Les maux des murs anciens

Cliquez-moi !LES MAUX DES MURS ANCIENS

Source : Synthèse d’un dossier de formation édité en avril 2011, par l’association APLOMP38 : « Comprendre les pathologies de la maçonnerie ancienne, en particulier dans la Bièvre, le sud Grésivaudan et les Chambarans », rédigé par M. Yannick Brès

2023… à l’heure ou certains bâtiments riches en histoire, sont menacés par décision municipale (Bulletin No 116 de l’association Coutumes et  Traditions de l’Oisans, La Halle du Bourg-d’Oisans P. 1 à 3), ce texte « Comprendre les pathologies de la maçonnerie ancienne… », découvert, il y a quelques années, s’est rappelé à ma mémoire avec la motivation d’en rédiger une synthèse (le document original de 16 pages n’étant pas adapté au format d’article du site).

Nota : Je ne suis pas du tout spécialiste, ni même amateur de ce sujet, il est fort possible que certains raccourcis adoptés pour la rédaction de cette synthèse soient maladroits, voire erronés, dans leur interprétation. Si vous relevez ce type de problèmes, merci de me le faire savoir par message en utilisant l’outil correcteur disponible en bas de l’article.   

La maçonnerie ancienne
La maçonnerie ancienne désigne la construction de bâtiments sans l’utilisation d’outils mécanisés tels que les camions-toupies, les ferrailles à béton, les bétonnières… Ces bâtiments ont été construits principalement au XIXe siècle par des paysans aidés de leur maçon local (à Venosc, j’ai le souvenir de M. Torresan, dit Toto, maçon octogénaire quand j’étais enfants, dont le dos était marqué d’une bosse, courbure permanente, façonnée par les années à porter des sacs de ciment sur l’épaule), mais ils peuvent également être plus anciens en utilisant des techniques héritées des Romains et des architectes médiévaux, et alors élaborer des constructions bien plus complexes. Dans certaines régions, il est courant de rencontrer des constructions en moellons (pierre à bâtir, généralement calcaire, taillée plus ou moins partiellement), galets et pisé. Ces bâtiments sont devenus très prisés ces dernières années, car ils représentent la seule trace visible de nos racines régionales, et intéressent aussi bien les universitaires pour reconstituer les modes de vie locaux, que les citadins déçus de leur environnement normalisé. Il y a donc une demande croissante pour sauver ces maisons plutôt que de les démolir sauf pour quelques élus, plus enclins à raser qu’à réhabiliter ces « vieilles baraques », et dont les projets et l’imagination ne décolle guère plus haut que la ligne d’horizon de quelques places de parkings.

Les pathologies de la construction traditionnelle apparaissent surtout dans la maçonnerie, comme les fentes, les murs gonflés et décollement d’enduits, mais ces symptômes peuvent cacher des désordres dans d’autres domaines de la construction tels que le drainage des sols, les planchers et la toiture.

Les principes de la maçonnerie ancienne incluent des fondations et des soubassements solides, une structure adaptée à l’environnement, des matériaux de qualité et une bonne ventilation. Il est important de noter que le coût de la main-d’œuvre était très faible à l’époque, mais qu’il représente maintenant la plus grande partie de l’investissement d’un mur traditionnel.

Les différences entre les murs en pierre ou galets et les murs en pisé
Dans certaines régions, les murs couramment utilisés sont montés en moellons, c’est-à-dire des pierres non taillées. Les pierres de taille sont utilisées pour les chaînages ou les ouvertures, portes et fenêtres. Les chaînages verticaux servent à unir deux murs qui se rencontrent ou à unir les deux parements d’un mur qui court sur une grande longueur en plus de l’apport esthétique. Les pierres d’angle qui forment le chaînage sont harpées, taillées verticalement ou horizontalement et prises dans la maçonnerie, de manière à enchâsser les petits rangs de moellons dans les dents formées par les grandes pierres de taille. Les chaînages peuvent également être réalisés en briques pleines ou en tuf comme c’est souvent le cas en Oisans. Les murs en pierre sont constitués de deux parements réunis par des pierres formant un parpaing. Entre ces deux parements, le garni est constitué de petites pierres et de mortier comme pour les maisons traditionnelles de Clavans. Pour certains murs construits en lits successifs, on prend soin de croiser les joints verticaux.
Le mortier est un mélange de liant, de sable et d’eau utilisé pour monter les murs de maçonnerie ou pour les enduire.
Les liants traditionnels sont obtenus à partir de roches argilocalcaires cuites, réduites en poudre. Les liants peuvent être classés selon la quantité d’argile qu’ils contiennent, ce qui détermine leur rigidité, leur étanchéité et leur vitesse de séchage.

