Élargissement et déneigement de la route d’huez en 1936

Carte postale GEP dans les années 1930-40. Source Musée Dauphinois.

ÉLARGISSEMENT ET DÉNEIGEMENT DE LE ROUTE D’HUEZ EN 1936
Texte découvert dans la revue Travaux publics, publiée en 1936.

Nota : Je n’ai pas trouvé une belle photo des fameuses turbines Snow King et du tracteur Caterpillar dont il est question dans le texte (celles qui illustraient l’article était inexploitable), si vous avez une photo de ce véhicule, je serais heureux de l’archiver avec ce texte.

Les routes de montagnes en Dauphiné
Aménagement et déneigement d’une route d’accès à une station de sports d’hiver
(L’Alpes d’Huez – Isère )
Par A. Charretton, ingénieur des travaux publics de l’État à Bourg-d’Oisans (Isère).

Le développement des sports d’hiver au cours de ces dernières années a mené une modification considérable des conditions de circulation sur certaines routes de montagne pendant les mois d’hiver.
Jusqu’ici ces routes ne desservant que les agglomérations peu importantes, recevaient une faible circulation presque exclusivement locale. Les terrains accidentés dans lesquels elles se développaient conduisaient à leur donner un tracé sinueux avec des lacets à faible rayon, et une largeur réduite : 3 m 50 de plateforme en général.
L’hiver, elles n’étaient guère fréquentaient que par les traîneaux du pays, pour lesquels le déneigement n’étaient pas nécessaire ou qui s’accommodaient d’une trace étroite faite avec un petit triangle en sous-bois traîné par des chevaux.
Depuis une dizaine d’années cependant, certains chemins voyaient passer l’automobile d’un commerçant, d’un docteur et parfois de quelques touristes dûment munis de chaînes. Mais la trace était toujours trop étroite pour permettre le croisement des automobiles, d’autre part, le triangle laissait sur la chaussée une couche de neige tassée trop épaisse, si bien que fréquemment les roues s’enfonçaient et les voitures patinaient sur place.
La vogue des sports d’hiver survenant, les routes qui conduisaient à certains centres reçurent une circulation d’année en année plus intense, et, aux voitures particulières du début vinrent s’ajouter les autocars de plus en plus nombreux te plus en plus volumineux.
C’est ainsi que la route qui de la plaine de Bourg-d’Oisans s’élève jusqu’au plateau de l’Alpe-d’Huez, première assise de la chaîne des Grandes-Rousse, devin chaque dimanche ou jour de fête, du 1er novembre à Pâques, le théâtre d’embouteillages aussi fréquents que dangereux.

