Travaux agricoles à St-Christophe-en-Oisans

Église de Saint-Christophe en Oisans en 1921

TRAVAUX AGRICOLES À ST-CHRISTOPHE-EN-OISANS

Sur le même sujet : 
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– La vie rurale au canton de La Grave

Source : Persée
La vie dans une cellule de Montagne : Saint-Christophe-en-Oisans
Extrait d’un article publié dans la Revue de Géographie Alpine en 1953
Texte de Mme Annie ILLAIRE

Les durs travaux de l’été (années 50).
À cette saison morte pendant laquelle l’habitant vit sur ses économies et ses provisions, et le bétail, sur le fourrage emmagasiné, succède une saison courte, trop courte pour les nombreux travaux à effectuer ; ces travaux sont très pénibles, ils nécessitent de longues marches et les fardeaux se portent à dos d’homme, encore plus qu’autrefois, car les mulets sont devenus rares, et ils s’accomplissent à un rythme précipité, surtout quand la neige libère tard le sol, et à la fin de l’été dans la crainte de gelées précoces.

Les travaux agricoles
— Avant de pouvoir cultiver, il faut remettre les champs en état. Parfois même, on doit faire fondre la neige artificiellement quand elle est trop lente à le faire. C’est ce qu’on appelle « noircir la neige ». La Bérarde utilise cette pratique tous les ans sur l’emplacement des jardins, Saint-Christophe par exception au printemps 1951. Il s’agit de déposer de la suie ou de la terre très noire sur la neige dont la vitesse de fonte double. Cette opération ne débute pas avant le 25 mars ; s’il fait beau, dès le 20 avril, on peut cultiver. L’empierrement des champs doit être renouvelé tous les ans ; les pierres, ramassées une par une, forment sur le bord des champs des tas parfois volumineux. Le Puy l’emporte au point de vue nombre, tandis que Lanchâtra a la possibilité de s’en débarrasser en les jetant dans le ravin. Sur l’emplacement des avalanches, le travail est beaucoup plus considérable. Il faut enfin remonter la terre des champs labourés que la pente fait glisser vers le bas. En second lieu, la « fumure » est une opération nécessaire, car les sols sont extrêmement pauvres, surtout à la Bérarde où ils ne contiennent pas une seule trace de chaux. Cependant aucun amendement n’est pratiqué et les engrais chimiques sont inconnus. Seul le fumier est déposé sur les champs. Dès mars et parfois même fin février, ceux qui n’ont pas de mulet et dont les champs sont en dessous du hameau « lugent » le fumier, c’est-à-dire profitent de la pente enneigée pour le faire descendre sur des traîneaux ; ils creusent un trou, y déversent le fumier et le recouvrent de neige. Les autres attendent la fonte des neiges et ce sont les mulets qui en font le transport au moyen de « bisaches », deux longues poches fixées de chaque côté d’un bât. Cette fumure n’est pas assez efficace pour améliorer les rendements, car d’autres dangers risquent encore d’affaiblir les récoltes.
Les sols souffrent tous de la sécheresse, car les éboulis donnent des sols légers et perméables. Partout s’impose la nécessité d’arroser. On a créé de véritables réseaux d’irrigation en particulier aux Étages grâce au ruisseau du vallon des Étages pour « l’envers » et au ruisseau descendant du Rouget pour « l’endroit ». Celui du Diable permet d’arroser à Saint-Christophe et jusqu’aux Granges et à Bernardière ; une prise d’eau est ménagée en haut de la gorge qui raccorde la vallée de la Selle avec le Vénéon, sous la passerelle des Prés ; l’eau descend par une rigole qui traverse la route et se ramifie ; elle est ainsi dérivée dans tous les champs ; les propriétaires s’entendent entre eux pour en profiter à tour de rôle. Au Puy, la sécheresse est permanente et il y a encore quelques années, le hameau était sans eau ; une canalisation vient d’être réalisée.
Le gel nécessite aussi certaines précautions ; pour éviter les gelées tardives, on ne plante les pommes de terre qu’en avril-mai, et quelquefois début juin, toujours trois semaines après Venosc. Elles sont surtout menacées en automne et il faut les arracher à partir du 20 septembre à la Bérarde, vers le 15 octobre à Saint-Christophe. Le seigle craint le gel au printemps seulement quand le grain est formé trop tôt ; cela n’arrive qu’une année sur dix, en 1949 par exemple. La gelée est funeste pour le seigle quand il approche de sa maturité, car elle fait tomber le grain, comme cela est arrivé avant le 14 juillet 1951. Enfin une trop grande humidité due à des brouillards fréquents fait pourrir les pommes de terre en fin d’été ; la récolte de 1951 en a particulièrement souffert. De telles conditions du sol et de climat limitent la variété des cultures.
