LA GARDE, à AURIS et au FRENEY. Les cerisiers greffés prospéraient difficilement en Haut-Oisans ; par contre le prunier, le noisetier, le griottier sont très prolifiques dans nos régions.

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