Les différents types de murs dans la maçonnerie ancienne
Ce qui caractérise un mur de clôture, c’est qu’il doit se suffire à lui-même et doit donc souvent atteindre des proportions massives pour être stable. Il peut être agrémenté d’éperons, de chaînages verticaux ou d’angles pour renforcer sa structure. Pour les caractéristiques d’un mur de soutènement, il doit supporter une poussée latérale due à la terre. Il doit s’élargir à la base pour conduire la poussée vers le sol et évacuer l’eau contenue dans le talus pour éviter la désagrégation.

Pour une maison, la stabilité d’un mur est facilitée par le ou les planchers, la toiture et le mur de refend.

Il existe plusieurs types de problèmes qui peuvent survenir avec un enduit extérieur de maison
Le salpêtre est un problème qui se produit lorsque l’enduit est trop étanche, mais assez épais pour résister aux effets répétés de l’eau. Les sels minéraux contenus dans la maçonnerie sont dissous par l’eau qui stagne à l’intérieur du mur, et déposés à la surface de l’enduit, à l’endroit où l’eau peut enfin s’évaporer. La solution consiste à refaire un enduit plus poreux sur l’extérieur.
Un autre problème souvent évoqué est celui de l’enduit qui « farine », c’est-à-dire qui tombe en poussière au premier coup de vent. Cela est couramment dû à un enduit fait avec peu de chaux, mais avec un sable fin et argileux qui a bien collé au moment d’enduire et qui résiste mal à l’érosion. Il faut alors brosser le mur et le ré-enduire avec un enduit plus riche en chaux.
Enfin, les revêtements dit « plastiques » mélange de sable et d’un liant, d’aspect épais qui sont étanches et ont tendance à se détacher de l’enduit véritable avec le temps. Ajoutons à la liste les problèmes de joints dans les murs en pierres apparentes, qui peuvent avoir les mêmes soucis que l’enduit indiqué plus haut.
Pour résumer, ces différents types de problèmes liés à l’enduit extérieur de la maison peuvent causer des dommages à long terme s’ils ne sont pas réparés.

Les maux des murs
Les fentes horizontales qui peuvent survenir dans les bâtiments en béton armé peuvent se produire dans deux cas : un bâtiment en béton installé sur une forte pente avec des ferraillages sous-dimensionnés, provoquant une fente horizontale à la base du mur, ou alors une dalle béton armée trop lourde, installée dans une maison ancienne s’appuyant sur un mur fragile, causant alors une large fissure horizontale sur tout le mur.
Les gonflements ou renflements peuvent être causés par des fuites de toiture qui déversent de l’eau dans le mur et causent des problèmes d’infiltration. Dans ce cas il est préférable de résoudre le problème d’infiltration avant de réparer la maçonnerie.

Les liens entre les murs, les planchers et les cloisons dans les bâtiments anciens
Des problèmes courants peuvent survenir avec ces éléments structurels, il existe des solutions pour les résoudre.
Pour les planchers en bois, il est important de vérifier l’état des poutres et des solives, et de résoudre les problèmes d’humidité avant de changer les poutres. Les poutres peuvent être sous-dimensionnées, il est alors conseillé de : soit alléger la charge, soit de remplacer des poutres par d’autres de plus grande section.
Pour les voûtes, il est important de mesurer et de dessiner la courbe de la voûte pour évaluer l’épaisseur du mur nécessaire en situation sèche dans sa forme originale. Avant tout commencement des travaux, il est important de résoudre les problèmes d’humidité. Certaines initiatives censées soutenir une voûte peuvent être fatales, comme la construction d’une cloison ou d’un poteau sous le point le plus haut d’une voûte.
Pour les voûtains, il faut savoir que ce type d’architecture peut être difficile à sauvegarder si les voûtains sont déjà fendus.
Enfin, pour les cloisons traditionnelles, en briques plâtrières, en carreaux de brique ou en carreaux de plâtre, elles sont extrêmement rigides. Il est conseillé qu’elles soient enchâssées dans une ossature secondaire pour réduire les vibrations. Chaque morceau de cloison doit avoir une forme simple et des dimensions longueur fois hauteur maximale préalablement calculée.

