Physionomie de l’Oisans toursitique en 1956

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Vallée de Saint-Christophe en Oisans, Eugène Charpenay, Collection Musée Dauphinois.

PHYSIONOMIE DE L’OISANS

Source Gallica : Revue, l’Ami de la nature : revue du tourisme populaire
Date d’édition : 1er juillet 1956

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L’Oisans par Henri Ferrand

L’OISANS

Par Lucien Perramon
Moniteur du centre U.N.C.M (Union nationale des centres de montagne) de Bez

La F.S.G.T. (Fédération Sportive et Gymnique du Travail) a choisi cette année le massif du Mont-Blanc pour théâtre principal de ses activités Montagne : Camp international d’Alpinisme et Camp de Vacances à Montroc-le-Planet. Mais il ne s’agit pas là d’une exclusive et le témoignage de notre ami Perramon réjouira les innombrables « partisans de l’Oisans ».

DES NOMS…
NUL n’ignore la querelle de famille qui oppose encore la dénomination du « massif du Pelvoux » à celle de « massif des Écrins ».
La première garde la faveur des géologues et géographes principalement, et la deuxième, pourtant logique, d’une utilisation très réduite et réussissant mal à imposer incontestablement la primauté de la barre des Écrins trop longtemps ignorée et méconnue.
Quant au terme d’Oisans, géographiquement parlant, il ne devrait intéresser que la région où coulent la Romanche et son affluent le plus important, le Vénéon.
Vieille survivance du « Dauphineführer (Guide du Dauphiné Publié par le Club alpin autrichien) » on ne connaît guère à l’étranger que les appellations d’« Alpes du Dauphiné » ou « Haut-Dauphiné » que Félix Germain lui-même, auteur au purisme intransigeant, emploie pour intituler son dernier ouvrage.
Le choix paraît donc difficile. Il semble toutefois que l’usage s’établit de plus en plus, et en tous milieux, de désigner sous le vocable d’Oisans non pas une partie, mais l’ensemble du massif des Écrins. En nous référant, par ailleurs, tant à Jacques Boell qu’à la compagnie régionale des guides, il semble bien que c’est celui-ci qu’il convient d’adopter d’autant plus qu’il laisse une part plus belle à l’évocation et à la poésie, ce qui ne peut mieux s’accorder à un tel massif !