Parmi les légumes, de nombreuses espèces sont éliminées ; seuls des polis d’une espèce particulière qui sèchent sur pied comme des haricots et les choux-raves paraissent bien adaptés aux hautes terres ; ces derniers sont de qualité exceptionnelle de la Bérarde à Préclot ; déjà à Saint-Christophe, ils sont moins bons. Les arbres fruitiers atteignent leur limite extrême ; cependant, dans un site abrité, les cerisiers et surtout les pruniers Reine-Claude deviennent à la Ville des arbres normaux, tandis que les poiriers ne donnent que des embryons de fruits. Au Puy, à cause du vent, il n’y en a aucun. La vigne est exclue ; un plant apporté d’Ardèche, placé sous la Vierge du Collet à l’abri du vent et bien ensoleillé, n’a pas donné de résultat.
Les pommes de terre, culture idéale de la vallée, trouvent dans les éboulis leur terrain d’élection. Il est important de souligner que la qualité des pommes de terre provient du terrain et non de l’espèce. Elles s’améliorent d’année en année alors que les pommes de terre réussissent moins bien lorsque les semences viennent d’être renouvelées.
Le seigle est la céréale la plus répandue ; le blé, cultivé autrefois à Lanchâtra, a disparu ; on en sème encore un peu au Puy. Le seigle du printemps, semé à Saint-Christophe en mai-juin et quelquefois en avril, est récolté en août-septembre ; le grain est fort petit. À la Bérarde, coupé en vert en début d’août, il sert de fourrage ; si on le laisse mûrir, on le récolte en octobre seulement. L’orge et l’avoine, cultivées en petite quantité, sont aussi des céréales de printemps, mais de mauvaise venue. Seul le seigle d’automne, après un cycle végétatif d’un an, donne quelques résultats.
Le seigle d’automne exige deux labours préalables. Le premier s’appelle « soulever », c’est un labourage relativement profond effectué en juin-juillet avec une petite Brabant tirée par deux mulets (loués ou prêtés). Le second labour consiste à « biner », c’est-à-dire à retourner très légèrement la terre avec un araire en bois dont seul le soc est en fer. Les semailles se font au 15 août à Saint-Christophe, un peu avant aux Étages et à la Bérarde. Ce n’est qu’en juillet et en août de l’année suivante que se fait la moisson à la faucille, quelquefois avec une faux quand le seigle n’est pas couché. Les gerbes appelées « bourles » sont disposées de manière à faciliter le séchage. Du champ à la grange, les bourles se transportent à dos d’homme, enveloppées dans une grande toile pour que sous les cahots de la marche, le grain ne s’échappe pas. Jusqu’au battage, le seigle continue à sécher dans des greniers ouverts au midi. Autrefois on battait le grain au fléau ; maintenant on emploie un procédé encore plus élémentaire, mais qui, d’après les habitants, donne un meilleur rendement en vitesse. Il s’agit de s’emparer d’une gerbe et de la taper contre un mur ou une planche ; le grain tombe. Pour achever le battage, les gerbes sont déposées sur le sol et frappées avec deux bâtons de 70 cm maniés verticalement comme des baguettes de tambour. Le pays compte deux ou trois batteuses mécaniques que possèdent des paysans moins pauvres que les autres.
Avec l’introduction des prairies artificielles, la rotation des cultures a été améliorée. Après les pommes de terre et le seigle, les champs portent de la luzerne qui dure plusieurs années, très rarement du sainfoin qui ne tient qu’un an. En association avec le seigle d’automne, on met du trèfle qu’on ne sème sur le seigle que le printemps suivant, ce qui permet de faire la moisson avant que le trèfle ne soit trop haut ; la luzerne est fauchée à la faux, le trèfle à la faucille. Les conditions naturelles et humaines excluent d’autres perfectionnements. Les méthodes d’élevage apparaissent tout aussi rudimentaires.

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