À cette situation, il n’y avait qu’un remède :
L’élargissement complet du chemin, le G.C.211 complété par l’augmentation du rayon des lacets et un déneigement efficace de façon à rendre le chemin accessible à tous les véhicules et cela en toutes saisons.
Cet aménagement fut décidé au printemps 1935. La largeur nouvelle du chemin fut fixée à 7 mètres, y compris accotements et caniveaux, le rayon des lacets sur l’axe de la chaussée était porté uniformément à 8 mètres.
Le projet fut rapidement établi, grâce à l’aide des Camarades du bureau d’études de Grenoble : Aymes, Merlin, Pleindoux. Il intéressait une section de chemin de 13 kilomètres, comportant 21 lacets partant de 700 mètres d’altitude à Bourg-d’Oisans, pour atteindre 1880 mètres à l’Alpe-d’Huez.
Pour permettre une exécution aussi rapide que possible, l’ensemble fut divisé en une douzaine de lot. Les travaux dont nous avons assuré l’exécution ne présentaient d’ailleurs, comme difficulté principale, que la brièveté du délai d’exécution. Ils comportaient au total 60 000 mètres cubes de terrassement en grande partie dans le rocher et 12000 mètres cubes de maçonnerie, le tout dans des terrains très déclives.
Commencés au mois d’août, presque simultanément sur les différents lots, les travaux d’élargissement étaient pratiquement terminés au début de l’année 1936, et la plateforme était partout pourvue de sous-chaussée en blocage sommairement cylindrée pour permettre, dès l’hiver 1935-1936, la circulation sur les parties élargies.
L’élargissement du chemin fut complété, en raison de l’absence de place publique dans les villages d’Huez et de l’Alpe-d’Huez, par la construction de deux plateformes pour le stationnement des véhicules : l’une de 3000 mètres carrés pouvant contenir près de 200 voitures à l’Alpe-d’Huez, l’autre de 2000 mètres carrés au village même d’Huez. En outre, un bâtiment fut construit à l’Alpe-d’Huez pour loger deux appareils chasse-neige ainsi que le personnel nécessaire à leur conduite. Ces derniers travaux furent étudiés et dirigés par notre Camarade Dusserre-Teimon.
La route était construite. Il restait à résoudre le problème peut-être le plus difficile, celui du déneigement. Seuls, des engins mécaniques puissants pouvaient être envisagés. Les appareils adoptés pour assurer ce déneigement tant de la route que des plateformes appartiennent à deux catégories bien différentes. Le premier est un tracteur Latil à quatre roues motrices et directrices d’une puissance fiscale de 19 CV, équipé à l’avant d’une étrave métallique de 2 M. 50 de largeur environ et remorquant un triangle chasse neige métallique également de largeur réglable et susceptible de porter la trace à 6 mètres. Ce type d’appareil utilisé depuis plusieurs années dans la région peut facilement pour la section Huez-Bourg-d’Oisans ou l’enneigement n’est pas excessif, et où les congères accumulations de neige dues au vent, sont à peu près inconnues.
Le Second appareil est particulièrement affecté à l’ouverture de la section Huez-Alpes-Huez et au déneigement des plateformes de sectionnement.
Le travail est ici beaucoup plus difficile, car la hauteur de neige atteint couramment 2 mètres et plus, et le vent peut accumuler en quelques heures des congères de 2 ou 3 mètres obstruant la route sur de grandes longueurs.
L’engin choisi pour assurer le déblaiement de cette section est de provenance américaine.
C’est un tracteur de la marque Caterpillar, équipé d’une étrave à turbines Snow King. Sa particularité est de ne pas pousser la neige sur les côtés en formant des bourrelets, mais d’ouvrir dans celle-ci une tranchée à parois verticales et de rejeter la neige au moyen de ses turbines, à plusieurs mètres de la plateforme, et cela à volonté d’un côté ou de l’autre de la route, ou encore des deux côtés à la fois par le jeu de goulottes réversibles.
La largeur de la trace ouverte en une passe est de 3 mètres, en deux passes la route est complètement dégagée. L’appareil, monté sur chenilles, pèse en ordre de marche près de 20 tonnes, et est équipé d’un moteur Diesel d’une puissance de 100 chevaux.

Les deux appareils, décrits ci-dessus, utilisés dès le début de l’hiver 1935-1936, ont, malgré les chutes de neige particulièrement nombreuses et abondantes, donné toute satisfaction. Le chasse-neige à turbines a dû, à plusieurs reprises, évacuer des amoncellements de neige de plus de deux mètres. Il assurait en outre le dégagement des plateformes de stationnement sans l’aide d’aucun moyen de transport, mais uniquement en rejetant la neige au loin avec ses turbines.
La circulation des véhicules de toutes tailles a été assurée par tous temps. La seule interruption constatée au cours de l’hiver et qui dura une quinzaine d’heures fut causée par la chute d’une avalanche qui obstrua la route sur 80 mètres de long. Là encore l’emploie du chasse-neige à turbines, dans 3 ou 4m. 00 de neige lourde et tassée, aidée par une équipe d’ouvriers, réduisit considérablement la durée du déblaiement.
Malgré son poids et ses dimensions, le chasse-neige Caterpillar est d’un maniement relativement aisé. Sa consommation n’est pas excessive pour la puissance mise en jeu, elle atteint 18 litres de mazout à l’heure en plein travail. Pour les fortes épaisseurs de neige qui arrivent à niveler entièrement le terrain, ainsi que c’est le cas à l’Alpe d’Huez, la conduite de l’appareil est grandement facilitée par un balisage du bord de la route aval.
L’aménagement de la route va s’achever au cours de l’été 1936 par le rechargement et le revêtement de la chaussée. Malgré l’accroissement continu de la circulation hivernale sur cette route, le problème de l’accès au centre de ski d’huez et de l’Alpe-d’Huez peut être dorénavant considéré comme résolus à peu près en toutes circonstances.
Photo d’illustration : Carte postale GEP dans les années 1930-40. Source Musée Dauphinois.

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