DES NOMS ENCORE ET… QUELQUES CHIFFRES.
Massif cristallin, frère du mont Blanc, encerclé par la Romanche au Nord, la Séveraisse au Sud, la Guisanne et la Gyronde à l’Est, la Bonne et la Malsanne à l’Ouest, l’Oisans se présente réellement comme le « château fort » des Alpes françaises et un de ses plus beaux joyaux ; nous serions tentés d’écrire le plus beau !
Outre ce fossé, il a encore du château fort l’élévation, malgré la présence d’un seul sommet de 4.000 mètres, « l’altitude moyenne y est plus élevée que dans le mont Blanc (“La Montagne”, Larousse) ; cela est dû à la présence d’un très grand nombre de sommets frisant cette altitude de 4.000 mètres.
Couvrant 50 kilomètres de large d’est en ouest (du Briançonnais au Valbonnais) et une trentaine du Nord au Sud (du Lautaret au Champléon), l’Oisans a, sur son rival haut-savoyard, l’avantage d’une superficie double ; il est, de plus, découpé de profondes vallées qui, s’insérant au cœur de la masse jusqu’au pied même des plus grands et hauts sommets (Valjouffrey, Valsemestre, Vénéon, torrent de Saint-Pierre, Romanche supérieur), ont permis à l’homme de s’établir très loin à l’intérieur (La Bérarde, à 1.730 mètres d’altitude, est à peu près au centre de l’ensemble).
L’examen du schéma orographique du massif révèle une remarquable échine faîtière qui, légèrement décalée vers l’Est et joignant la plupart des hauts sommets (Pavé, Grande-Ruine, Roche-Faurio, Ailefroide, Bans…), le coupe en deux parties inégales sur un axe où viennent s’articuler, en forme de fer à cheval, les principaux bassins intérieurs (Vénéon, Gyronde, Haute-Romanche), déterminant ainsi trois grandes zones de pénétration humaine et d’exploitation alpine.
Cette véritable épine dorsale qui culmine aux 4.086 m du pic Lory, à une distance insignifiante des 4.101 m de la “Barre”, ne présente entre ses extrémités, c’est-à-dire de la Meije orientale (3.890 m) au Sirac (3.240 m), soit sur un parcours de plus de 30 km, que quelques passages relativement faciles et usités, mais d’une altitude au demeurant assez élevée : col du Clôt des Cavales (3.164 m), col des Écrins (3.367 m), col de la Temple (3.322 m) et du Sélé (3.278 m).
Ceci ne fait qu’accentuer la diversité d’un massif où chaque sommet présente un caractère parfait d’originalité et d’individualité qui contribue puissamment au charme de l’ensemble et à la joie d’une découverte fréquemment renouvelée.
Notons enfin, pour être complet, hors de l’axe médian, les principaux sommets suivants :
— Au nord : le Rateau, le grand pic de la Meije, le pic Gaspard ;
— Au nord-ouest : l’aiguille du Plat de la Selle, la Dibona ;
— Au sud-ouest : la Muselle, les Arias, l’Olan, les Rovies ;
— Au nord-est : les Agneaux ;
— Au sud-est : le Pic sans Nom et le Pelvoux.
Recevant beaucoup moins de précipitation et plus méridional, l’Oisans a un appareil glaciaire plus réduit que le mont Blanc. Cependant, les beaux glaciers n’y font pas défaut et il convient de citer, entre autres, les glaciers Noir et blanc, celui de la Pilatte, la calotte glaciaire du Mont-de-Lans (une des plus remarquables de France, environ 15 km 2 de superficie), l’admirable cataracte du glacier des Violettes au Pelvoux, le glacier suspendu de la Meije ou “Glacier Carré”.

PHYSIONOMIE ACTUELLE DE L’OISANS
Malgré une exploration alpine pratiquement achevée (quelques très belles répétitions attendent les amateurs, mais les candidats aux grandes premières n’ont plus grand-chose à se mettre sous la dent !), il semble bien que l’Oisans présente, sur le mont Blanc, l’avantage d’une virginité relative, épargné qu’il est jusqu’à maintenant par une mécanisation et une commercialisation intenses.
Aucun câble de téléphérique ne se profile encore sur le ciel “le plus bleu de France”, la “marée” ne dépasse pas ou guère le niveau de la Bérarde et le Pré de Madame Carle, enfin, aucun caravansérail du genre Montenvers n’est venu enlaidir ce véritable parc national que constitue l’Oisans.
Ce serait être aveugle que de nier pourtant le développement et la popularisation de l’alpinisme ici comme ailleurs ; développement servi par la publication d’un guide établi sur les mêmes bases que ceux du mont Blanc. Ce guide, qui a remplacé fort à propos l’ouvrage du commandant Gaillard (2), a incontestablement “stimulé” l’exploration et aidé à la transformation d’escalades exceptionnelles en courses classiques ».
L’Oisans fait réellement « moins fréquenté » que le Mont-Blanc ; nous ne le déplorerons que dans la mesure où, supposant un meilleur équipement en refuges, nous estimons bien sincèrement qu’il pourrait sans atteindre la saturation, supporter allègrement une fréquentation beaucoup plus grande (de l’ordre du simple au double au moins dans certains cas).

LE « TERRAIN DE JEU »
Aiguilles élancées, dômes débonnaires, clochetons aériens, brèches vertigineuses, cols commodes, arêtes effilées, couloirs redressés, piliers puissants, l’Oisans a besoin de toute la terminologie alpine pour être défini. C’est dire qu’il offre le choix le plus incomparablement par fait à toutes les catégories d’alpinistes qu’ils soient simples débutants, randonneurs acharnés ou affamés de Ve et VIe degrés ! (la densité de cet article m’oblige, hélas ! à renvoyer le lecteur au guide du massif pour le choix des courses).

