Une escargotière à Bourg-d’Oisans

UNE ESCARGOTIÈRE À BOURG-D’OISANS
Article paru dans le Bourcain indépendant, No12, mai 1990.

Des escargotières romaines aux remèdes contre la toux de nos grands-mères, l’escargot poursuit sa route à travers les siècles.
Si maintenant la production naturelle ne suffit plus, Bourg-d’Oisans a connu l’époque des années 30 où le ramassage seul suffisait à produire des conserves renommées.
En Grèce, Algérie, Taiwan, les récoltes se font encore ainsi grâce au seul ramassage.

À l’époque, aux Sables, au printemps, on rattelait pour éviter de laisser pourrir le foin : les escargots se touchaient côte à côte.
Un esprit inventif, ancien mécanicien de Guyemer, inventeur du premier téléski à l’Alpe d’Huez avec son copain Pomagalski, le « père Mourra » générateur d’une dynastie hôtelière eut l’intuition qu’une industrie florissante pouvait naître.
Émile Girotru des Sables nous raconte : C’était en 33-34 à l’époque j’avais 8 ans. De bon matin, l’été vers 5 heures, nous partions avec ma mère de La Garde au sommet du Signal devenu le paradis des Skieurs. Seul le café Rajon existait.
Après ces 800 m de montée, nous remplissions nos sacs à sel à la descente de milliers de ces animaux qui marchent sur le ventre.
Croyez-le si vous le voulez, nous arrivions généralement à remplir 3 sacs de 50 kg.
Nous laissions le sac sur le bord de la route et il ne restait plus à Colomb Léandre, pionnier de l’Alpe d’Huez, conduisant un car Saurer au grand nez à ramasser un sac et les amener à la Morlière par une route non goudronnée où on reprenait les virages à deux fois.
Une anecdote : plus on montait, plus les escargots étaient gros.
Je me rappelle aussi que Monsieur Mourra me donnait 10 cts par semaine pour la tirelire. Puis commençait à la Morlière le fastidieux nettoyage de ces milliers de Bourgogne. Une image fugitive encore : je me souviens des trous de 3 à 4 m de profondeur où on jetait les coquilles.
Après avoir estivé dans des grands parcs, à l’automne commençait le décoquillage des bêtes à cornes.
Après la cuisson, il me fallait décortiquer.
Je n’étais pas seul : Dédée Macqueret (Mme Marijon), M. Souchon des Alberges et beaucoup d’autres dont j’ai oublié le nom U’ai des excuses, c’était il y a 50 ans) m’aidaient à cette tâche peu amusante pour un enfant de 8 ans.
Après la cuisson, après le décorticage, les escargots étaient mis en boîtes de conserve.
Stockage et ensuite départ de ces animaux à la lenteur légendaire par le train Bourg-d’Oisans — Grenoble, c’était il y a 55 ans… Bien naturellement la marque des escargots en conserve était « Le Chamois ».
Plus tard, il y eut l’incendie de la Morlière et les touristes remplacèrent les escargots.
Le “père Mourra vit maintenant au nord de Grenoble, nonagénaire toujours actif.
Certes Armand, André, Ginette ne reprendront jamais le flambeau, mais lors des prochains réveillons peut-être se rappelleront-ils que leur papa fut un héliciculteur réputé !!

Claude BOUQUET

Photo d’illustration : Le père Mourra.

Mourra.

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