
Visite du Barrage du Chambon par le président de la République Albert Lebrun en août 1936. L’homme au chapeau melon est Albert Lebrun, à sa gauche, en complet gris, Henri Fredet. Fonds d’archives Henri Fredet
L’HOMMAGE DE L’OISANS AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE
Inauguration du Barrage du Chambon en 1936
Source Archives Freneytique : Le petit Dauphinois, édition du samedi 22 août 1936
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L’Hommage de l’Oisans au président de la République
(De notre envoyé spécial)
Bourg-d’Oisans, 21 août.
— Décidément, M. Albert Lebrun, pendant ses vacances à Vizille, ne veut pas passer aux yeux des Dauphinois pour un contemplatif méditant derrière les murs si vénérables qu’ils soient de son château aux archères à courte vue. Il lui faut du large. Et ce matin, rompant à nouveau les amarres, les autos de la Présidence se sont élancées à l’assaut des cimes où reposent les eaux des lacs plus bleus encore que l’imagination voudrait les colorer. Alors, sans regret et respirant à pleines bouffées cet enthousiasme venu de si haut, nous nous sommes essoufflés derrière ces huit cylindres a des « cent à l’heure » qui est le petit pas de promenade de M. Duthoit, le chauffeur virtuose de l’Élysée.
Le Président de la République a visité le barrage du Chambon et au retour il fut l’hôte de la Société à qui a été confiée l’exploitation des chutes.
AU BARRAGE DU CHAMBON
Si l’exactitude était la politesse des rois, la tradition a gagné les présidents do la République. À 10 heures 20, sans une seconde de retard, le cortège présidentiel sort du nouvel Élysée vizillois. Il est moins important que d’ordinaire, mais nous retrouvons avec M. Magre, secrétaire général de la Présidence, le colonel de Bellefond, MM. Perrier, sénateur ; Paganon, ancien ministre ; Susini, préfet de l’Isère ; Arnol, député, etc., toute la gamme des personnalités qui accompagne désormais M. Albert Lebrun dans ses déplacements. MM. Keller, présidents de la Chambre de Commerce ; Marlio, vice-président du conseil d’administration de la société des Forces motrices de la Romanche ; Bonnafous, chef de cabinet du Préfet, se sont joints à la caravane. Dès la sortie de Vizille, la Romanche montre la route à suivre. Admirable route, mais terriblement admirée, surtout en ces jours favorables aux déplacements familiaux. Cascades, grondements sous la blancheur de l’écume, air qui fouette, tintements de l’enclume, giclement des eaux que comprime la fonte, chevrette effrontée, senteurs de lavande, névé agonisant, et c’est le barrage du Chambon. Fermant la vallée à l’emplacement d’un verrou glaciaire, il forme un lac artificiel d’une superficie de 140 hectares. M. Albert Lebrun subit le charme qui est profond. Ce n’est plus l’étroitesse chaotique du Sautet qui oppresse et écrase, c’est la beauté respirée à pleins poumons, la splendeur du décor qui chante la vie dans ce qu’elle a de plus sain. MM. Marlio, Launay et Fredet font les honneurs de ce colossal ouvrage d’art : Il a été conçu, on le sait, par un industriel dauphinois, M. Henri Fredet, dont le père fut l’un des pionniers de la Houille Blanche.
M. Fredet dès la première heure, trouva auprès de M. Ch.-A. Keller, président de la Chambre de commerce de Grenoble, et de M. le sénateur L. Perrier, la collaboration la plus active et l’appui le plus agissant. Le barrage du Chambon a été réalisé sous la direction générale de M. Simon et la direction technique de M. Haegelen. Ce dernier, auteur principal du projet définitif d’exécution, tous deux ingénieurs en chef des Ponts et Chaussées.
Sur le barrage même du lac du Chambon,
dans le décor qui s’offre avec toute sa splendeur,
la caravane de techniciens et de personnalités qui entoure le Président de la République,
s’avance jusqu’auprès des eaux vertes du gigantesque réservoir.
L’ÉMOUVANT HOMMAGE DES POPULATIONS DE L’OISANS À M. ALBERT LEBRUN
Au barrage du Chambon, où une foule considérable était massée dans l’espoir de saluer le chef de l’État, M. Lebrun fut accueilli par tous les maires des petits villages de ces montagnes si magnifiquement belles, mais si farouchement inhumaines, souvent ! Ils étaient tous venus, et avec eux tous les conseillers municipaux et aussi leurs femmes et un grand nombre de ces gars solides pour qui l’idée de république, est comme un de ces vents chauds prometteurs des beaux jours. Ils étaient tous venus… et le brin d’herbe accroché à leurs grosses chaussures du dimanche, la poussière sur leur habit noir « de la noce » trahissaient le long chemin parcouru à travers le pays si sauvagement tourmenté. Belles figures tannées, magnifiques mains calleuses, braves cœurs, grandes âmes… Cet hommage, d’un silence si émouvant — car ils ne disaient rien, ils regardaient tête nue — était un témoignage de fidélité et de respect d’une profondeur sans bornes.
