Le chanvre en Oisans

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Source : biodiversitylibrary, Jean-François Villier, Flore du Gabon, Célastracées Pandacées Bombacacées Cannabacées Bixacées Avicenniacées.

LE CHANVRE EN OISANS 

Extrait de la thèse pour le doctorat ès lettres de Thérèse Sclafert « Le Haut Dauphiné au Moyen âge »
Date de publication : 1926
Extrait : l’Oisans, pages 518 à 521.

Thèse complète de Thérèse Sclafert disponible en ligne sur Gallica.

Sur le même sujet : 
Le Haut-Dauphiné au moyen-âge – L’Oisans
1729 Chanvre et toiles en Oisans

Nota : Au Moyen Âge, la culture du chanvre (Cannabis sativa subsp. sativa) en montagne était essentielle pour les communautés locales. Plante adaptée aux terrains accidentés et aux climats variés, le chanvre prospérait grâce à sa résistance. Les paysans cultivaient cette plante pour ses fibres robustes, utilisées dans la fabrication de cordages, textiles, et toiles, essentiels à l’économie médiévale. Les semences étaient plantées au printemps, et la récolte se faisait en été. Le chanvre était ensuite roui dans l’eau, séché, et battu pour extraire les fibres. Cette culture jouait un rôle crucial dans l’autosuffisance des villages montagnards, offrant des produits nécessaires à la vie quotidienne et au commerce.
Dans le mandement d’Oisans cultivait du chanvre, surtout dans les terres fertiles des vallées de Bourg-d’Oisans, Misoën, et Venosc. Dès le XIIIe siècle, des battoirs et gauchoirs pour traiter le chanvre existaient près du Bourg-d’Oisans, et leur nombre augmenta rapidement au XIVe siècle. Ces installations, souvent annexées aux moulins, étaient essentielles pour l’industrie textile locale. Les habitants devaient utiliser ces infrastructures sous peine d’amende. Après le XIVe siècle, cette industrie déclina, probablement en raison de la réduction des besoins locaux et un mutation du commerce dans les vallées des Alpes durant le séjour des papes à Avignon. 

NDLR : L’extrait présenté ici contient, dans sa version en ligne, de nombreuses notes de bas de page en latin que je n’ai pas recopiées. Les traductions que je propose entre parenthèses peuvent être fautives ou approximatives, merci de me corriger en passant par la boite de dialogue en fin d’article.

Le chanvre en Oisans
Le chanvre. — En même temps que les céréales, le mandement d’Oisans produisait du chanvre. Sans doute les textes ne parlent ni de l’étendue des chénevières, ni des redevances auxquelles, comme dans le Graisivaudan (SIC), elles étaient vraisemblablement soumises, mais l’existence des battoirs et des gauchoirs dans un certain nombre de localités de l’Oisans est une preuve certaine qu’on s’y livrait à la culture du chanvre.
Ces battoirs et ces gauchoirs étaient très nettement localisés dans la plaine alluviale du Bourg d’Oisans, dans la vallée de l’eau d’Olle, dans celle de Misoën et dans le bassin de Venosc, c’est-à-dire partout où les terres étaient assez grasses et assez fertiles pour convenir à une plante aussi épuisante.

Dès le XIIIe siècle, on les trouvait près du Bourg d’Oisans.
sur les bords de la Sarenne, à l’endroit où, en aval d’Essouilleux elle débouche en plaine. Au XIVe siècle, ces artifices se multiplièrent, semble-t-il, avec une étonnante rapidité, on les voit s’annexer à presque tous les moulins à blé établis sur les torrents. En 1316, le petit village de la Paute, en aval du Bourg d’Oisans, avait ses battoirs et ses gauchoirs. À la même époque Jaucerand de Besse, notaire, obtint du Dauphin le moulin de la Fare près de Saint-Laurent-du-Lac (le Bourg-d’Oisans) avec la faculté d’y construire des battoirs et des gauchoirs. Près d’Allemont, deux nobles, Guillaume du Pont et Lantelme Richard tenaient des moulins sur le ruisseau du Monaret au lieu dit le Verney, en 1316, le Dauphin leur donna le droit d’y établir à leur gré des battoirs et des gauchoirs en payant chaque année 2 florins.