AUTRES AVANTAGES DE L’OISANS
a) Le climat : bien moins de précipitations qu’en Savoie et, partant, conditions toujours meilleures ; chaleur et ensoleillement qui remettent plus vite en condition ; camping et bivouac plus agréables, couleur.
b) Grand choix de courses faciles et beaux belvédères procurant, pour un effort réduit, les plus belles et plus pures jouissances esthétiques ; combinaisons infinies de raids à l’intérieur du massif, formule attachante s’il en est et semblant retenir les faveurs de beaucoup, particulièrement dans les clubs et sections de montagne de la F.S.G.T.

Que les difficiles me permettent de leur rappeler que le spectacle des faces nord du glacier Noir, de la Meije et du Râteau soutient la comparaison avec ce que leur offre Chamonix et que s’ils ne sont pas touchés par la sveltesse de la Dibona et la beauté minérale de la muraille Sud de la Meije ou impressionnés par les 1.100 mètres du pilier Sud des Écrins, ils n’ont plus grand-chose à espérer !
Longueur et raideur des marches d’approche ? Dois-je citer Albert Ier, Argentières, le glacier de Tré-la-tête ? Certes, aucun train à crémaillère, aucun téléphérique ne nous dépose encore au refuge du Promontoire ou au pied de l’arête de Sialouze, mais j’espère pour vous que vous n’êtes pas déjà des alpinistes de cet « an 2.000 » prophétisé par Samivel (avait-il prévu le téléphérique Midi-Géant ?). Seuls, les professionnels peuvent retirer quelque avantage matériel à la mécanisation de leur massif : les amateurs y perdront toujours !

La qualité du rocher ? Autre légende ! Le mauvais terrain n’est pas l’apanage du seul Oisans. Je ne citerai aucun nom pour ne pas chagriner mes amis chamoniards, mais les alpinistes de bonne foi conviendront avec moi qu’on peut trouver de l’excellent granit ici aussi et plus souvent qu’on ne le pense généralement.
Je prétends enfin que le style de l’escalade en général, de l’escalade difficile en particulier, est totalement différent et plus agréable en Oisans. Les coincements douloureux et les ramonages éreintants y sont pratiquement inconnus, l’escalade extérieure est reine et l’exposition remplace la fatigue. Je souhaite au plus grand nombre de « pianoter » un jour sur ces belles dalles roses et ensoleillées où ils auront la sensation unique d’échapper à la dure loi de la pesanteur. (Je ne connais pas, à ce propos, de passage aussi typique et enivrant que la traversée terminale de l’arête Ouest du Pic sans Nom).
Et puisque dans ce chapitre j’ai insensiblement quitté le sol, laissez-moi tout de même conseiller trois ascensions aux plus mordus : la face sud du Pavé en rocher nur, le pilier Sud des Écrins pour le cadre et l’ambiance et la plus belle combinaison neige et rocher : versant nord du col du Pelvoux, couloir Mettrier, glacier des Violettes.

Mais, que les débutants se rassurent : l’Oisans est à leur mesure !
L’U.N.C.M. a établi ses centres sur la périphérie du massif et ceci pour répondre au mieux à sa double vocation saisonnière par un emploi judicieux des remontées mécaniques garantes de progrès techniques plus rapides. C’est ainsi que nous rencontrons quatre centres dans la seule vallée de la Guisanne (Secteur de Serre-Chevalier) : Moulin-Baron, Villeneuve, le Bez, Monétier-les-Bains ; il faut y ajouter celui de l’Alpe de Venosc, à cheval entre Vénéon et Romanche. Dernier né, le centre des Étages occupera cet été une place privilégiée au cœur même du massif.
Si l’on songe que les centres les plus éloignés, tels que Brunissard, Valloire et Saint-Sorlin prospectent l’Oisans fréquemment pour mener à bien leurs activités alpines, on se rend compte que le massif draine à lui plus de la moitié de l’Union (neuf centres sur seize cet été).
Dix années de pratique ont permis l’établissement de programmes convenant à tous les niveaux de stagiaires dans les meilleures conditions de succès et de sécurité.

Donc, à cet été peut-être !

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