Choses de l’Oisans d’hier et d’aujourd’hui… en 1903

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Source : Gallica
Revue : Le Dauphiné, courrier des eaux thermales de la région : revue littéraire et artistique paraissant…
Date d’édition : 17 mai 1903

Choses de l’Oisans d’hier et d’aujourd’hui
Par Xavier Drevet

Quand vous visiterez l’Oisans, si dans son parler courant un habitant vous dit que sa bête est connaissante, méfiez-vous ; il vous a prévenu que son mulet ne connaît que son maître. Pour les autres, il n’y a guère à récolter dans le voisinage que… coups de pied ou coups de dent. Cette particularité de l’animal est bien constatée en effet par cette histoire de la mule et des loups à Huez qui se trouve racontée dans les Légendes Dauphinoises.

La Romanche est bien malheureuse pour le quart d’heure. En certains endroits de son cours, on pourrait croire qu’elle est en perte, comme le Rhône, ou plutôt qu’elle est devenue un petit Mançanarès. Et Alexandre Dumas, le père s’entend, n’est pas là pour lui faire l’aumône d’un verre d’eau ; non plus la Société pour la Protection des sites pittoresques qui n’aime pas les longs tuyaux industriels près des cours d’eau de France. Cette dernière n’a pas tout à fait tort.

Aussi on comprend maintenant pourquoi en Dauphiné on a la précaution de ne pas attirer les voyageurs pendant la saison froide en raréfiant à outrance les moyens de transport, puisqu’à Séchilienne ou à Livet par exemple on ne voit plus que de grosses pierres et à peine quelques gouttes d’eau, là où passe pendant l’été le fougueux torrent dauphinois si connu dans le monde. Qu’est-il devenu ? Allez le voir ; le tramway des V. F. D. ne demande qu’à vous transporter quatre fois par jour et confortablement dans ces gorges sauvages. Le fait est assez nouveau pour mériter une promenade.

De tous les torrents de l’Oisans, l’Eau-d’Olle, qui réunit sur les trois communes d’Allemont, d’Oz et de Vaujany l’écoulement des glaciers des massifs célèbres de Belledonne et des Grandes-Rousses, est appelée à fournir d’ici peu l’une des plus fortes chutes qui existeront dans nos montagnes ; 18 000 chevaux ne sont pas pour effrayer nos ingénieurs. À côté d’elle deux autres sont à vendre, 3 700 et 1 160 chevaux encore. Avis au public ! (Ceci n’est pas une réclame. Croyez bien, lecteurs, que nous n’avons pas reçu un centime du Syndicat hydraulique pour vous apprendre cette nouvelle).

Puisque nous en sommes à ce chapitre, signalons encore sur la Romanche quatre autres chutes ayant comme forces moyennes 950 (une misère !), 4,500, 8,600 et 8,900 chevaux.

Et, continuant l’indiscrétion, poussons jusqu’au Vénéon qui, lui, offre des forces de 3,000, 3,850 et même 10,400 chevaux. Tout cela sans user le moins du monde notre bonne eau ; quelle merveille !

On dira ce que l’on voudra, mais, vrai, je ne reconnais plus mon Oisans. De Vizille au Bourg il y a aujourd’hui des usines sur toute la ligne occupant presque à chaque kilomètre des centaines qui, réunies, ont vite fait des milliers de travailleurs.

Autrefois, un haut-fourneau à Rioupéroux, une fonderie intermittente à Allemont, et voilà tout ou à peu près.

Maintenant, c’est, la nuit entière, un ronflement incessant dans la vaste cité ouvrière que sont devenues les gorges de Livet ; à toutes les larges baies de l’Usine flamboient, comme à Gavet, des lueurs qui semblent sortir de l’enfer. Et si, le soir, vous revenez en chemin de fer, au lieu des montagnards au parler rude que l’on coudoyait pendant de longues heures naguère encore, sur les banquettes rembourrées de noyaux de pèche d’une diligence toujours trop remplie, à présent notre oreille est rassasiée de volts, ampères, potentiel, etc., littérature dont nourrissent leur conversation MM. les ingénieurs français et étrangers, car il y a de tout, qui viennent entre deux trains se délasser des x dans le Grenoble civilisé. Il est vrai que, parfois aussi nous avons eu l’heureuse chance de rencontrer en leur compagnie les femmes aimables ou filles, un peu exilées là-haut, de ces mêmes ingénieurs ou directeurs et que, alors, le charme de leur trop courte conversation a eu vite fait de nous faire passer sur bien des méfaits modernes.

Xavier DREVET.

Nécrologie de Xavier Drevet éditeur Dauphinois. Sa femme Louise crée le journal Le Dauphiné dans sa première formule fut publié en 1864, après son décès survenu en 1889, il prendra sa suite en jusqu’en 1904.

Les Alpes pittoresques,
Date d’édition du 1er décembre 1904

NÉCROLOGIE
La presse dauphinoise, — et plus spécialement la presse artistique et littéraire de cette province, — vient de faire une perte sérieuse en la personne de notre excellent confrère, Xavier Drevet, directeur de la revue Le Dauphine et doyen de la presse locale.

Continuateur de l’œuvre entreprise par Mme Louise Drevet, — fondatrice, il y a une quarantaine d’années, de cette revue, écrivain distingué et auteur de nombreux romans, — dont, plus que l’époux attentif et tendre, il avait été le collaborateur assidu et discret, M. Xavier-Drevet éditait son Dauphiné avec amour, avec passion, avec une remarquable expérience, non sans laisser percer à tout instant le culte que, dans le fond de son cœur, il gardait pour la chère défunte, avec une touchante fidélité.

C’est dire qu’il était par-dessus tout un homme sensible et bon, — entouré par conséquent d’estime et de sympathie, — d’une bonté qui n’avait d’égale que la droiture de son caractère, incapable d’une déloyauté.

Pour lui succéder, à la tête de son journal et de sa librairie. M. Xavier Drevet laisse, d’ailleurs, un fils actif, aimable et sage, rompu aux exigences de sa profession, élevé dans les principes paternels et qui saura perpétuer les traditions de labeur, de probité et de courtoisie de la Maison.
À ce fils, si profondément affligé par cette cruelle épreuve, nous présentons l’expression de nos confraternelles et bien sincères condoléances.

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