En 1319, Henri dauphin, céda en emphytéose perpétuelle, à Aymon, Guillaume et Jacquemet Chaix de Livet les moulins, battoirs et gauchoirs, situés dans la paroisse de Livet, a ponte Sicherii usque ad pontem de Portis (du pont de Séchilienne au pont de l’Avena), pour un cens de 15 setiers de blé méteil (moitié seigle et moitié avoine) et 15 poules par an, et pour 60 sous de bonne monnaie d’investiture. En 1324, les textes signalent des battoirs et des gauchoirs sur le Vénéon à Venosc, en 1328 un battoir au Clapier (près du confluent de la Romanche et du Vénéon. En 1344, le notaire Pierre Ville qui, depuis quinze ans avait albergé les moulins d’Auris situés sur l’Echaillon, obtint du dauphin Humbert II l’autorisation d’y ajouter des battoirs et des gauchoirs.

Dans la seconde moitié du XIVe siècle et probablement bien avant cette époque, Misoën avait ses battoirs ; en 1373, le tenancier qui devait, chaque année, au Dauphin 17 sous de bonne monnaie sollicita une diminution qui ne lui fut pas accordée parce qu’au lieu de gauchoirs il avait établi des battoirs pour lesquels il devait payer un cens que les textes n’indiquent pas. Dans son compte de 1384, le châtelain porte une recette de 17 sous pour les battoirs de Misoën.
Comme les moulins à blé dont ils dépendaient, les gauchoirs et les battoirs appartenaient au Dauphin qui les cédait soit à des particuliers, c’était le cas le plus général, soit aux communautés elles-mêmes.

En 1324, les habitants de Venosc albergèrent les moulins, battoirs, gauchoirs que tenaient auparavant Raymond de Venosc, ils offrirent au Dauphin 11 livres de bonne monnaie vieille de cens annuel, et 10 livres de monnaie courante pour l’investiture.

L’albergement se faisait à des conditions variées selon l’importance des gauchoirs et des battoirs, mais dans tous les cas les habitants de la localité et parfois ceux des paroisses voisines étaient tenus d’y apporter leur chanvre et leurs toiles, sous peine d’une amende de 60 sous.

Les gens d’Auris devaient se rendre aux moulins de l’Echaillon, ad batendam et gauchiandum telas suas et canabes (pour avoir battu et « gauchi » leurs toiles et leur chanvre).
Ceux des Alberges et du Clapier étaient obligés en tout temps de venir battre et gaucher aux moulins de la Fare, près du Bourg d’Oisans, et les habitants de Villar-Aymond d’y apporter leurs chanvres quand leurs propres moulins étaient arrêtés, faute d’eau.

Les populations du Bourg-d’Oisans allaient obligatoirement aux battoirs de la Sarenne près d’Essouilleux et quand le Dauphin avait albergé à la communauté de Venosc les battoirs et les gauchoirs établis sur le Vénéon, il avait formellement ordonné omnibus dicte parrochie quathenus in molendinis et balistoriis et gauchatoriis predictis… molant, bathant et gauchient blada sua, pannos et canabos in molendinis et aliis aysiis antedictis (dans toutes lesdites paroisses, dans les susdits moulins et « balistoriis » et gauchoirs… qu’ils broient, baignent et laissent leur blé, draps et chanvre dans les susdits moulins et autres « appareils » susnommés).
Le grand nombre de battoirs et de gauchoirs qui utilisaient les eaux des torrents de l’Oisans témoigne de l’existence d’une industrie textile qui fut certainement très active au cours du XIVe siècle. Il ne semble pas qu’elle se soit soutenue longtemps.

En 1450, les battoirs d’Ornon que la communauté avait jadis albergés étaient détruits, et quelques autres que les textes du xve siècle ne mentionnent plus eurent vraisemblablement le même sort. Il est probable qu’à partir du xve siècle, l’industrie textile se réduisit aux besoins locaux ; au XIVe siècle, elle les avait certainement dépassés. Peut-être faut-il voir dans ce développement intense —, mais momentané, un des effets de l’activité commerciale que suscita dans beaucoup de vallées des Alpes le séjour des papes à Avignon, et dont l’industrie de l’Oisans subit surtout l’influence par l’intermédiaire des marchands de Briançon.

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