APPEL AU BON SENS MONTAGNARD
Bertrand Canac, vendredi 3 Janvier 2025
Hier, je descends à la ville. En remontant, route barrée.
Une demi-douzaine d’énergumènes déguisés en canaris sont sur le pied de guerre.
Leurs armes : des talkies-walkies.
Leurs montures : de fiers Dusters flambant neufs.
Ma chère, y a de la tune !
Sur les tenues et voitures « DÉPARTEMENT DE L’ISÈRE ».
Ah, au frais du contribuable…
Une demi-heure d’attente…
Fatigué d’une longue journée, on tente notre chance auprès de celui qui semble être le chef : « On peut rentrer chez nous ? »
D’un ton on ne peut plus responsable il nous lâche : « Y a déjà eu un mort… »
Une minute de silence…
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Montagne meurtrière, jadis, tu prenais la vie de quelques alpinistes imprudents qui venaient troubler le silence de tes cimes.
Aujourd’hui, tu viens jusque dans nos vallées terrasser un pauvre sexagénaire dans sa voiture.
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« Aux armes… »
Euh, je veux dire « heure de l’action, chacun à son poste. »
Nos canaris sont en mission très spéciale : scruter la montagne.
Qui aux jumelles, qui au drone…
Deux scrutateurs émérites nommés vigies, héros des temps modernes, se mettent à leur poste de part et d’autre du couloir coupe-gorge. Mission dangereuse, le rocher meurtrier peut tomber à tout moment. Il convient d’être bien protégé, Duster oblige. Main gauche sur le volant pour dégager rapidement .
Main droite sur le talkie-walkie pour donner l’alerte.
Yeux rivés sur la montagne, sur le rocher menaçant.
Pendant une heure matin et après-midi, nos deux héros prennent leur mission très au sérieux.
« Passez braves gens. Le département veille sur votre vie. »
Mais qu’y a-t-il donc dans la tête de ces gens ?
Ou bien font-ils semblant ?
Hé oui, on ne paye pas les gens pour réfléchir, juste pour obéir aux ordres.
Car quiconque a un minimum de bon sens et d’expérience de la montagne sait bien que même si le gars attendait 10 000 ans il aurait peu de chance de voir tomber CE ROCHER. Par contre, s’il reste ici quelque mois, il verra des pierres tomber à droite à gauche et même siffler à ses oreilles, ça c’est sûr. Tant qu’il y aura des montagnes il y aura des pierres qui tombent.
Mais la bêtise ne s’arrête pas là. L’arrêté préfectoral avertit la population que les deux créneaux d’ouverture de la route peuvent être fermés en cas de météo défavorable.
Comment ? Quelques centimètres de neige pourraient déstabiliser le rocher ?
Non. On veut garder un contrôle visuel permanent.
Non content de vouloir contrôler tout ce que font les humains, maintenant on veut contrôler les rochers. Ha ha ha !
Mais où s’arrêtera la bêtise ?
Reste-t-il une once de bon sens dans ce pays ?
Et qui sont les « experts » derrière ces décisions abracadabrantesque ? De toute évidence plus familiers des bureaux d’études que des clapiers…
Appel au bon sens montagnard
Chasseurs de chamois, guides de montagne, gardiens de refuge, bergers, gens d’en haut coureurs de pierriers depuis l’enfance… réveillez-vous. Il est temps de faire entendre la voix des « vrais experts de terrain » que vous êtes auprès d’une préfète et d’un président du conseil général, visiblement trop instruits et trop citadins pour comprendre la montagne.
La nouvelle préfète de l’Isère invite elle-même au dialogue :
« Je suis absolument convaincu que préfète est un métier de terrain, de dialogue, qui impose le bon sens et le pragmatisme.»
« Ma méthode : on n’attend pas d’avoir des problèmes pour organiser le dialogue. Ce dialogue doit être continu. Pour que la confiance soit établie, il doit être permanent. »
– Mme Catherine Seguin, préfète de l’Isère
Habitants de la vallée du Vénéon, gens d’en haut, affirmons fièrement notre compétence et notre expertise de terrain à vivre en montagne. Reprenons en main notre vie.
Bertrand Canac
Habitant de Saint Christophe en Oisans