Une école mutuelle à Bourg-d’Oisans en 1817

Maitre d’école

UNE ÉCOLE MUTUELLE À BOURG-D’OISANS EN 1817
Texte extrait du Journal d’éducation Mars 1817
Graphie originale respectée.

Nota :
La méthode mutuelle s’inscrit en opposition à la méthode dite simultanée (par niveau), introduite dans l’enseignement primaire à la fin du XVIIe siècle par Jean-Baptiste de La Salle. La méthode mutuelle (ou école mutuelle) organise son enseignement autour d’un seul maître qui appuie principalement l’apprentissage par la coopération d’élèves studieux appelés « officiers », qui le secondent pour la surveillance des cours et des leçons vers les plus jeunes…
L’école mutuelle permettait aussi d’étendre l’enseignement élémentaire public sur la presque totalité du territoire, avec un nombre limité de maîtres d’école formés et à moindre coût.

Pour en savoir plus, un article très complet :  Enseignement Mutuel

Note sur l’école du Bourg-d’Oisans

IL a été ouvert, au mois de janvier dernier, une école d’enseignement mutuel1 au Bourg-d’Oisans département de l’Isère. Elle est dirigée par le sieur Pichon jeune homme honnête et intelligent, qui est natif de ces montagnes, où il a déjà tenu l’école pendant plusieurs hivers, suivant les anciens procédés. Il a ensuite été placé chez les frères de la doctrine chrétienne, et envoyé, le mois de novembre dernier, à Paris, où, au bout de quelques semaines, il a subi l’examen et obtenu les certificats de capacité.

L’école du Bourg-d’Oisans est établie dans un bâtiment communal que le maire a offert à cet effet. Le nombre des enfans est de cent vingt, et serait plus grand si le local le permettait. On se propose de l’agrandir incessamment. Ce nouvel établissement débute avec un succès qui enchante tous les habitants : ils sont en particulier surpris de l’empressement que mettent les enfans a participer à ce nouveau mode d’instruction ; on les voit assiéger les portes avant qu’elles s’ouvrent, hâter leur déjeuner pour s’y rendre ; et désormais l’ancien proverbe « du chemin de l’école », ne s’entendra au Bourg-d’Oisans « que du chemin le plus court pour s’y rendre ».

Le Bourg-d’Oisans est le chef lieu d’un canton de vingt-deux communes situées dans les plus âpres montagnes et au débouché de celles de Briançon, qui, de temps immémorial, fournissent des maîtres d’école aux campagnes de plusieurs provinces voisines. Cette localité semble particulièrement favorable pour servir de siège a une espèce d’école normale d’enseignement mutuel et en répandre les procédés au loin en y familiarisant tous les instituteurs montagnards qui s’arrêtent au Bourg-d’Oisans, en commençant leur campagne d’hiver. On trouve dans les environs des carrières d’ardoises, dont les débris offrent, presque sans frais, celles nécessaires à l’école et pourraient en fournir à la France entière. Déjà l’un des membres de la société, M. le colonel du génie Girod de Novillars, en a fait tailler pour les envoyer à Besançon où elles sont chères.
On trouve également sur les lieux diverses espèces de matières propres à servir de crayon pour l’ardoise, et on est à portée du talc de Briançon, qui est si convenable pour eu tenir lieu.

Au reste, l’école du Bourg-d’Oisans a été fondée dans dès vues plus étendues que la simple application de la méthode d’enseignement mutuel. Son premier auteur, M.Camille Teisseire de Grenoble a eu l’intention d’en faire une pépinière de maires d’école, qui, sous le nom de frères des écoles chrétiennes des campagnes, puissent, à l’exemple de ceux des villes, y diriger, sous tous les rapports la première instruction des enfans. Ces frères doivent vivre non-seulement de la modique rétribution des élèves, mais avant tout du travail ; de leurs mains et de la culture d’un champ d’une étendue suffisante, mis à leur disposition par les communes qui voudront les employer. Cette destination peut d’autant mieux se lier à l’instruction des enfans des campagnes, que l’époque des travaux principaux de l’agriculture est celle ou la plupart de ces enfans ne peuvent pas suivre les écoles, qui restent souvent fermées pendant toute la belle saison.

Dans la maison d’institution qui est celle même du Bourg-d’Oisans ces frères seront exercés aux principaux travaux sur le bois et le fer, pour suppléer, au besoin, aux charrons maréchaux etc.

Réunis par des sentimens religieux et soumis à une discipline régulière, les frères resteront toujours libres de quitter leur congrégation : ceux qui y resteraient attachés seront entretenus dans leur vieillesse.

Cette institution, réunissant dans une organisation raisonnable et appropriée aux circonstances le zèle et l’activité des motifs religieux à l’exercice pratique de toutes les connaissances utiles aux habitans des campagnes paraît éminemment propre à y propager l’instruction. L’adoption qu’elle fait, dès son début, des procédés de la nouvelle méthode d’enseignement, ne peut que multiplier ses moyens de succès elle y trouvera notamment un instrument économique et abrégé dont le besoin est d’autant plus senti, que la lenteur et les frais prolongés de l’enseignement ordinaire ont contribué beaucoup à empêcher ses progrès dans les campagnes.

Le respectable M. Col, curé du Bourg-d’Oisans, concourt avec zèle à cette précieuse institution qui réunit déjà plusieurs sujets de mérite, et qui a obtenu l’approbation des principales autorités. M. Faure, maire de ladite commune, et le conseil municipal, la favorisent autant qu’il dépend d’eux, et viennent de lui affecter 50 arpens de graviers entièrement infertiles mais qui seront successivement mis en valeur par le travail assidu des frères, exerces presque tous dès l’enfance, aux travaux de l’agriculture.
Si cette institution qui paraît sagement combinée pour se soutenir et s’étendre d’elle-même, répond aux espérances qu’on s’en est formées, elle contribuera à remplir dans les communes rurales les lacunes de l’enseignement primaire elle pourrait y joindre le modèle et l’application des bons procédés d’agriculture, multiplier pour les habitans des campagnes les sources d’une Instruction morale et religieuse, et leur donner de nouveaux motifs de s’attacher à leur honorable profession.

Nous finirons par observer que la méthode d’enseignement mutuel n’a trouvée dans le département de l’Isère ni les mêmes obstacles, ni les mêmes préventions qu’elle a rencontrés dans d’autres localités des ecclésiastiques les plus distingués du diocèse la comparaient ingénieusement à la navette volante, substituée dans nos tissages à la navette ordinaire.

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