Notes sur La Grave et son canton-1re partie

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Hippolyte Müller, scientifique ethnographe français, créateur et premier conservateur du Musée dauphinois de Grenoble, en 1906. Source Wikipedia.

QUELQUES NOTES SUR LA GRAVE ET SON CANTON (1re partie)

Source : Bulletins de la Société dauphinoise d’ethnologie et d’anthropologie
Date d’édition : 01-04-1913

Sur le même sujet :
– Vie rurale au canton de la Grave
– 1815 La Grave pour un retour en Isère
– La Grave quitte l’Oisans

Quelques notes sur la Grave et son Canton (1
– Première partie

Par M. Hippolyte MÜLLER

Le voyageur qui s’achemine de Grenoble vers Briançon en suivant la petite route, lorsqu’il arrive au Freney, ne se doute pas qu’il a laissé à sa droite le véritable chemin, celui qui reliant les villages ou hameaux des Garcins, du Châtelard, de Bons, de Mont-de-Lans, de Cuculet, était autrefois le seul possible avant que les tunnels qui sont à l’entrée du Freney aient été forés.

Il est certain que la petite route de Grenoble à Briançon a succédé à l’époque romaine à une piste muletière gauloise reliant les villages des Uceni. Il est certain également que le chemin taillé dans la roche, du Châtelard à Bons, coupé par une porte taillée à même la montagne, est à attribuer aux Romains, ce qui fait donc bien comprendre que le pays était peuplé il y a plus de vingt siècles et que de tout temps cette direction, le long de la Romanche, a été très fréquentée.
C’était du reste, de Grenoble à Briançon, le trajet le plus court.
Le long de cette route de Bons, le touriste sera étonné de remarquer, surtout vers la porte romaine, deux rainures peu profondes, à peu près parallèles, creusées dans la roche formant la chaussée. Tout le monde lui répétera que ces rainures sont les traces des roues des chars. J’estime qu’il ne faut voir dans ce travail que le moyen de fixer des longrines,
lesquelles recouvertes de rondins, constituaient un chemin de bois permettant aux bêtes de somme d’avoir un sol abordable, même sur les pentes un peu fortes du trajet, sur une roche assez glissante.

1 Ces quelques pages sont destinées à servir d’introduction aux Notes sommaires sur l’hôpital de La Grave (1697-1723), par M. Aug. Favot, publiées dans le no 1 de 1913 de notre bulletin. Elles ont été composées sur la demande de M. Juge, l’aimable hôtelier de La Grave, qui avait bien voulu nous confier son précieux manuscrit.
Malheureusement les notes sur l’hôpital de La Grave étaient imprimées lorsque cette demande nous a été faite.

À Bons, à plusieurs reprises, il a été trouvé des tombes gauloises remontant à quatre ou cinq siècles avant J.-C.

Actuellement, en amont du Freney, au Chambon et au Dauphin, des chemins très praticables pour les bêtes de charge viennent rejoindre la route moderne dans une gorge d’une sauvage splendeur. Un peu plus loin, en face de la belle cascade du Rif-Tord (dans la gorge de Malleval, bien nommée), on voit, rive gauche, les ruines de l’hospice de Loche, qui fut pendant longtemps un très utile abri pour les voyageurs surpris par les intempéries.

Un peu plus loin encore, toujours dans l’étroite vallée, on arrive à ce qui fut une grande exploitation minière. La mine de plomb argentifère du Grand-Clot eut plusieurs phases d’activité, elle changea souvent de maîtres. Actuellement, les bâtiments déserts, assez bien conservés, surprennent le voyageur qui ne s’attendait pas à rencontrer en de tels lieux des témoins aussi importants de l’activité humaine.

Arrivé aux Fréaux, à la sortie de l’étroite gorge dans laquelle mugissent la Romanche et la belle cascade du Saut de la Pucelle, brusquement la vallée s’élargit, les pentes s’adoucissent et l’on arrive enfin à La Grave (1526 m.), fièrement campée sur une éminence couronnée par l’église.

Le canton de La Grave dépendait jusqu’à la Révolution de l’administration de Grenoble. À cette époque, cette région fut rattachée au département des Hautes-Alpes. Les habitants considèrent qu’il serait plus avantageux pour eux d’appartenir au département de l’Isère, avec lequel toutes leurs communications sont assurées, alors qu’en hiver les rapports avec Briançon sont très difficiles, la route passant au, col du Lautaret à 2075 mètres. Briançon n’est pourtant qu’à 27 kilomètres de La Grave.

À partir de La Grave, le paysage est considérablement modifié et l’on se sent dans une nature bien différente de celle qui s’est déroulée depuis le Bourg-d’Oisans. L’horizon s’élargit, les prairies apparaissent et les champs de pommes de terre, de seigle, d’avoine, accrochés aux pentes, donnent une haute idée de l’opiniâtreté et du génie du montagnard. Le sol de la commune de La Grave est surtout composé de schistes argileux calcaires et le massif montagneux qui l’entoure est célèbre dans le monde minéralogiste pour l’abondance et la variété des minerais, des cristaux et des roches rares qui s’y rencontrent. Tous les cabinets de minéralogie contiennent des échantillons provenant de la région.

La Grave (Parocchia de Arenis inferioribus), 1000 habitants environ, centre important pour le recrutement des meilleurs guides alpins, est un village pittoresque bien bâti et dont beaucoup de maisons portent des dates gravées sur la pierre et même des écussons armoriés.

La population est vigoureuse, active, instruite et accueillante ; à part la culture des céréales nécessaires pour l’alimentation et celle de la pomme de terre, toute l’activité des habitants s’est portée sur l’élevage du gros bétail. Les maisons sont construites pour abriter bêtes et gens confortablement et pour conserver la quantité de fourrage nécessaire aux animaux pendant l’hiver.

Autrefois, les habitants de ce canton, les hommes, quittaient le pays à l’entrée de l’hiver pour aller au-dehors gagner leur vie par différents moyens ; les uns étaient maîtres d’école, d’autres colporteurs en étoffes, merciers, d’autres enfin, marchands de graines de fleurs ; certains allaient jusqu’en Amérique, en Russie, en Angleterre exercer leur industrie ; ils revenaient ensuite au pays au printemps pour leurs travaux champêtres. Quelquefois même ils se fixaient au-dehors. Actuellement ce mouvement d’émigration hivernale s’est atténué en nombre et en distances.

Suite et fin dimanche prochain.

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