Tragédie à Venosc : analyse d’un article de presse de 1861

TRAGÉDIE À VENOSC : ANALYSE D’UN ARTICLE DE PRESSE DE 1861
S’arrêter à la seule lecture de cet article laisse en suspens quelques interrogations, voire une hypothèse erronée de l’histoire. Une lecture croisée avec l’acte de décès apporte alors des éclaircissements, balaie les doutes et corrige les mauvaises interprétations des faits.
Méfions-nous des mots et des histoires qu’ils nous racontent.

Impartial Dauphinois du 19 septembre 1861 dans la Chronique Locale.

À Venosc, un enfant, âgé de neuf ans, nommé Étienne Marizot, appartenant à des cultivateurs de cette commune, s’est précipité en conduisant des vaches au pâturage, de la montagne de Combe-Noire. Le lendemain matin, son corps a été retrouvé au fond de l’abîme.

Si l’on considère ce seul texte, plusieurs choses sont troublantes :
« Étienne Marizot, appartenant à des cultivateurs » la formulation est ambiguë. Deux interprétations sont envisageables : soit l’on peut supposer que le jeune garçon faisait partie de la famille des cultivateurs, ou qu’il était  la « propriété » du cultivateur, comme un enfant placé. Le nom des cultivateurs n’est pas indiqué. La famille « Marizot » n’a pas fait souche à Venosc ce qui pourrait confirmer que l’enfant était étranger au village, comme un enfant placé.
Toutefois un autre patronyme très proche, celui de la famille « Marigot » y est connu sur les hameaux de l’Alleau ou du Bourg-d’Arud.

« conduisant des vaches au pâturage », si toutes les vaches (combien ?) étaient au même cultivateur, c’était un homme aisé. 
Il est plus probable que « les vaches » soit toutes les vaches d’un hameau groupées avec l’accord des propriétaires pour être gardées par le jeune garçon berger à l’alpage. 

« s’est précipité », laisse supposer un acte volontaire, comme un suicide. Peut-on alors considérer que ce geste désespéré d’un enfant de 9 ans était sans doute lié à ses conditions de placement ? 
Cependant, cette tournure de phrase est à remettre dans le contexte de l’époque, elle voulait dire littéralement qu’il est tombé dans le précipice.

« de la montagne de Combe-Noire »  le lieu dit de « la » Combe-Noire de l’alpe de Venosc est tristement connu pour un grand nombre de suicides et d’accidents mortels qui y sont recensés. 
S’il est bien question de la même Combe-Noire toujours nommée ainsi aujourd’hui. La consultation d’un cadastre napoléonien serait intéressante pour ce point.

Une lecture superficielle (sans prendre en considération mes indications en texte orange) de cet article peut laisser supposer, pour un esprit fertile, que le jeune Étienne Marizot, âgé de 9 ans, placé dans une famille aisée de Venosc, s’est précipité dans la Combe-Noire.
Et d’en déduire : que ses conditions de placement ne sont sans doute pas étrangères à ce geste désespéré.

Si l’on consulte l’acte de décès, aux archives en ligne de l’Isère, l’histoire et la conclusion ne sont plus les mêmes. 

Retranscription de l’acte de décès, document 293, No 20 Etienne Marigot 

L’an mil huit cent soixante-un, le trois septembre, à midi, par devant nous Joseph Garden, Maire officier de l’état civil de Venosc, sont comparus, Joseph Bert, agé de cinquante-un ans et Jean Garden âgé de quarante-quatre, tous deux cultivateurs, domiciliés dans cette commune, lesquels nous … déclaré qu’Etienne Marigot, berger, natif du village du Pleynet, y demeurant, fils d’Etienne Marigot et de Marguerite-Catherine Garden, tous deux cultivateurs, domiciliés au dit village, est décédé hier à huit heures du matin au dit lieu, à l’âge de neuf ans et deux mois. Après nous être personnellement assuré du décès, nous en avons dressé acte que nous avons signé avec les déclarants après lecture à eux faite.

Signatures Joseph Bert, Joseph Garden, Jean Garden

Ce deuxième texte nous apprend que le jeune Étienne s’appelle Marigot et non Marizot, qu’il est originaire du village du Pleynet (l’un des derniers hameaux situés sur le chemin qui mène au Lac de la Muzelle), qu’il était berger, et que l’enfant est décédé au Pleynet à huit heures du matin. 

Une nouvelle conclusion s’impose, le jeune garçon était un enfant du pays, il était berger et devait sans doute garder les vaches du hameau et peut-être des hameaux alentours, il s’est tué accidentellement en dérochant dans une combe près de sa maison alors qu’il menait ses bêtes aux pâturages, semble-t-il. 
Ce genre d’accident impliquant des jeunes enfants gardiens de troupeaux, sans être courant, n’était malheureusement pas rare en montagne. 

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