Les remèdes à long terme pour rétablir la stabilité d’un bâtiment ancien
Les différentes étapes pour assurer la pérennité d’une maçonnerie ancienne passent avant tout par un toit irréprochable qui transmet la charge verticalement, protège la maçonnerie de la pluie et sert de chaînage horizontal.
Il est important de conforter la maçonnerie en remplissant les cavités avec un mortier adapté, sans improviser ce comblement. Réaliser des semelles de répartition et utiliser des contreforts ou des chaînages en béton armé.
Utiliser le ou les planchers pour rigidifier la maçonnerie, en utilisant des muraillères pour soutenir les solives, et mieux répartir la charge de l’ossature bois, utiliser des poutres maîtresses comme tirant et soigner tous les types de scellements.
Derniers points, il est déconseillé d’utiliser du ciment dans un mur en pisé.

Des solutions à long terme pour rétablir la stabilité d’un bâtiment
Réaliser des fondations en sous-œuvre « en pointillé » 1,5 m, en deux fois, à un mois d’intervalle afin d’éviter l’effondrement du mur ou de la maison.
Ainsi et toujours, régler les problèmes d’humidité en abandonnant l’idée de l’étanchéité, mais plutôt en réalisant des drains à distance raisonnable des murs.
Laisser respirer les murs et les sols et éviter les doublages qui créent des endroits inaccessibles, favorisent l’accumulation d’humidité et cachent les problèmes de couverture ou d’isolation.
Cela peut impliquer de ne pas habiter les combles et d’utiliser des matériaux naturels et écologiques pour l’isolation.

Voici quelques pistes et différentes options pour retrouver une maison convalescente
Naturellement, il est toujours préférable de conserver les techniques traditionnelles en utilisant des matériaux d’origines, telles que des pierres d’un mur déconstruit, des enduits de terre ou de chaux, mais avec de nouvelles techniques plus adaptées.
Il est toujours possible de changer de technique et de matériaux (par exemple, utiliser des bottes de paille, de la laine de bois, etc.) tout en restant dans une forme traditionnelle.
Fondamentalement, avant de se lancer, il est important de comprendre comment la maison a été construite pour ne pas avoir peur d’intervenir.
Il faut aussi se poser la question de savoir si le maçon qui a construit la maison pourrait comprendre ce qu’on veut faire.
Préférez les enduits respirants et souples. Calibrez certaines ouvertures et de soignez les finitions, menuiseries, ferronneries, peintures… en évitant les matériaux peu durables, qui ne peuvent pas être recyclés, ou polluants.

En résumé, les problèmes courants rencontrés dans les constructions traditionnelles peuvent être dus à un manque d’entretien, à une mauvaise compréhension de leur fonctionnement, une mauvaise aération, une humidité importante, mais aussi à l’incompétence du maçon ou à des accidents mal pris en considérations.
Il ne faut pas rejeter le système traditionnel ou moderne, l’un comme l’autre propose de nombreux avantages.

Pour conclure — d’une façon plus personnelle et plus intime —, ces vieux murs, tout comme ces vieilles maisons aux escaliers étroits, tordus et mal commodes, aux petites ouvertures me rappellent ce texte de Maupassant évoquant les vers de Sainte-Beuve : « Il a bien souvent soutenu mon pauvre cœur : Naître, vivre et mourir dans la même maison. Je ne la puis plus quitter maintenant, cette maison où je suis né, où j’ai vécu, et où j’espère mourir. » 

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