Au Grand-Hôtel, M. Albert LEBRUN,
prononçant son allocution après les souhaits de bienvenue offerts
par M. le Dr Faure, maire, au nom de la. Municipalité
et de toute la population de Bourg-d’Oisans
LE DÉJEUNER AU GRAND-HOTEL DE BOURG-D’OISANS
M. Albert Lebrun quitta avec un visible regret le lac et le barrage dû Chambon. Avant de regagner Bourg-d’Oisans, MM. Perrier et Arnol, les parlementaires enfants du pays, prièrent le Président d’admirer encore une fois — d’un piton qui domine l’ouvrage d’art en entier le panorama sans pareil qui s’offre au regard extasié. Ce belvédère portera probablement désormais le nom de Albert Lebrun. Au Grand Hôtel, le chef de l’État traverse le parc au milieu de l’enthousiasme général. Il est reçu sur le perron de l’établissement par Mlles Micheline Dauphin, Andrée Michaud, Mireille Giniès, Colette Barruel et M. Jacques Fort, une symphonie charmante d’enfants blonds, rosés et jolis comme les petits enfants des contes, les mains chargées de fleurs de la montagne. Le Dr Louis Faure, maire de Bourg-d’Oisans, entouré de son conseil municipal en entier, souhaite la bienvenue au Président Lebrun et forme, en termes élevés, des vœux de bonheur pour lui et sa famille pendant leur séjour en Dauphiné. Le Président remercie avec toute cette bonhomie dont il fait si aimablement usage parmi nous et sans plus de façon, car c’était un dernier intime — la République fut servie.
La direction du Grand-Hôtel — Mme Faisan, maîtresse de céans — fit apprécier les truites de la Romanche, les spécialités les plus fines de son établissement dans un décor floral artistement dressé par M. Grillet, de Grenoble. M. Lebrun est un convive charmant. Il le fit bien voir : MM. Paganon, Dr Faure, Perrier, Arnol, Keller, Susini, ses voisins de table les plus proches ne cessèrent — trahissons-les — de sourire et de rire alors que les fumets délicats succédaient aux arômes plus délicats encore. Vers 16 heures, les automobiles de la présidence gagnèrent de vitesse la Romanche par le chemin du matin pris à rebours ; ce chemin près duquel les hommes depuis des années essayent de dompter la turbulente rivière, maîtresse incontestée de cette incomparable vallée.
R.-L. LACHAT.
Demain M. Albert Lebrun se rendra dans les Hautes-Alpes et inaugurera à Gap la Chambre de Commerce et l’Hôtel des Postes.
Gap, 21 août.
— Les Hautes-Alpes sont si proches du Château de Vizille que M. Albert Lebrun a bien voulu accepter de leur consacrer toute une journée de lendemain de week-end.
Le 23 août, Gap, Embrun et Briançon, tour à tour, recevront officieusement le chef de l’État. Malgré la signification donnée à ce voyage d’un jour, les populations des Hautes-Alpes s’apprêtent, à recevoir M. Albert Lebrun d’une façon plus que spontanée. C’est ainsi qu’à Gap de grandes fêtes débuteront samedi soir, avec une retraite aux flambeaux monstre, et un concert par la musique des Équipages de la Flotte. Elles continueront le lendemain avec le concours de nombreuses fanfares et sociétés musicales. Il y aura aussi une fête, des danses et des costumes régionaux. Dimanche matin, le président sera reçu à 10 heures par une ville parée de milliers d’oriflammes et pavoisée de drapeaux, mêlant les couleurs nationales aux couleurs azur et or de la cité. Après un cours séjour à la Préfecture et le dépôt d’une gerbe au monument aux morts, M. Albert Lebrun se rendra dans la rue Carnot — en souvenir d’un voyage que fit le président Sadi-Carnot à Gap en 1890 — où il procédera à l’inauguration de l’Hôtel de la Chambre de Commerce et du nouvel Hôtel des Postes. Puis, il ira saluer les Anciens Combattants à la Maison du Poilu Haut-Alpin. C’est dans cet immeuble appartenant à l’A.M.A.C. départementale que la Municipalité gapençaise lui offrira un vin d’honneur… À l’issue du déjeuner intime servi à la Préfecture, le Président quittera Gap à 14 h. 30, par la route, à destination d’Embrun. Dans la vieille cité, il visitera la cathédrale et ses trésors jalousement conservés. La municipalité embrunaise lui offrira une réception, de même que celle de Briançon, quelques instants plus tard. Dans ces deux dernières villes, M. Albert Lebrun rendra également hommage aux victimes de la guerre par le dépôt d’une gerbe aux monuments élevés et leur souvenir. Toujours par la route, mais cette fois en empruntant la vallée de la Romanche que domine la Meije, le chef de l’État regagnera Vizille.
Pendant son séjour, il sera accompagné de MM. Jardillier, ministre dès P.T.T. ; Bastid, ministre du Commerce, et Moutet, ministre des Colonies.
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CHAMBON, DANS L’OMBRE D’UN GÉANT
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